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Fenêtres sur le passé

1891

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Officiers mécaniciens torpilleurs

et

bateaux sous-marins

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Source La Dépêche de Brest 6 octobre 1891

 

Auteur : Contre-Amiral Réveillère

 

Officiers mécaniciens torpilleurs et bateaux sous-marins

 

Il existe des lois générales auxquelles ne peuvent se soustraire

les êtres organisés, quelle que soit leur nature.

 

La complication est la conséquence, regrettable peut-être,

mais fatale, du progrès.

 

Dans l'échelle des êtres, le progrès se manifeste

par l'adjonction constante de nouveaux organes.

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Contre-Amiral Réveillère

La marine de guerre, qui est un être organisé, un être vivant d'une vie spéciale, n'échappe point à cette loi.

 

Le progrès entraîne la complication du matériel, la complication du matériel entraîne la complication du personnel.

 

De plus en plus, le navire devient une immense usine, une usine productive de destruction et de mort, voilà tout.

 

Dans cette usine, comme dans toutes les usines imaginables, la division du travail s'impose ;

et plus l'usine embrasse d'industries diverses, plus la division du travail devient une implacable nécessité.

 

Il y a quelque quarante ans, quand la vapeur a fait son entrée dans la marine,

on a reculé le plus possible devant la nécessité de créer des officiers mécaniciens...

 

Dieu seul sait ce que cela nous a coûté.

 

Aujourd'hui, une force nouvelle a fait son apparition dans la marine,

— aveugle qui ne le voit pas, — cette force est l'électricité.

 

Allons-nous reculer aussi longtemps devant la nécessité nouvelle que nous avons reculé

devant les nécessités de la vapeur ?

 

La suppression des officiers mécaniciens torpilleurs a été une des plus funestes mesures prises

dans ces derniers temps.

​

En créant ce corps, l'amiral Aube était, il faut bien l'avouer,

en avance sur son époque.

 

Cependant, les torpilles en général, et la torpille Whitehead en particulier, sont des engins d'une délicatesse extrême, et cette raison, à elle seule, justifiait la nouvelle création de l'éminent amiral.

 

Mais, j'ose le dire, cette raison, excellente alors, excellente aujourd'hui,

est devenue bien secondaire.

 

Aujourd'hui, il existe pour cette création une raison plus puissante

et demain il en existera une plus puissante encore.

 

Le rôle de l'électricité a tellement grandi depuis quelque temps et son rôle,

si visiblement, grandira d'heure en heure, que l'électricité réclame

ses spécialistes au même titre que la vapeur.

 

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Vice-Amiral Théophile Aube

Né à Toulon le 22 novembre 1826

Mort à Toulon le 31 décembre 1890

Ministre de la Marine et des Colonies

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L'éclairage intérieur a pris une importance considérable, tous les organes vitaux de la machine sont sous pont cuirassé.

 

L'éclairage extérieur a pris une bien plus grande importance encore : de son bon fonctionnement dépendra souvent le salut d'une escadre.

 

Tous ces instruments, d'une délicatesse extrême, réclament la surveillance constante de spécialistes, sous peine de détérioration en temps de paix.

 

 Mais pendant le combat tout cet attirail si complexe subira des avaries de tous genres.

 — Qui les réparera ? —

Personne présentement n'est en mesure de le faire.

​

Et si tous ces instruments vous manquent, faute de réparations immédiates,

votre usine de guerre sera aux trois quarts paralysée.

 

Signaux de nuit, torpilles, téléphones, moyens de communication de plus en plus nombreux, éclairage intérieur, éclairage extérieur, tout cela aujourd'hui réclame le concours d'un officier mécanicien torpilleur.

 

Mais demain ce sera bien autre chose ; nous n'allons pas nous encroûter, j'espère, dans les machines à vapeur.

 

Il y a plus de soixante machines à bord du Neptune.

 

Est-ce que toutes ces machines auxiliaires vont rester des machines à vapeur ?

 

Non.

 

— Il n'y a pas à en douter, la plupart des machines auxiliaires, dont le nombre ira indéfiniment en croissant

(car c'est là le progrès), seront des machines électriques.

 

L'officier mécanicien torpilleur est donc aussi nécessaire que l'officier mécanicien à vapeur.

 

Est-ce tout ?

Non.

 

N'avons-nous pas déjà des navires où la machine motrice elle-même est une machine électrique ?

​

À quoi bon ce matériel, si vous n'avez pas de personnel pour s'en servir ?

 

À qui revient de droit le bateau sous-marin ?

 

— A la direction des défenses sous-marines.

 

Il faut avoir été directeur des défenses sous-marines pour comprendre combien

s'imposait déjà l'officier mécanicien torpilleur.

 

Et, de mon temps, l'éclairage des goulets et des rades était dans l'enfance,

le torpilleur sous-marin n'existait pas en rêve.

 

Il n'est que temps de rétablir le corps des officiers mécaniciens torpilleurs ;

sans cela, très prochainement, tout progrès dans la marine sera arrêté court.

 

On demande trop à la cervelle humaine.

 

L'officier de vaisseau ne peut plus suffire aux exigences de l'époque ;

bientôt il sera tout, excepté marin, et ce sont des marins qui doivent mener les navires.

 

On reculera devant la dépense et devant les difficultés, sans songer que le dépérissement d'un matériel qui coûte des prix  fous coûtera dix fois davantage, et qu'au moment du besoin on ne tirera pas une bonne utilisation

de ce matériel magnifique.

 

L'universalité des connaissances est une chimère.

 

Ce qu'il faut pour un bon fonctionnement, ce sont des spécialistes instruits, une bonne division du travail :

Bateaux torpilleurs, torpilles de toutes catégories, signaux de nuit, correspondance intérieure, éclairage intérieur, éclairage extérieur, machines auxiliaires, machines des bateaux sous-marins,

cela suffit bien pour créer une spécialité pour un personnel officier.

​

Pour moi, la question est posée.

 

Suivant la solution, nous serons en avance ou en retard sur les autres nations.

​

Les bateaux sous-marins ne marchent pas à la vapeur,

je suppose.

 

Or, le bateau sous-marin sera très prochainement

un élément capital de la défense des côtes.

 

Dès aujourd'hui, dès aujourd'hui même,

songez à un personnel pour vos bateaux sous-marins.

 

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Gymnote 1889

Gustave Zédé LOC.jpg

New York journal and advertiser (New York [N.Y.]),

January 22, 1899

Library of Congress, Washington, DC

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Dernière mise à jour - Mars 2022
 

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