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Fenêtres sur le passé

1893

L'affaire du tirage au sort à Plouescat

 

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Source : La Dépêche de Brest 29 janvier 1893

 

Rébellion.

 

Jeudi, vers cinq heures du soir, les gendarmes Bonal et Le Mouellic, de service au bourg de Plouescat, à l'issue du tirage au sort, s'approchèrent d'un rassemblement tumultueux, rue Primel, en face de l'auberge Guivarch, pour essayer de séparer des jeunes gens qui se battaient.

À ce moment, le nommé Larvor (Jean-Louis), âgé de 26 ans, cultivateur, demeurant au village de Pen-ar-Prat, en Plouescat, qui avait terrassé son adversaire, se releva et porta deux violents coups de poing au gendarme Bonal.

Ce dernier, aidé de son camarade, voulut arrêter Larvor, mais l'agresseur, qui est doué d'une force peu commune, résista avec violence, excitant la foule contre les gendarmes.

Devant l'hôtel Armorique, le prisonnier fut délivré et les gendarmes étaient débordés quand survinrent le brigadier et les gendarmes Bauff et Guichard, qui se disposaient à se rendre à Tréflaouénan, et qui venaient d'être mis au courant de ce qui se passait.

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Sans hésiter, tout en faisant preuve du plus grand calme, ils recherchèrent Larvor, qu'ils retrouvèrent au milieu d'un groupe et qu'ils sommèrent de les accompagner à la chambre de sûreté.

Larvor, de plus en plus surexcité, se livra à des voies de fait sur le brigadier et sur les gendarmes, tandis que la foule, qu'on peut évaluer à deux cents personnes, leur lançait des pierres et des tessons de bouteilles.

Diverses personnes conseillèrent alors aux gendarmes, craignant sans doute l'effusion du sang, de mettre leur prisonnier en liberté, mais les gendarmes s'y refusèrent formellement.

Ils étaient couverts de boue, nu-tête, entourés par la foule, dont l'hostilité s'accentuait encore, quand arriva M. le maire de Plouescat, qui exhorta les assistants au calme, les prévenant même qu'en cas de nécessité, les gendarmes feraient usage de leurs armes.

Force est enfin restée à la loi, et les gendarmes, revolver au poing, ont traîné leur prisonnier à la chambre de sûreté.

 

On s'accorde à reconnaître que les gendarmes ont été magnifiques de sang-froid et d'énergie.

Deux ou trois d'entre eux sont légèrement blessés.

 

L'enquête se poursuit, et il est certain que Larvor n'aura pas seul à répondre devant la justice de cet acte de rébellion.

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Source : La Dépêche de Brest 2 février 1893

 

Enquête à Plouescat.

 

MM. Lachaze, juge d'instruction, et Samson, procureur de la République, sont rentrés ce matin, à deux heures, venant de Plouescat.

Ils étaient accompagnés de MM. Créteaux, commis-greffier, et Rohan, interprète.

Les magistrats ont entendu de nombreux témoins, parmi lesquels MM. Lavalou, juge de paix de Plouescat, Jaouen, juge de paix de Plouzévédé, le receveur de l'enregistrement, le receveur des contributions indirectes, etc , etc.

À la suite de l'enquête, quatre personnes, dont la culpabilité est indéniable, ont été arrêtées.

Ce sont les nommés Calvez (François-Marie), âgé de 30 ans, ancien quartier-maître de la marine ;

Guillou (Vincent), âgé de 26 ans, Guennoc (Jean), âgé de 28 ans,

et Calarnou (Marie-Renée), femme Pichon, âgée de 19 ans.

Cette dernière, mariée depuis deux mois à peine, cherchait à éborgner les gendarmes à coups de parapluie.

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L'enquête a établi la parfaite correction des gendarmes, qui ont été admirables de calme et de sang-froid et que la foule aurait écharpés sans l'énergique intervention du maire de Plouescat.

Ce dernier, un descendant du pilote Trémintin, qui s'illustra avec l'enseigne Bisson, dont la statue est érigée à Lorient, a réussi, non sans peine, à maîtriser les émeutiers, qui proféraient des menaces de mort contre les gendarmes, et les a courageusement protégés, pendant que, revolver au poing, ils entraînaient leur prisonnier Larvor.

