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Fenêtres sur le passé
1891
Grave accident à bord du Trifelds
Mort d'un pêcheur de Molène
Source : La Dépêche de Brest 14 septembre 1891
Un grave accident s’est produit avant-hier à nord du Trifelds.
Vers quatre heures un quart, afin de profiter de la basse mer pour le transbordement des marchandises du steamer échoué sur le Berthild, une corvée de relève se dirigeait vers l'échelle qui conduit à la cale, afin d'élinguer des ballots de coton et de chanvre.
Le matelot allemand Sosen Nilsen, âgé de 21 ans, ouvrait la marche.
Il avait à peine descendu quelques échelons qu'il étendit les bras et tomba dans l'eau qui emplit la cale.
L'homme qui venait ensuite était un pêcheur de Molène, travaillant à la journée,
le nommé Cariou (Jean), âgé de 18 ans.
Croyant que le marin allemand avait fait un faux pas, il descendit précipitamment pour se porter à son secours, mais, à peine arrivé au ras de l'eau, il tomba à son tour asphyxié par les gaz délétères qui s'échappaient des sacs d'os pilés dont le navire est en partie chargé.
Voyant les deux hommes disparaître, le nommé Lucas (Jules-Victor) s'empressa de remonter et de prévenir le capitaine Tesdorpf, du Berthild, qui se hâta d'accourir pour se rendre compte du danger.
Il ne fut pas plus heureux et il s'abattit à son tour.
Cette triple asphyxie mit en émoi les équipages des trois navires Trifelds, Berthild et Newa.
On organisa le sauvetage, et Lucas, aidé du capitaine du Trifelds, put, en jetant une corde, amarrer le corps de capitaine Tosdorpf, qu'ils hissèrent sur le pont.
Le capitaine était sans connaissance.
On le frictionna, on lui fit respirer de l'éther, et au bout d'un quart d'heure de soins énergiques, il revint à lui.
Pendant ce temps d'autres marins allemands, entre autres le nommé Peter Peterson arrivaient à repêcher Sosen Nilsen. puis Cariou.
Les deux asphyxiés étaient inanimés.
On les transporta sur le Berthild, qui se mit immédiatement en route pour Brest.
Dans la traversée, tous les soins furent donnés aux deux marins.
Une heure après, Solsen Nilsen était sauvé, mais le malheureux Cariou ne put être rappelé à la vie.
À Onze heures et demie, le Berthild, conduit par le capitaine du Trifelds, s'amarrait à l'éperon du deuxième bassin du port de commerce, et M. le docteur Hébert était prévenu de l'accident.
Il accourut aussitôt et ordonna le transport immédiat du marin allemand à l'hospice civil.
Le brigadier de police Marc mit le cadre du poste du port de commerce à la disposition du docteur, et Solsen Nilsen y fut transporté, vers trois heures du matin, par quatre de ses camarades.
Il fut admis d'urgence et placé à la salle St-Jean.
Pendant que l'on opérait ce transport, le docteur Hébert s’occupait du capitaine Tesdorpf, à qui il prodiguait les soins que nécessitait son état.
Cependant, vers dix heures du matin, jugeant qu'il était préférable de le conduite à l'hospice, le nécessaire fut vite fait par les soins du courtier du navire, M. Jouve, et du commissaire du l’arrondissement.
L'officier allemand, porté dans un cadre par quatre de ses marins, a été admis dans une des salles payantes.
Pour Cariou, le docteur Hébert ne put que constater le décès.
Le père du jeune marin, qui travaillait avec son fils, revenu avec le Berthild, a fait hier les démarches nécessaires pour le transfert du cadavre à l'île Molène.
En attendant, le corps a été déposé à la morgue de l'hospice civil par une voiture des pompes funèbres.
Il sera embarqué aujourd'hui sur la Marie-Louise, appartenant à MM. Pennors et Simon, qui fait le service du Conquet à Ouessant.
À la sortie du Berthild, le cadavre avait été enveloppé de couvertures pour le cacher à la vue des personnes présentes.
Par suite de l'asphyxie, il était devenu complétement noir.
Le capitaine et le matelot du Berthild vont beaucoup mieux.
Les marchandises embarquées à bord du Trifelds répandent sur la côte une odeur nauséabonde.
Les gaz qui s'en échappent sont si mordants que les cuivres du steamer le Berthild ont bruni comme de la fonte.
Nous nous sommes déjà fait l'écho, à ce sujet, de plaintes des habitants du port de commerce.
Ces plaintes n'ayant donné aucun résultat, et les émanations devenant de plus en plus fortes, on nous assure qu'un pétitionnement va être organisé et que la municipalité va être saisie de la question.
Il y a évidemment là, pour la santé publique, un péril dont les autorités ne peuvent se désintéresser.
Source : La Dépêche de Brest 15 septembre 1891