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Fenêtres sur le passé
1892
L'aveugle de Rumengol et le recteur du Faou
Source : La Dépêche de Brest 23 juillet 1892
Un chanteur ambulant, Jacq (Jean-Michel), âgé de 26 ans et aveugle, inculpé d'avoir, à Rumengol,
troublé l'exercice du culte et outragé le recteur, comparaît devant le tribunal.
Après l'audition du gendarme qui a rédigé le procès-verbal sur lequel la poursuite a été engagée, M. Rogel,
recteur du Faou, s'approche du tribunal, auquel il fait une révérence.
Trapu, la figure rubiconde, le nez chaussé d'une paire de lunettes, le recteur du Faou fait, avec force gestes,
le récit suivant :
« Le 12 juin, jour du pardon de Rumengol, « monsieur »
implorait à haute voix l'aumône pendant l'office qu'on célébrait
dans le parc Notre-Dame.
Je me suis approché de lui et lui ai dit :
« Mon bel ami, si ça continue, je vais m'adresser à la justice. »
— Dites la vérité ! interrompt le prévenu.
Le recteur ajoute que Jacq l'a injurié grossièrement ;
mais il prie le tribunal d'user d'indulgence.
Devant les gendarmes, auxquels il a porté plainte, le recteur avait été beaucoup plus catégorique,
accusant formellement Jacq d'avoir troublé l'exercice du culte.
C'est ce que lui fait remarquer le procureur de la République, l'invitant à s'expliquer catégoriquement.
Finalement, le recteur déclare que Jacq a bien pu empêcher quelques personnes d'entendre le sermon,
que les gendarmes ont mal rédigé leur procès-verbal, enfin qu'il retire sa plainte.
Mais il est trop tard.
Interrogé, Jacq répond qu’il mendiait « à voix raisonnable » quand le recteur est venu le « bousculer ».
Il a répondu qu'il avait bien le droit de solliciter l'aumône, mais il n'a pas injurié le recteur.
Après un réquisitoire de M. Frétaud, procureur de la République, qui réclame l'application de la loi,
Jacq est condamné à huit jours de prison.