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Fenêtres sur le passé
1893
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La fortune de la mendiante de la rue Ornou à Brest
Source : La Dépêche de Brest 24 septembre 1893
Il y a un mois environ, les locataires de la maison portant le n° 10 de la rue Ornou, inquiets de n'avoir pas vu
depuis plusieurs jours une vieille mendiante, connue sous le nom de Marie Colin,
qui habitait une mansarde du 3e étage, se décidèrent à aller chez elle.
La porte de sa mansarde, qui d’habitude était toujours fermée à clef — elle avait une peur noire des voleurs –
n’était que poussée et à l'intérieur la vieille mendiante, assise sur une malle près de son lit,
ne donnait plus signe de vie.
On ne lui connaissait pas de parents.
Aussi, après l'inhumation, le juge de paix, prévenu, vint-il, assisté de son greffier, apposer les scellés.
Le propriétaire de la maison, M. Morel, y assistait.
On juge de l'étonnement général quand, dans la malle sur laquelle la mendiante avait été trouvée morte, la concierge, Mme Pichon, découvrit, soigneusement enfermés dans un petit sac, 3,000 fr. en or
et des actions de chemins de fer pour une valeur de 2,000 francs.
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Marie Colin était une toute petite femme chétive et très maigre.
Elle était âgée d’une soixantaine d'années.
Vêtue misérablement, elle était coiffée,
à la mode de Châteaulin, d'une coiffe « en huit ».
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Elle ne vivait que de mendicité.
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Aussi portait-elle toujours un panier qui lui servait à contenir
les aumônes qu'elle recevait.
Elle ne sortait jamais non plus — été comme hiver — sans un vieux riflard verdâtre tout usé.
On s'accordait à la croire excessivement misérable, sauf pourtant quelques voisines auxquelles elle fit un jour
la confidence qu'elle possédait une somme de 1,800 fr., ajoutant toutefois que
« ce n'était pas là une bien grosse somme ».
Tous les trois mois, la mairie lui allouait une somme de neuf francs pour acquitter son loyer.
Les aumônes abondaient.
Des bonnes venaient même lui en apporter chez elle.
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Marie Colin était taciturne et évitait de causer à ses voisines.
Quand ces dernières se hasardaient à lui poser quelques questions,
elle devenait furieuse.
« Laissez-moi tranquille, leur disait-elle, allez-vous en, mauvaises langues ! »
Personne n'était admis à pénétrer chez elle.
Un jour que la mendiante avait fait du feu avec de vieux balais en plumes qu'elle avait ramassés dans la rue et qu'il se dégageait une épaisse fumée
de sa mansarde, les voisins, craignant qu'elle n'incendiât la maison,
voulurent pénétrer chez elle, mais Marie Colin s'y refusa.
« Il faut le commissaire, dit-elle ; sans ça je n'ouvre pas ! »
Très dévote, elle allait à confesse tous les huit jours
et elle allait tous les matins à l'église des Carmes,
où elle ne payait jamais sa chaise, invoquant son excessive pauvreté.
Mercredi prochain, à 10 heures du matin, Me Thomas, commissaire-priseur à Brest,
procédera à la vente aux enchères publiques des objets contenus dans la mansarde de la vieille mendiante :
un lit de fer, quelques vieilles chaises, un amas de linge de femme et de débris divers.
Ainsi que nous le disions plus haut, avant la mort de Marie Colin on ne lui connaissait pas de parents.
Depuis, plusieurs personnes auraient fait valoir leurs droits à sa succession.
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Ce qui prouve qu'il n'y a encore qu'un bon héritage pour raviver le sentiment de la famille.
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Source : La Dépêche de Brest 28 septembre 1893
C'est hier matin qu'a eu lieu la vente aux enchères publiques du mobilier et « débris divers »
contenus dans la mansarde occupée, au 3° étage de la maison portant le n° 10 de la rue Ornou, par Marie Colin,
cette vieille mendiante trouvée morte il y a environ un mois.
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À dix heures moins le quart, quelques revendeuses et quelques curieux stationnaient en face de la maison et où avaient été exposés :
matelas, couvertures, taies d'oreillers, vieilles paperasses, christs, chapelets, etc., etc.
On se serait cru transporté sur la place de la Liberté
le jour de la foire de la Saint-Michel.
C'est Me Thomas, commissaire-priseur, qui opérait la vente.
Comme bien l'on pense, les racontars allaient leur train.
La fortune trouvée chez la morte faisait les frais de la conversation.
À dix heures, la vente a commencé.
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La malle sur laquelle Marie Colin a été trouvée morte et dans laquelle on a trouvé les 3,000 francs en or
et les actions de chemins de 1er, représentant une somme de 2,000 francs, est mise à l'enchère.
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Elle contient divers débris tels que vieilles chaussures, etc., et le riflard que Marie Colin portait, été comme hiver.
La première enchère est de 1 fr. 25, mais finalement la fameuse malle est adjugée à Mme Bégoc
pour la somme de deux francs.
— Fouillez bien, lui dit-on, un trésor est peut-être caché dedans.
Le commissaire-priseur et les revendeuses montent ensuite, par un escalier en colimaçon,
dans la mansarde de la vieille mendiante.
Sur toutes les parois on ne voit que des images de dévotion :
Sacrés cœurs de Jésus, Sainte-Anne d'Auray, etc.
Le petit lit de fer dans lequel elle couchait et son sommier sont alloués à Mme Le Breton
pour la somme de deux francs.
Tout le reste, contenu dans la mansarde :
ustensiles de cuisine, manches de parapluie, etc., est alloué à Mme Cataliné pour un franc.
À 10 h. 1/2, la vente, qui a rapporté 50 francs, était terminée.
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