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Fenêtres sur le passé

1890

Une tigresse blonde aux yeux si doux

Un tigre qui a les yeux très doux.jpg

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Source : La Dépêche de Brest 15 février 1890

 

L'affaire qui vient ensuite est plus gaie.

Balzac l'eut mise dans ses scènes de la vie de province.

 

L'inculpée ressemble d'ailleurs fort peu aux figures ordinaires de la correctionnelle.

C'est une toute jeune fille, blonde comme un soleil de mai, avec des yeux bleus comme des pervenches.

Qu'a donc fait la mignonne pour s'asseoir sur le banc des criminels ?

La femme Raguenès va nous le dire.

 

Oh ! bien peu sympathique la bonne dame, et, comparée à la prévenue, elle évoque le contraste du jour et de la nuit.

Drapée dans un long châle noir qui ressemble à une robe d'avocat, le visage osseux, la voix fielleuse,

elle réalise le type parfait de la vieille plaideuse, et elle l'est en effet, il ne se passe pas de jour qu'elle n'ait maille

à partir avec ses locataires.

De plus, le garde champêtre des Quatre-Moulins déclare qu'elle se grise cinq jours sur sept.

 

Ainsi présentée, écoutons-la :

Le 21 janvier dernier, j'étais chez la femme Jezèquel, qui tient un débit aux Quatre-Moulins, dans l'arrière-boutique, lorsque survint Joséphine B...

Dès qu elle me vit, elle dit :

« Tiens, Laboussic (*)» (rires), et comme je m'avançais pour lui demander des explications, elle se rua sur moi, m'arracha ma coiffe et me battit. (*Petit oiseau en breton

Dans la rue, elle me battit encore et me fit tomber sur une barrique.

Si son frère ne l'avait pas arrêtée, elle m'aurait assommée.

Oui, assommée.

Elle était comme un tigre (nouveaux rires), comme un lion. (Rires répétés)… »

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C'est donc de ça que s'est rendue coupable la blonde enfant.

Oh ! elle ne nie pas avoir battu la dame Raguenès,

mais elle excipe des circonstances atténuantes.

 

« Chaque fois que je rencontrais la dame R..., elle m'injuriait.

Elle me traitait de petite p…, et elle assurait que je couche avec mon père

et avec un monsieur M...

Le 21, lorsqu'elle me vit entrer dans le débit, elle me dit :

« Tu es encore saoule, petite p.... »

C'est alors que je me suis emportée.

 

La défense, qui a la partie belle, se borne à plaider l'indulgence.

Les magistrats partagent cette manière de voir et n'infligent

que vingt-cinq francs d'amende à la jeune fille.

 

Si la vengeance est un plaisir des dieux, vous l'avez eue, mademoiselle,

à fort bon compte, mais n'y revenez plus...

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Blonde retro.jpg
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