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Fenêtres sur le passé
1892
L'amiral Réveillère
Candidat à Recouvrance et Saint-Pierre Quilbignon
Source : La Dépêche de Brest 30 juillet 1892
Le contre-amiral Réveillère, qui, cédant aux instances de républicains de Recouvrance et de Saint-Pierre-Quilbignon,
a posé sa candidature au conseil général dans le 3e canton de Brest,
appartient à l'une des plus vieilles familles brestoises.
Son grand-père, dont il reprit le nom, comme pseudonyme, en tête des nombreux volumes qu'il publia pendant
sa longue carrière de marin, était maire de Brest de 1789 à 1790, et maire dévoué aux idées nouvelles ;
un de ses grands oncles fut La Réveillère-Lepeaux, membre du Directoire.
On voit que l'amiral a de qui tenir au point de vue libéral et républicain, et républicain, il le fut, en effet, toute sa vie.
Né le 27 mai 1829, Paul-Émile-Marie Réveillère entrait à l'école navale en 1845, à l'âge de seize ans ;
aspirant le 1er août 1847, il était enseigne le 2 avril 1851.
Le 27 novembre 1859, il se voyait promu lieutenant de vaisseau ;
capitaine de frégate le 12 mars 1870 ;
capitaine de vaisseau le 11 mai 1881, il était enfin promu contre-amiral le 9 février 1889.
Après avoir rempli pendant deux ans les fonctions de major général à Cherbourg, il prenait sa retraite le 27 mai 1891.
Il est officier de l'instruction publique et commandeur de la Légion d'honneur.
Si une carrière de marin a été bien remplie, c'est assurément celle-là.
L'amiral Réveillère est un des officiers qui comptent le plus d'années de mer.
Vingt ans de sa vie se sont passés sous les tropiques, dans les climats les plus malsains.
Il n'en est revenu qu'avec un amour plus fervent de la marine et un dévouement plus grand à la patrie.
L'événement le plus connu de sa carrière et qui lui a donné dans le monde maritime et géographique une notoriété universelle, est le passage des rapides de Préa-Patang sur le Mékong.
Les rapides étaient réputés infranchissables.
L'amiral eut la volonté et l'honneur de les franchir, le premier.
Il ouvrit par-là à l'influence française la voie du Laos.
C'est un inappréciable service qu'il rendit ainsi à notre expansion dans la presqu'île indochinoise.
Il commandait alors, comme capitaine de vaisseau, la station navale de Cochinchine.
Ce n'était point sa première campagne d'explorateur.
En 1857, accompagné d’un boy de douze ans, il avait remonté, à ses risques et périls et à ses frais, la rivière de Lahou, sur la côte de Guinée, jusqu'aux cataractes.
Il fut ainsi le premier Européen qui pénétra dans ces parages.
Le premier, il reconnut dans cette exploration la communication établie par un étroit arroyo entre la rivière de Lahou et le fond de la lagune de Grand-Bassam.
À son retour, il dut passer en pirogue devant le village de Thiakba, où il eût été infailliblement mis à mort,
s'il avait été pris.
Il a fait la guerre de Chine et de Cochinchine de 1860 à 1864 et la campagne de la Nouvelle-Calédonie
contre l'insurrection canaque.
Pendant les guerres plus récentes de Chine et du Tonkin, il commanda la marine en Cochinchine et eut à combattre
la rébellion du Cambodge et d'une grande partie de la Cochinchine.
Le moment était critique.
Les insurgés en étaient venus au point d'incendier les villages aux portes même de Saigon.
Avec les compagnies de débarquement de l'escadre de l'amiral Courbet,
le commandant Réveillère organisa la défense de la ville.
Libres de souci de ce côté, les troupes d'infanterie de marine dont on pouvait disposer purent battre la campagne.
La brillante capitale de notre empire d'Extrême-Orient échappa ainsi aux plus grands dangers.
