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Fenêtres sur le passé
1891
Le chauffage des appartements
Source : La Dépêche de Brest 30 novembre 1891
Quel que soit le combustible employé, le chauffage des appartements peut se faire par deux méthodes générales qu'on pourrait appeler la méthode directe et la méthode indirecte.
La première consiste à brûler le combustible dans la pièce même qu'on désire chauffer ;
la chaleur, en rayonnant de l'endroit où s'opère la combustion, se répand dans divers sens.
Dans la deuxième méthode, au contraire, le combustible est brûlé en dehors de la pièce qu'il s'agit de chauffer,
et la chaleur y est amenée à l'aide d'un véhicule, qui est ordinairement l'eau, l'air ou la vapeur.
Le chauffage par la première méthode se fait soit au moyen
des cheminées, soit au moyen des poêles.
Faire du feu dans un coin ou même dans le milieu de sa demeure, sans qu'il existe une ouverture pour livrer passage à la fumée,
c'est incontestablement l'enfance de l'art.
Cela se voit pourtant encore aujourd'hui, même en Bretagne,
chez quelques potiers ;
mais il y a là un autre motif que la résistance aux innovations :
la fumée en se répandant un peu partout, accélère le séchage
des objets fraîchement fabriqués, qui sont alignés
sur des poutres transversales.
Ceux qui vivent dans ce milieu ne s'en montrent nullement incommodés ;
ils vous affirment que la fumée ne tracasse que ceux qui ont un mauvais caractère.
La cheminée la plus rudimentaire constitue donc un véritable progrès, au point de vue du chauffage.
D'autre part, elle est aussi un ornement.
Ceux qui ont habité les pays chauds savent qu'une maison non meublée paraît encore beaucoup plus nue,
quand elle est dépourvue de cheminées.
La grandeur et la forme de ces appareils ont beaucoup varié.
Tout le monde connaît ces antiques et immenses cheminées qu'on trouve encore dans quelques anciens châteaux, dans quelques monastères, et dont le manteau s'étend presque jusqu'au milieu de la pièce,
et qui sont assez grandes pour chauffer une tribu ou rôtir un bœuf.
C'est ce qui a fait dire à quelqu'un qu'on se chaufferait mieux en haut d'une cheminée qu'en bas.
Du reste, Franklin avait dit auparavant que si on voulait brûler un combustible en se chauffant le moins possible,
il faudrait se servir d'une cheminée.
Quelques-uns se demanderont peut-être, en lisant ce qui précède, pourquoi des appareils aussi imparfaits,
utilisant aussi mal la chaleur produite que les cheminées, n'ont pas complètement disparu.
Mon Dieu ! C'est bien simple :
nous aimons à voir le feu, pour nous réjouir quand il va bien, pour maugréer quand il va mal.
Pour beaucoup de personnes, le plaisir de tisonner surpasse celui de se chauffer.
On en a vu qui tisonnaient à froid !
Négligeant complètement le côté ornemental,
qui n'est pas de notre compétence, nous dirons tout simplement
que les cheminées, quand elles tirent bien, quand elles ne fument pas, constituent le mode de chauffage le plus agréable et le plus sain ;
Mais, par exemple, nous devons ajouter que c'est aussi
le plus coûteux de tous.
En effet, surtout dans les étroites et profondes cheminées
qu'on fait aujourd'hui, une très faible partie de la chaleur dégagée
par la combustion est envoyée vers l'intérieur de la pièce,
et par conséquent utilisée.
On estime que cette quantité varie de 10 à 12 pour cent
quand on brûle de la houille ;
et qu'elle est moitié moindre, soit de 5 à 6 pour cent seulement, quand on brûle du bois.
Une certaine portion de la chaleur produite est absorbée par le mur, qui est plus ou moins bon conducteur ;
mais la plus grande partie est emportée par la fumée et l’air chaud, qui la rejettent dans l'atmosphère.
Enfin, il existe un autre motif :
c'est que l'usage de la cheminée constitue le seul mode
de chauffage distingué, sans doute parce qu'il est très coûteux.
Pour qu'une cheminée fonctionne convenablement,
il doit exister certaines relations entre ses dimensions
et celles de la pièce à chauffer ;
mais cela ne suffit pas toujours ;
il faut aussi compter avec la nature du combustible employé.
Ce n'est pas tout encore :
une prise d’air insuffisante ; le vent, la température, etc. ;
peuvent faire fumer une cheminée construite selon toutes les règles.
Pour que la fumée monte bien, il faut évidemment qu'une masse d'air s'élève avec elle dans la cheminée.
Cet air, qui doit affluer au foyer, vient généralement de la pièce chauffée,
dans laquelle il pénètre de l'extérieur par les ouvertures mal closes.
Cela explique pourquoi certaines cheminées ne marchent bien que quand une porte ou une fenêtre sont ouvertes.
Cet appel de l'air a l'avantage de produire une bonne ventilation dans la pièce ;
mais parfois cette ventilation est trop énergique et refroidit d'un côté les personnes qui se chauffent de l'autre.
