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Fenêtres sur le passé

1891

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Vétérans torpilleurs

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Source : La Dépêche de Brest 19 novembre 1891

Source des illustrations : Les torpilles - Lieutenant Colonel Hennebert, Eugène (1826-1896).

 

Auteur : Contre-amiral Réveillère, ex-directeur des défenses sous-marines.

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Avant peu, le goulet de Brest sera merveilleusement éclairé

par de nombreux faisceaux électriques.

 

Des batteries de côte et des observatoires des torpilles de fond, on pourra observer tous les mouvements possibles de l'ennemi, de nuit presque aussi bien que de jour.

 

Mais il est fort à craindre qu'en cas de guerre, un personnel trop nouveau et encore peu exercé ne puisse rendre

les services réclamés par les nécessités de la situation.

 

Le personnel de la défense fixe ne pouvant fournir par lui-même qu'un seul quart, il faudra diviser ce personnel

et lui donner la direction d'hommes inexpérimentés.

 

Or, personne n'ignore combien, dans le maniement

des instruments électriques, une gaucherie est vite commise

et combien cette gaucherie peut avoir des conséquences fatales à des instruments si délicats.

 

Comment espérer que ces surveillants d'ordre inférieur,

chargés subitement d'une grosse responsabilité, auront,

sur les hommes qu'on leur confiera, l'autorité requise ?...

 

Comment pourront-ils avoir l'œil à tout, et,

quand leur attention sera attirée d'un côté,

ne commettra-t-on point quelque faute grave d'un autre ?

 

Quand la guerre a éclaté, le moment est mal choisi pour former son personnel au maniement d'instruments de précision.

 

À ce moment-là, le personnel doit fonctionner mécaniquement, par routine.

 

Comme les divers postes de la côte sont fort éloignés

l'un de l'autre, pour réparer une avarie, même légère,

il faudra attendre l'arrivée d'un surveillant compétent.

 

De là de préjudiciables interruptions dans le fonctionnement

des appareils.

 

Le peu de services que peut rendre le personnel de la flotte attaché à la défense fixe en temps de paix,

ce personnel le doit au contact des marins vétérans.

 

Que se passera-t-il quand les derniers vestiges

de cette excellente institution auront disparu ?

 

Mais sans parler de cette situation (qu’il faut prévoir en somme), maintenant, à l’heure actuelle,

que peut-on attendre de ce personnel de la flotte,

guidé par les insuffisantes leçons de quelques mois

de l’ancien personnel, gardien des plus précieuses traditions, brisé par la routine aux exigences de nécessités toutes locales ?

 

Le personnel de la flotte, inexpérimenté, beaucoup trop jeune (ce service de la défense fixe ne permet pas la moindre étourderie) commettra sûrement, par distraction

ou ignorance, les erreurs les plus graves !

 

À quoi nous serviront alors nos admirables batteries

pour la défense de nuit ?

 

Le mot défense fixe entraine l'idée d'une défense permanente, conduite par un personnel stable et sûr et non par des hommes qui pour une cause ou une autre, sont appelés à quitter

un service aussi sérieux quand ils commencent à le connaître.

 

Les mécaniciens de la flotte arrivent à la défense fixe

avec leur brevet de torpilleurs automobiles.

 

Or, la défense fixe est dépourvue de toute torpille automobile.

 

Vous demandez un professeur de mathématiques,

on vous envoie un maître de danse.

 

Ces torpilleurs automobiles, peu ou point préparés

à leur nouveau service, devront donc se livrer à des études

dont ils ne tireront aucun fruit à leur sortie de la défense fixe ; en revanche, ils perdront en instruction de leur spécialité véritable.

 

Après leur renvoi, le jour où ils connaissent leur affaire,

au moment de la guerre, on pourra aller les chercher

en Chine ou au Tonkin.

 

Le mouillage des torpilles de fond est une opération

qui réclame la plus grande célérité.

— C'est une opération délicate par elle-même, délicate dans les eaux calmes et sans courant de Toulon.

 

Avec les courants et la mer du goulet de Brest, ce n'est plus une opération délicate ;

c'est une opération qui n'est pas sans danger

avec des gens expérimentés, très dangereuse avec des gens

qui ne le sont point.

 

Des marins ne suffisent point, il faut des hommes routinés

à cette manœuvre sur les lieux mêmes.

 

Enfin, ce personnel de la flotte, si mobile et si changeant,

est plus coûteux qu'un personnel stable

(il ne figure pas au même chapitre, il est vrai).

 

Si le service pouvait être assuré par des hommes

du premier contingent, il y aurait peut-être économie,

mais il emploie presque exclusivement des rengagés.

 

Le personnel des vétérans torpilleurs composait une élite

d'une valeur exceptionnelle ;

c'étaient des marins, des manœuvriers,

des praticiens très instruits.

 

Dans les vétérans mécaniciens torpilleurs,

on trouvait des spécialistes tout à fait distingués

par leurs connaissances professionnelles.

 

Pour arriver à ce résultat, que de temps, de patience, d'efforts, quelle énorme somme de bonne volonté il avait fallu !...

 

J'ai vainement cherché la raison de la désorganisation

d'un service qui, à la connaissance de tous, fonctionnait,

non seulement d'une façon irréprochable,

mais avec une indiscutable supériorité.

 

Deux institutions avaient fait leurs preuves :

 

L'institution des vétérans torpilleurs et

celle des officiers mécaniciens torpilleurs ;

on n'aurait pas dû y toucher.

 

Quelle chose étrange !...

 

De mon temps, c'était un fait avéré, le personnel

des vétérans torpilleurs suffisait à ses fonctions multiples : garde et distribution des matières explosives

(un service tout particulièrement délicat),

entretien et manœuvre des projecteurs du goulet,

entretien et manœuvre des torpilles de fond.... ;

depuis lors, on a augmenté le nombre et la complication

des appareils, et l'on a choisi le moment où ce corps,

formé à si grande peine, était en pleine production

pour lui substituer un personnel sans consistance.

 

Qu'il s'agisse de navires ou de services aussi complexes

que celui de la défense fixe, ne comprendra-t-on point

que les trois quarts de la valeur de l'outil se trouvent dans celui qui l'emploie ?

 

Qu'est-ce que les dépenses du personnel par rapport

aux dépenses du matériel ?

 

Que l'on compare notamment, dans le cas présent,

le coût d'un projecteur, de ses accessoires et du poste

qui le contient, avec la solde du personnel qui le manœuvre.

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White head torpedo

between 1908 and 1919

Library of Congress Prints and Photographs Division Washington, D.C. 20540 USA

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