Une singulière fortune fit à l’amiral Réveillère une spécialité du sauvetage des navires.
Parmi les bâtiments qu'il a tirés des situations les plus périlleuses, nous citerons d'abord le Bommeleward,
à l'entrée du Maroni.
Le gouvernement de Surinam lui offrit, à cette occasion, un banquet magnifique, et le gouvernement hollandais
lui conféra le Lion néerlandais, décoration qui n'est accordée, en conseil des ministres, que pour des services exceptionnels.
Lors du coup de vent du 17 mars 1869, il rentra, avec le Faou, coup sur coup, trois navires dans le port de Saint-Malo, aux applaudissements de toute la population réunie sur les quais.
Ce sauvetage lui valut l'honneur d'être cité à la tribune du Corps législatif par l'amiral Rigault de Genouilly,
alors ministre de la marine.
Aux Tonga, en Océanie, il eut la joie de voir le trois-mâts le Geoffroy amener le pavillon allemand pour implorer
son secours ;
il sauva le Geoffroy, en risquant son propre navire, à la stupéfaction des indigènes.
Marin, l'amiral Réveillère a la réputation d'un manœuvrier consommé ; comme chef, il avait su gagner plus que la confiance de ceux qui servaient sous ordres :
Il aimait son équipage, comme un cœur vaillant et généreux sait aimer de braves gens, qui servent fièrement la patrie et ne marchandent, le cas échéant, ni leurs peines ni même leur vie.
Cette affection sincère et profonde du chef pour ses marins ou ses soldats n'a rien d'inconciliable avec le sentiment d'une exacte discipline :
Tous les devoirs vont de pair chez qui sait les sentir et les comprendre.
Et l'amiral était payé de retour.
Ce surnom de « père du marin », que lui donnent encore aujourd'hui les marins qui ont navigué sous ses ordres, dit assez combien, s'il aimait ses marins, il en était aimé.
Il aima la marine, il aima la patrie, il aima la République.
Sa foi politique n'a jamais varié.
Républicain il est aujourd'hui, républicain il était dès 1851.
Au lendemain du coup d'État, il protesta, hautement, publiquement, contre le crime du président parjure,
contre cet attentat à la République et à la loi ;
si tout Brest eut pensé comme lui et eut été animé de sa généreuse ardeur, la ville eut pris les armes plutôt
que de reconnaître le régime sorti du crime du 2 décembre.(*)
Il jouait sa carrière.
L’esprit de tolérance qui régnait alors dans la marine le sauva.
(*) (Coup d'État du 2 décembre 1851 — Wikipédia (wikipedia.org))
Il fut moins heureux sous la troisième République, où les rancunes réactionnaires le poursuivirent avec acharnement.
Chargé de conduire en Nouvelle-Calédonie, à bord de l'Orne, en plus d'un convoi de transportés, quelques vieillards, infirmes ou malades, condamnés à la déportation, il ne crut pas devoir user de rigueur envers des malheureux désormais incapables de nuire.
Il fut officiellement accusé d'avoir fraternisé avec des communards, et il eut à se défendre comme coupable
d'un acte d'humanité.
Le prétexte parut excellent à ses ennemis pour entraver longtemps sa carrière. (*)
Des circonstances imprévues de la guerre de Chine et du Tonkin, de la révolte du Cambodge et de la Cochinchine l'ayant mis en relief, il fut tardivement récompensé par les étoiles.
Combien d'autres, qui n'avaient pas sa valeur, son intelligence, ont terminé leur carrière avec le grade de vice-amiral ?
Nous n'avons rien dit encore de l'écrivain.
L'amiral Réveillère a écrit et publié une vingtaine de volumes, fruit de longues méditations et de ses loisirs,
sur les sujets les plus divers :
Récits de voyages, romans, contes, pensées philosophiques, économiques, politiques, etc.
