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Fenêtres sur le passé
1892
Paul Branda
Pseudo de l'amiral Réveillère
Source : La Dépêche de Brest 22 avril 1892
Sous ce titre, qui n'est autre — on le sait de longtemps —
que le pseudonyme de l'amiral Réveillère, la Gironde publiait,
dans un de ses derniers numéros, un intéressant article sur l'œuvre littéraire
de notre éminent ami.
Après avoir cité d'assez nombreux extraits du tome XI des Réflexions
de Paul Branda, paru l'an dernier, l'auteur de cet article,
M. Marc Maurel, président de la société de géographie commerciale
de Bordeaux s'exprime ainsi :
Paul Branda s'est toujours défendu d'aspirer au rang d'écrivain :
il a surtout aimé son noble métier de marin, et ce n'est que de loin en loin, pendant des loisirs forcés, qu'en fin observateur, dans ses longs voyages
à travers le monde, il a marqué sur son carnet ces judicieuses réflexions
pleines d'un sens exquis.
Paul Branda, au grand regret de ses meilleurs amis, a été atteint récemment
par la limite d'âge ;
lui seul ne s'est pas plaint de la rigueur de la loi ;
il a soutenu, au contraire, qu'elle a sagement fait de laisser arriver à tour de rôle au commandement tous les marins de la flotte nationale.
Devenu pour tous maintenant simple marin retraité,
nous pouvons attester que l'amiral Réveillère a aspiré de tout temps
à servir dignement son pays.
Soit qu'il ait lutté sous un rude climat contre les rapides du Mékong
pour porter le commerce de la France plus avant dans l’Indo-Chine ;
soit qu'il ait dirigé le service si important des torpilles
pour la défense du port de Brest ;
soit qu'élevé aux fonctions de major de la flotte dans le port de Cherbourg,
il ait été mis à même de déployer plus largement
ses hautes facultés techniques, — sa constante préoccupation a été de servir utilement la France et de se tenir prêt, le cas échéant,
pour repousser toute agression éventuelle de l'extérieur.
Il n'a pourtant pas aimé la guerre pour elle-même :
son esprit, comme nous le montrent ses réflexions, a toujours plané au-dessus des passions vulgaires, et il s'est demandé souvent si les querelles
de nation à nation ne pourraient pas se dénouer pacifiquement,
par le moyen de l'arbitrage.
Il n'a pas eu de penchant non plus pour la politique.
Ce que l'amiral Réveillère a aimé en dehors de son métier de marin,
c'est la philosophie, et ce qui surprendra peut-être chez un homme de mer,
il s'est passionné surtout pour cette partie de la philosophie qui s'occupe
des lois naturelles inéluctables auxquelles les sociétés humaines obéissent
sous toutes les latitudes.
C'est en étudiant les lois économiques et les lois de l'histoire
que M. Réveillère a pu tracer pour les siècles à venir les limites géographiques de la future confédération des Celtes.
Cette confédération se composerait d'États autonomes comprenant l'Espagne, la France, la haute Italie, la Suisse, la Belgique, la Hollande, le Danemark, les deux États Scandinaves et la Grande-Bretagne, quand celle-ci,
dégagée de la race conquérante par l'avènement pacifique et régulier
du gouvernement démocratique, sera redevenue ce que l'avaient faite
les siècles primitifs.
Il est certain, malgré des vicissitudes historiques relativement récentes,
qu'il existe une affinité d'origine et de race entre ces divers peuples.
II devrait y avoir dans ce fait pour nos gouvernements trop instables
une indication traditionnelle pour leur politique.
Leur souci constant devrait être d'établir avec ces peuples
des rapports amicaux et économiques les plus étroits.
Cette politique pacifique serait d'autant plus facile qu'elle dépend de nous
et serait sûrement la plus rationnelle et la plus avantageuse.
Il suffira d'abaisser graduellement et successivement les barrières douanières qu'une coalition d'intérêts privés à récemment élevées à son profit.
On nous pardonnera cette petite digression, à laquelle nous a conduit l'examen des écrits de l'amiral Réveillère.
Il ne nous appartient pas d'ailleurs de juger ces écrits, ni la valeur personnelle de cet homme de mer éminent : notre incompétence s'y oppose.
On nous concédera toutefois, nous osons l'espérer, qu'il est peu d'hommes dans le corps si hautement considéré de nos amiraux hors cadre
qui soient doués comme l'amiral Réveillère, en sus de leur spécialité,
d'un talent littéraire d'une incontestable originalité et pourvus
d'une compétence sérieuse en matière de philosophie politique.
S'il en est ainsi, il nous sera permis d'exprimer le vœu suivant en faveur
de notre distingué collègue de la société de géographie commerciale,
vœu que nous prenons la liberté d'adresser aux membres
de l'Institut de France, sous forme interrogative :
l'amiral Réveillère ne serait-il pas digne d'occuper le fauteuil laissé vacant
par la mort de l'éminent amiral Jurien de la Gravière ? »