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Fenêtres sur le passé
1890
Molène
Nul n'est censé ignorer la loi
ou
Le Préfet a seul qualité pour amender la loi.
Source : La Dépêche de Brest 26 décembre 1890
Nul n'est censé ignorer la loi.
Les habitants de l'île Molène viennent d'apprendre
à leurs dépens cette vérité qui ouvre le code.
La chose s'est produite dans des circonstances assez curieuses.
Depuis des temps immémoriaux, les habitants des iles Molène et de Sein jouissaient du privilège de chasser
avec des gluaux, lacs, filets ou autres engins généralement prohibés.
Privilège n'est peut-être pas précisément le mot.
Mais c'était une tolérance qui semblait établie par son ancienneté même.
Les insulaires ne se gênaient donc pas, et ils se livraient, sans crainte et sans remords, à cet exercice qui ajoutait quelque peu à leurs maigres ressources, lorsque, subitement, tout a été changé.
Des gendarmes de la côte s'étant avisés de passer l'eau, verbalisèrent à qui mieux mieux,
et cela d'autant plus facilement que nul ne songeait à se cacher.
Le cas était nouveau.
Évidemment, la loi est la loi, mais ce qui est aussi certain, c'est que la bonne foi
de la dizaine de chasseurs de Molène, cités à la barre, ne peut être mise en doute.
Ils ignoraient évidemment que la tolérance qui les abritait, avait cessé d'être.
Personne ne les en a prévenus, et le document suivant, lu par Me Dubois, défenseur de l'un des comparants, l'affirme formellement,
en son archaïsme que nous respectons :
« Nous, soussignés Coquet (Jean-Marie), Luneau (Julien), Cam (René),
Masson (Martial), Millandre (Vincent),
tous ex-maires de la commune et île Molène, certifions et attestons
que les engins de chasse pris par les gens d'armes sur notre île,
n'ont jamais été défendus à aucune époque de l'année et qu'aucun ordre
n'a été non plus donné, ni par le son du tambour, ni par voie d'affiche,
pour empêcher les insulaires de faire usage des engins en question.
« Il serait donc fâcheux et même désolant d'infliger une punition ou une amende à des gens qui ignorent complètement tous les cas considérés comme délits de chasse.
« En foi de quoi nous délivrons le présent pour servir et valoir où besoin sera.
« Molène, le 22 décembre 1890. »
Suivent les signatures dûment légalisées par le maire actuel, M. Le Bousse.
Malgré cette attestation, le tribunal a passé outre.
Jugeant que le préfet a seul qualité pour amender la loi de 1844,
il a condamné les délinquants sans le savoir à 50 francs d’amende.