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Fenêtres sur le passé

1887

Le docteur Jossic

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Source : La Dépêche de Brest 19 mars 1887

 

Nous apprenons la mort du docteur Jossic, ancien directeur du service de santé de la marine,

commandeur de la Légion d'honneur, etc , etc.

 

M. Jossic occupait dans notre ville une position considérable par le talent, l'intelligence et les services rendus.

Sous des formes bourrues, il cachait un cœur d'or, prompt au dévouement et au sacrifice.

Il payait de sa personne, sans compter, se croyant toujours jeune, parce que chez lui la vivacité des conceptions

était demeurée inébranlable.

Jusqu'à la fin de sa vie il est resté un praticien d'une rare activité, exerçant toutes les parties de son art,

même les plus délicates et les plus fatigantes, avec un entrain que de plus jeunes lui enviaient.

Nous nous rappelons encore pour notre part une circonstance

qui éloignait de nous l'idée d'une fin aussi rapide.

C'était au mois de novembre ou décembre 1886,

au moment de cette petite épidémie de choléra qui avait élu droit

de cité à Kerhorre et menaçait notre ville.

L'autorité administrative, préoccupée du danger que courait la santé publique, si ce foyer épidémique n'était pas éteint, avait constitué une commission chargée de se rendre sur les lieux et de prendre

les mesures prophylactiques nécessaires.

De cette commission était le docteur Jossic.

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Le jour où nous nous rendîmes à Kerhorre, il faisait un de ces froids aigres et piquants,

comme ceux que nous avons le bonheur de posséder dans ce moment.

Le vent soufflait en tempête, le ciel noir comme de l'encre laissait tomber sur nous des trombes d'eau torrentielles.

Le long de la route, semée de flaques d'eau, nous nous en allions

vers ces malheureux, la tête basse, avec toute sorte de pensées lugubres qui s'harmonisaient bien avec l'aspect général de la nature.

Le seul d'entre nous qui avait le mot pour rire était

ce pauvre docteur Jossic.

Je le vois encore marcher en tête de la caravane avec

son parapluie retourné, hélant les retardataires,

se jouant des éléments déchaînés avec une crânerie

et une maestria toute française.

Il semblait que ce corps fut d'acier et on se prenait à douter

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qu'il y eût là, comme on le répétait, une tare constitutionnelle qui poursuivait son évolution.

 

Ce qu'il fut bon, aimable, sympathique, ce jour-là, cette malheureuse population de Kerhorre,

si éprouvée alors, se le rappelle sans doute.

 

Quant à nous, devant cette tombe qui s'ouvre prématurément, nous saluons non-seulement le grand praticien

qui va laisser un si grand vide dans notre ville, mais aussi, mais surtout l'homme libéral et excellent

qui conservait de l'originalité jusque dans sa bonté.

 

Th. C.

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