Depuis quelques années, on établit des prises d'air extérieures ;
cela permet de modérer la ventilation,
sans que l'alimentation de la cheminée en souffre, au contraire.
Les poêles sont des récipients en fonte, en tôle ou en faïence,
dans lesquels on fait brûler le combustible.
Ils sont le plus souvent cylindriques.
L'air y pénètre par la partie inférieure ;
les produits de la combustion s'en vont par un tuyau en tôle,
traversant une partie de la pièce qu'il contribue à chauffer,
et allant déboucher dans une cheminée ou à l'extérieur.
Une ouverture placée à la partie supérieure sert à l'introduction du combustible,
tandis qu'une porte latérale permet d'allumer le feu et d'en surveiller, tant bien que mal, la marche.
Ces appareils sont beaucoup moins dispendieux que les cheminées.
Comme ils n'admettent, pour ainsi dire, que la quantité d'air nécessaire à la combustion, ils ne jettent
dans l'atmosphère que fort peu de gaz chauds, et par conséquent qu'une toute petite quantité de chaleur.
Quand le tirage est trop énergique, on peut le modérer à volonté, à l'aide d'une clef placée dans le tuyau,
dont elle diminue la section.
Avec les poêles, la proportion de chaleur utilisée est, en moyenne, de 80 à 90 pour cent, ce qui est fort beau,
en comparaison des cheminées.
Certains systèmes perfectionnés permettent même d'atteindre 95 pour cent.
Mais si ces appareils sont beaucoup plus économiques
que les cheminées, presque tous laissent à désirer,
au point de vue hygiénique.
N'exigeant que peu d'air pour fonctionner,
ils ne produisent pas une ventilation suffisante
dans une pièce devant rester longtemps fermée.
L'air, par suite de l'élévation de la température, devient plus sec ; c'est pourquoi il est bon de tenir, dans un vase ouvert,
un peu d'eau qui s'évapore lentement.
Ajoutons que les poêles en fonte ou en tôle, dont la substance conduit très bien la chaleur,
atteignent rapidement une température élevée, rougissent même quelquefois,
si on n'a pas soin de modérer la combustion.
La chaleur qu'ils fournissent est alors trop intense dans leur voisinage.
Mais ce n'est pas leur seul inconvénient.
Ils répandent, en général, une odeur assez désagréable, attribuée, avec raison, semble-t-il,
à la calcination des corpuscules microscopiques de l'air, qui viennent se griller au contact d
es parois fortement chauffées.
Il y a plus :
ces parois métalliques, portées à une haute température, deviennent perméables et laissent dégager, dans la pièce, une certaine quantité d'oxyde de carbone, produit d'une combustion incomplète et gaz éminemment toxique.
Les poêles de faïences ne présentent pas les mêmes désagréments; s'ils s’échauffent plus lentement,
ils se refroidissent plus lentement aussi.
La chaleur qu’ils donnent est douce, modérée.
Leurs parois n’atteignent jamais une température bien élevée,
et ils ne répandent pas l'odeur désagréable de microbes rôtis.
Ils ne donnent pas lieu, non plus, à un dégagement
d’oxyde de carbone, comme ceux de fonte ou de tôle.
Nous ne pouvons terminer cette causerie sans consacrer
quelques lignes spéciales aux poêles roulants ou poêles mobiles, devenus, depuis quelques années, aussi célèbres par le nombre
des accidents mortels qu’ils ont occasionnés que par la réclame
qui a été faite en leur faveur.
Ce sont, en général, des poêles métalliques à double enveloppe, construits tout spécialement pour brûler des combustibles riches
en carbone, et dégageant très peu de fumée,
tels que le coke ou l'anthracite.
Ces appareils, à combustion lente, sont très économiques.
Leur principe n'est pas mauvais en lui-même, au contraire ;
et si, en les rendant fixes, on les place dans des conditions telles que leur tirage soit suffisant,
ils constituent certainement un des meilleurs appareils de chauffage qui existent de nos jours.
Malheureusement ceux qui s'en servent ne prennent pas toujours assez de précautions,
relativement au tirage et à la ventilation.
Dans ce cas, leur qualité de poêles mobiles, qui permet, grâce aux roulettes dont ils sont munis,
de les transporter facilement d'une pièce dans une autre, devient un inconvénient des plus graves.
Si ces appareils ne dégagent pas ou presque pas de fumée, ils dégagent néanmoins des gaz provenant
de la combustion, et parmi lesquels se trouve l'oxyde de carbone dont nous avons déjà parlé.
Ce produit, extrêmement vénéneux, est l'agent des asphyxies par le charbon ;
il est d'autant plus dangereux qu'aucune odeur ne révèle sa présence,
Il est donc important de veiller à ce que les gaz que dégagent les poêles mobiles soient rejetés dans l'atmosphère, comme si c'était une fumée gênante, et qu'il ne s'en échappe pas du tout dans les appartements.
J. D.