Il se révèle, dans cette œuvre très vaste, penseur original, et à le lire on trouve tout à la fois plaisir et profit.
Nos lecteurs le connaissent, d'ailleurs, par les articles signés de son nom que nous avons publiés.
Ils avaient trait à des questions de marine ou aux intérêts du port et de la ville de Brest.
On se souvient de sa campagne pour les transatlantiques.
L'amiral ne désespère pas de la voir aboutir.
Il a foi dans les destinées de Brest, et quand il écrivait ces jours derniers, dans son appel aux électeurs du 3e canton :
« Je m'efforcerai de travailler au développement de notre ville et comme Brestois et comme marin »,
il ne faisait pas là une simple et vulgaire promesse :
Il disait ce qu'il fait déjà, dans la mesure de son action.
Investi d'un mandat public, il pourrait faire davantage.
Il défendra les intérêts de l'arsenal, il prendra en mains, comme il le dit lui-même, la cause du personnel de notre port, et ces intérêts, cette cause ne pourraient trouver certainement un plus ferme défenseur que ce marin au cœur toujours chaud, ce Brestois épris de sa ville, ce patriote, ce vieux libéral, cet inébranlable républicain.
(*) Les largesses du Commandant Réveillère – 14e convoi de déportés
1874 - L'Orne à Wallis
Source : www.bernard-guinard.com
14ème convoi de déportés
C'est sous les ordres du capitaine de frégate Réveillère que l'Orne quitte Brest le 31 mai 1875, avec à son bord,
selon le rapport du médecin-major Vaillant, 227 membres d'équipage, 116 passagers dont 20 femmes et 23 enfants, et 24 déportés communards, qui venaient tous du "Dépôt spécial de Saint-Brieuc".
Huit étaient condamnés à la déportation en enceinte fortifiée, et seize à la déportation simple.
Le navire chargea ensuite 235 transportés provenant du dépôt de Saint-Martin-de-Ré, et destinés
au bagne de l’île Nou, avant de quitter la rade des Trousses le 4 juin, en direction de la Nouvelle-Calédonie.
Après une escale à Las Palmas du 13 au 14 juin, et à Sainte-Catherine du 10 au 18 juillet,
l'Orne arrive à Nouméa le 29 septembre 1875.
Le "Pacha" de l’Orne aurait fait preuve d'une certaine bonté envers les communards qu’il transportait.
En effet, le lendemain du retour du navire à Brest, le capitaine de frégate Réveillère est convoqué
devant le préfet maritime Méquet, pour répondre du contenu de deux lettres d'un déporté qui avaient été retenues par la censure militaire à Nouméa… et envoyées au ministère de la Marine et des Colonies.
Le ministre Montaignac de Chauvance, dans une lettre au préfet maritime, s’étonne de l’attention toute particulière que le commandant de l'Orne aurait prêtée aux déportés.
Louis Bourdon, puisque c'est de lui qu'il s'agit, condamné par le 4ème Conseil de Guerre à la déportation simple,
avait été transféré en Nouvelle-Calédonie avec le 13ème convoi, sur le Var, parti de Brest le 1er mars 1875
et arrivé à Nouméa le 23 juillet après 140 jours de mer.
Plus tard, il écrit à son beau-frère et à son père les deux lettres retenues.
Dans la première, il écrit :
Les nouveaux venus ne tarissent pas d’éloges sur le commandant et les officiers de l’Orne,
pour la façon dont ils ont été traités à bord.
Au passage de la Ligne, on leur a envoyé deux bouteilles de Château Margaux, deux de Saint-Émilion, deux de Champagne,
une caisse de cent londrès (cigares), un kilo de tabac, double ration de vin, etc.
On les a laissé fumer à discrétion et fait monter deux fois par jour sur le pont.
Il y a loin de ces Messieurs à ceux du Var.
Dans la seconde, il écrit :
Ils ont été exemptés de ces mille et une vexations dont nous avons été abreuvés.