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Fenêtres sur le passé

1889

Tentative de meurtre place de la Halle à Brest

Source : La Dépêche de Brest 15 mars 1889

 

Le drame de la place de la Halle à Brest

 

Hier matin, vers 9 h., le nommé Dutertre (Célestin), âgé de 25 ans, demeurant chez son père, rue de Paris, 70,

dont le nom avait, pendant quelques semaines, figuré, avec le titre de rédacteur en chef, dans la manchette

d'un nouveau journal, la Défense industrielle et commerciale, créé à Brest au début de la présente année,

entrait dans les bureaux de ce journal, place de la Halle, 9, et s'adressant au directeur-gérant, M. Duchateau, demandait le règlement de ce qui lui était dû, soit 650 fr. M. Duchateau répondit à son interlocuteur

qu'il avait accepté ses services à titre d'essai, en lui promettant un traitement annuel de 3,600 fr.,

en cas de satisfaction, mais que l'hypothèse contraire s'était réalisée ;

si Dutertre se croyait créancier de M. Duchateau pour quelque somme que ce fût, il n'avait qu'à l'appeler en justice.

 

Ces dernières paroles étaient à peine prononcées que Dutertre sortait de sa poche un revolver et en déchargeait successivement cinq coups sur M. Duchateau.

 

Après quoi, il prenait la porte et s'en allait comme il était venu.

 

Le bruit des détonations avait attiré des curieux devant les bureaux de la Défense ;

quelqu'un suivit Dutertre qui fut arrêté, vers 9 h. 10 minutes, dans la rue de Siam, par le brigadier de la sûreté Dilasser et un de ses agents.

 

Conduit au poste de police des Carmes, Dutertre a été trouvé porteur de huit cartouches encore chargées,

du calibre de son revolver.

Comme en l'interrogeant, le commissaire de police

de l'arrondissement lui annonçait que M. Duchateau

n'était pas mort, Dutertre déclara que son seul regret

était de ne pas l'avoir tué.

 

M. Duchateau, quand Dutertre s'est présenté devant lui,

venait d'arriver à son bureau.

Il avait encore sur la tête son chapeau à haute forme

et n'avait pas enlevé son pardessus.

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Peut-être doit-il à cette circonstance d'avoir la vie sauve.

Une balle traversa son chapeau de part en part ;

une autre, qui devait le frapper au cœur, après avoir percé son pardessus et son vêtement de dessous,

s'est amortie au-dessous du téton gauche, où elle n'a fait qu'une empreinte de la grosseur d'une pièce d'un franc.

 

On conçoit l'émoi de M. Duchateau après cet attentat.

Il se rendit au commissariat de police où il fit sa déposition, puis au parquet, où, à onze heures,

Dutertre a été transféré.

 

À trois heures, une descente de justice, a eu lieu sur le théâtre du drame.

Dutertre, en sortant de chez son père, le matin même, était entré dans le débit de M. Pérusse,

où il avait pris une consommation.

 

Mme Pérusse et sa factrice ont cru l'entendre dire qu'à la fin de la journée, de M. Duchateau et de lui,

l'un aurait cessé de vivre.

 

L'avant-veille, c'est-à-dire mardi, vers six heures du soir, il avait fait appeler un serrurier pour ouvrir l'armoire

dans laquelle son vieux père, à la charge duquel il était entièrement, conservait son peu d'argent.

 

Désespérant de l'empêcher de mettre son projet à exécution, sa sœur, une jeune fille de 16 ans,

courut avertir son père.

Dutertre avait trouvé et pris 20 francs.

Le père voulut se les faire restituer.

Il y eut bataille.

Des voisins appelèrent les agents de police,

qui mirent fin à la scène.

Dutertre se sauva, emportant les 20 fr., sans que son père,

qui le poursuivit, pût le rattraper.

 

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Après cette scène, qui le confirma dans l'idée dont il était préoccupé depuis quelque temps, que son fils était fou,

le père du malheureux forma le projet de faire interner son fils à l'asile de Quimper.

 

Le drame de la place de la Halle est venu rapidement mettre fin au projet.

 

S'il n'est pas fou, Dutertre, depuis longtemps épileptique, est au moins un déséquilibré.

Il était venu, dans le cours de l'été dernier, frapper à la porte de nos bureaux, et, en état très minable,

avait imploré une occupation qui pût l'aider à subvenir à ses besoins.

Nous avions consenti à accepter de lui quelques notes de chronique locale qu'on lui payait à la ligne.

