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Fenêtres sur le passé

1888

Une empoisonneuse à Morlaix

 

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Source : La Dépêche de Brest 17 avril 1888

 

Guillerme (Marie-Ursule), âgée de 18 ans, domestique, née à Duault (Côtes-du-Nord), demeurant à Morlaix, est accusée :

 

1° D'avoir, à Callac, dans le courant de l'année 1885, depuis le 21 juillet, détourné ou dissipé, à plusieurs reprises, au préjudice des époux Le Gall, dont elle était domestique, des deniers qui ne lui avaient été remis qu'à charge de les rendre ou représenter.

 

2° D'avoir, à Morlaix, le 10 janvier 1888, commis un empoisonnement sur le jeune Georges Nicol, en attentant à sa vie par l'administration de substances pouvant avoir pour effet de donner la mort plus ou moins promptement.

 

La nommée Marie-Ursule Guillerme se trouvait, en 1887, domestique chez les époux Nicol, négociants à Morlaix.

Ceux-ci, mis en défiance par une lettre anonyme, qui leur avait été adressée au mois de juillet, et ayant constaté, à différentes reprises, un déficit dans leur caisse, attribuèrent ce qu'ils pensaient être le résultat d'un vol, à leur domestique et prirent à son égard certaines mesures de précautions.

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Irritée, l'accusée résolut de se venger et conçut l'idée du crime qu'elle mit à exécution le 10 janvier 1888.

Ce jour-là, vers dix heures du matin, Mme Nicol, qui se trouvait auprès de son enfant, âgé de trois mois, qu'elle venait d'allaiter, fut appelée à son magasin.

Elle laissa alors son fils à la garde de la domestique pendant un quart d'heure ou vingt minutes.

Celle-ci, profitant de cette absence, s'empara d'un flacon de teinture d'iode que le sieur Nicol avait acheté au mois de décembre précédent et qu'il avait ramassé dans un meuble, et en fit avaler une certaine quantité au petit enfant.

En remontant dans ta chambre, Mme Nicol sentit l'odeur du poison et vit la victime, rejeter des matières noirâtres ;

la figure, les lèvres, le cou et les vêtements étaient aussi tachés d'iode.

 

Le médecin, appelé en toute hâte, ne put que constater l'empoisonnement et affirma que si l'enfant n’avait pas été allaité avant l'ingestion de ce poison corrosif actif, cette substance pouvait produire une perforation de l'estomac.

 

Il a été appris, au cours de l'instruction, que, pendant le dernier mois de 1885, alors qu'elle était domestique chez les époux Le Gall, aubergistes à Callac, elle détournait l'argent qu'elle recevait des consommateurs.

Au moment de son départ, elle consentit à restituer, sur les remontrances du garde-champêtre, une partie de l'argent qu'elle s'était approprié.

 

L'accusée nie les faits qui lui sont imputés, mais les déclarations des témoins et les charges relevées par l'information ne laissent planer aucun doute sur sa culpabilité.

 

La fille Guillerme est acquittée du chef de vol.

Reconnue coupable d'empoisonnement, avec circonstances atténuantes, elle est condamnée à cinq ans de travaux forcés.

 

Ministère public, M. Frétaud, procureur de la République.

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Source : La Dépêche de Brest 26 avril 1888

 

Le 16 avril, la cour d'assises du Finistère condamnait à cinq ans de travaux forcés une jeune fille de 18 ans,

Marie-Ursule Guillerme, domestique chez M. Nicol, ébéniste à Morlaix, reconnu coupable de tentative d'empoisonnement sur un jeune enfant confié à ses soins.

Un grand mouvement de pitié et de sympathie s'est manifesté dans la population morlaisienne en faveur de cette jeune fille, qui n'a cessé de protester de son innocence.

Les ouvrières de la manufacture des tabacs, pour lesquelles la condamnée est cependant une inconnue, ont pris la tête de ce mouvement et ont ouvert entre elles une souscription dont le produit était destiné à permettre à cette jeune fille de se pourvoir en cassation.

M. Hamard, l'éloquent avocat de Rennes, au concours duquel elles avaient fait un pressant appel, leur a répondu, dans une lettre élogieuse, qu'il était acquis de tout cœur à leur entreprise, et s'est mis à leur pleine et entière disposition.

Mais, quand ces braves femmes ont commencé leurs démarches, les délais pour le pourvoi en cassation étaient expirés depuis deux jours.

Il ne reste donc plus maintenant qu'une seule solution : le recours en grâce.

 

C'est à la réussite de ce recours en grâce que les ouvrières vont consacrer tous leurs efforts.

Elles ont confiance dans l'éloquent avocat qui leur prête gratuitement son concours et elles attendront, avec anxiété, mais aussi avec une foi inébranlable, que les effets de la clémence du président de la République aient le temps de se faire sentir.

 

À l'unanimité, les ouvrières de la manufacture ont décidé que le produit de la souscription, soit 334 fr., était la propriété de Marie-Ursule Guillerme et que cette somme serait placée de façon à ce que leur protégée puisse la retirer, au moment de sa sortie de prison, pour subvenir à ses premiers besoins.

Elles ont également décidé de se conformer strictement aux instructions qu'elles attendent de leur éloquent avocat, de ne provoquer aucune quête et d'accepter avec reconnaissance les sommes qu'on voudra bien leur verser et dont elles rendront compte, dès qu'elles auront atteint la but qu'elles se proposent.

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