 

Les quatre prévenus sont arrivés à Morlaix ce soir, à 4 h. 1/2, et ont été immédiatement incarcérés.

L'enquête se poursuit et il pourrait même se faire qu'on procédât à de nouvelles arrestations.

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Source : La Dépêche de Brest 18 mars 1893

 

L'audience d'aujourd'hui a été tout entière consacrée aux débats de l'affaire de Plouescat, dite l'affaire du tirage au sort.

On se rappelle que, dans la soirée du 26 janvier dernier, vers cinq heures, des scènes tumultueuses, qui auraient dégénéré en une véritable émeute, sans le sang-froid et l'énergie du brigadier Laurans et des quatre gendarmes de la brigade, courageusement secondés par MM. Trémintin, maire, Jaouen (Francis), juge de paix de Plouzévédé, et Edern, pharmacien, éclatèrent au chef-lieu de canton.

 

Les prévenus sont au nombre de douze, dont dix étaient détenus depuis la fin de janvier ou les premiers jours de février, les deux autres avaient été laissés en liberté.

Ce sont les nommés Larvor (Jean-Louis), 26 ans, cause principale de ces scènes ;

Milin (Jean), 60 ans ;

Ollivier (Hervé), 24 ans ;

Calvez (Jean François ), 30 ans, beau-frère de Lavor, et Calarnou (Marie), femme Pichon, 19 ans, tous cinq défendus par Me René Huet ;

Calvez (François-Marie), ex quartier maître de la Marine, 30 ans ;

Milin (Charles), 28 ans et Guennoc (Jean), 30 ans, tous trois défendus par Me de Planhel ;

Guillou (Vincent), 26 ans, cousin de Larvor, défendu Par Me Le Febvre ;

Kermoal (François), 30 ans ;

Calvez (Perrine), 22 ans, et Lagadec (Jean), 28 ans, tous trois sans défenseur et les deux derniers comparaissant en liberté. ,

 

De 8 heures et 1/2 à 11 heures, le tribunal a entendu les dépositions des témoins à charge, parmi lesquels MM. Trémintin, maire, et Laurans, les gendarmes Bonal, Bauff, Guichard, Moellic, MM. Graslant, receveur d'enregistrement, Sauttinel, receveur des contributions indirectes, Edern, pharmacien, Cabon, docteur-médecin, Jaouen, juge de paix de Plouzévédé, Caroff (Allain), garde champêtre, Bodénes, négociant, Le Gall (Honorine), domestique de M. Jaouen, Guéguen (Aline), blanchisseuse, Kermoal (Thérèse), etc., etc. et un témoin à décharge cité par Guillou (Vincent), le jeune Sébastien Tanguy.

 

Au cours des interrogatoires, M. Président Pinchon a félicité MM. Tremintin, Jaouen, Edern et la brigade de gendarmerie de leur attitude énergique.

M. Samson, procureur de la République, et les avocats se sont associés à ces félicitations.

 

L'interrogatoire des prévenus, commencé à une heure un quart, ne s'est terminée qu’à trois heures.

Tous les prévenus, tout en invoquant l’ivresse, ont reconnu qu’ils avaient assisté à ces scènes de désordre et qu'ils y avaient pris une part plus ou moins directe.

Ces aveux leur étaient d'ailleurs imposés par les déclarations catégoriques des témoins.

 

M. Samson a soutenu la prévention avec grande énergie, établissant le rôle que chacun a joué.

Il a demandé l'application de la loi contre onze prévenus et il s'est montré très indulgent envers le douzième, Lagadec (Jean), qui n'a pris qu'une très faible part à l'affaire.

 

Suspendue à quatre heures, l'audience a été reprise à quatre heures 1/2, pour l'audition des trois avocats.

MMes René Huet, Le Febvre et de Planhol ont prononcé trois éloquentes plaidoiries.

Ils se sont efforcés de démontrer que cette affaire avait été singulièrement grossie et de la ramener à des proportions plus humbles, demandant, sauf pour Larvor, l'acquittement de leurs clients ou l'application de la loi Bérenger.

Le ministère public n'a pas répliqué.

L’audience a été levée à sept heures moins un quart et renvoyée à huit heures un quart pour le prononcé du jugement.

 

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Source : La Dépêche de Brest 19 mars 1893

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