Nous dûmes cesser.

 

C'est alors que M. Duchateau le recueillit.

Il dut, à son tour, au bout d'un mois, s'en séparer.

 

La dernière idée qui hanta le cerveau de Dutertre, abondamment peuplé de chimères de cette nature,

était la candidature à la députation.

Un groupe, disait-il, à tout venant, l'avait choisi ; il répétait cela très sérieusement.

 

Nous félicitons le directeur de la Défense d'avoir échappé aussi heureusement à un attentat

dont il eut pu être la victime.

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Source : Le Finistère août 1889

 

Le nommé Dutertre (Célestin-Honoré), 23 ans, publiciste, né à Lambézellec, demeurant à Brest, est accusé d'avoir,

à Brest, le 14 mars 1889, volontairement et avec préméditation, tenté de commettre un homicide sur la personne

du sieur Duchateau, laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution n'a été suspendue

ou n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

 

En décembre 1888, les nommés Duchateau et Dutertre s'associaient pour fonder à Brest un journal intitulé

la Défense commerciale et industrielle, le premier, en qualité de directeur ; le second, de rédacteur en chef.

 

Mais bientôt des dissentiments s'élevèrent entre eux, et Duchateau, resté seul à la tête du journal,

dût interdire à Dutertre, l'entrée des bureaux.

 

À la suite de nombreuses réclamations, Dutertre résolut de se faire justice.

 

Le 14 mars 1889, vers 9 heures du matin, il parvint à s'introduire au bureau du journal,

où il trouva Duchateau et un jeune employé.

 

Il réclama aussitôt de l'argent à Duchateau ;

mais celui-ci lui ayant répondit qu'il ne devait rien, Dutertre sortit un revolver de sa poche et, à bout portant,

en déchargea cinq coups sur le directeur.

 

Une balle traversa en deux endroits, rasant le crâne, le chapeau que Duchateau avait sur la tête ;

une autre, fort heureusement amortie par l'épaisseur des vêtements, vint s'aplatir sous le sein gauche,

sans occasionner de blessures.

Les allures de Dutertre, sa maladie nerveuse évidente,

ses intentions manifestées de suicide,

devaient être l'objet d'un examen médico-légal,

qui déterminerait son degré de responsabilité.

 

Les conclusions de l'homme de l'art sont formelles.

 

D'après lui, si Dutertre est un « malade »,

il est cependant dangereux et, en tout cas,

responsable du crime commis sur Duchateau.

 

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En 1888, tout jeune encore, Dutertre a été condamné à trois mois de prison pour escroqueries.

 

Intelligent, ayant beaucoup lu, il fit grand étalage de ses doctrines socialistes.

 

Cette affaire qui a duré plusieurs audiences, n'a pris fin que samedi soir.

 

L'accusé a adopté un système de défense singulier :

il prétend avoir agi sous l'influence d'un délire consécutif à un accès d'épilepsie ;

cependant il nie être aliéné et ne reconnaît pas le droit à ses juges de lui appliquer un châtiment

ou de faire enfermer dans un asile.

 

M. Frétaud prononce un réquisitoire éloquent.

Il conclut à la responsabilité de l'accusé, mais ne s'oppose pas à l'admission de circonstances atténuantes.

 

M. de Chamaillard réclame l'acquittement de son client, qu'il représente comme un malheureux être en proie

à des maux physiques continuels, comme un vaincu de la vie.

Il essaie d'établir par des passages de savants aliénistes que l'épilepsie dont Dutertre est atteint cause quelquefois des troubles du cerveau pendant lesquels on peut commettre inconsciemment des crimes.

Les médecins aliénistes, invités de nouveau à s'expliquer par M. le Président,

persistent dans leurs premières conclusions.

 

Le jury rapporte un verdict de culpabilité, mitigé par des circonstances atténuantes.

Dutortre est condamné à cinq années de travaux forcés sans interdiction de séjour et, par corps, aux frais.

Il reste impassible pendant le prononcé de l'arrêt.

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Source : Le Finistère février 1890

 

Peine commuée

 

Un nommé Dutertre, de Brest, qui avait été condamné

le 3 août dernier pour tentative d'assassinat sur la personne

de M. Duchâteau vient d'être l'objet d'une décision gracieuse.

 

La peine de cinq ans de travaux forcés qui avait, été prononcée contre lui a été commuée en celle de cinq ans de réclusion.

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