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Fenêtres sur le passé

1888

Cléder
Incidents contre l'école laïque de filles

 

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Source : La Dépêche de Brest 31 décembre 1888

 

L'Avenir de Morlaix reçoit une lettre de Cléder relatant par le menu quelques-uns des incidents de la lutte engagée par la gent cléricale de Cléder contre l'école laïque de filles de la commune.

 

C'est d'abord le vicaire qui monte en chaire le 11 novembre dernier, et, au lieu d'entretenir ses ouailles des sept péchés capitaux, par exemple, fulmine contre l'école laïque et annonce une quête pour l'autre école, la chrétienne.

 

Le dimanche suivant, le recteur prend la parole à son tour, et, tout comme s'il ne recevait aucun traitement de la République, recommence l'oraison

 

Puis les sœurs s'en mêlent.

 

Le 21 novembre, la sœur Marie, qui s'occupe de médecine, a rencontré deux petites filles de l'école communale se rendant en classe,.

— Où êtes-vous à l'école ?

— Chez la demoiselle.

— Il faut venir à l'école chrétienne.

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Lundi 3 décembre, une autre enfant, sortie de chez les sœurs pour suivre l'école communale, est retournée de nouveau au couvent.

Cette enfant se plaisait bien à l'école laïque et y faisait des progrès, mais les sœurs ont fait de belles propositions à sa mère, qui est pauvre, et ont ainsi enrôlé l'enfant.

 

Le même jour, une fillette, ancienne élève de l'école laïque, après avoir été en classe le matin, est allée le soir chez les congréganistes.

La propriétaire de sa ferme l'avait conduite là et payait pour elle.

 

En quête de recrues, le 4 décembre, les sœurs dépêchaient successivement deux de leurs élèves dans une famille pour ramener à elles deux petites élèves qui les avaient quittées pour la laïque, depuis le 30 novembre.

Ces tentatives ayant échoué, la bonne est venue les renouveler auprès de la mère :

— Envoyez donc vos enfants chez les sœurs, elles auront des fournitures gratuitement et seront habillées.

 

Le soir, à la nuit, le père fut retenu chez les sœurs, elles le gardèrent jusqu'à ce qu'il eût promis d'envoyer ses filles à l'école chrétienne.

 

Le 5 courant, n'ayant pas encore vu les élèves tant sollicitées, nouvelles démarches pressantes auprès de la mère de famille et nouvelles promesses : 

— À l'école chrétienne, pas de frais d'étude, pas de fournitures à payer ;

les petites auront chacune une robe et un tablier neufs.

 

Et les malheureux parents, qui sont pauvres, finiront peut-être par céder à de telles sollicitations.

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Ces agissements n'ont rien qui nous étonne.

On sait de quelle façon le parti clérical, qui parle si haut de la liberté des pères de famille, qui proteste si violemment contre l'oppression qu'on fait peser sur lui en respectant la liberté de conscience, comprend lui-même le respect de ces libertés quand il dispose du pouvoir.

Il y a quelques jours, dans la discussion du budget devant le Sénat, ne nous racontait-on pas l'histoire d'une commune bretonne où la municipalité réactionnaire recourt à des ruses de Peaux-Rouges pour empêcher les enfants d'aller à l'école publique et pour les attirer à l'école libre, c'est-à-dire à l'école congréganiste !

Elle ne remplace pas les vitres brisées, elle ne fait pas de feu dans l'école publique, elle laisse geler les enfants qui fréquentent cette école, elle réserve le chauffage, tous les soins, toutes les sollicitudes pour l'école congréganiste

 

Quelle ferme volonté ne faut-il pas, dans ces conditions, aux « pères de famille » pour résister à de telles séductions et pour faire endurer à leurs enfants d'aussi rudes souffrances ?

 

Et voilà la pratique, le respect de la liberté, ad majorem Dei gloriam.

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