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Fenêtres sur le passé
1886
Les vivres dans la marine
Source : Le Finistère août 1886
Les vivres dans la marine
Depuis quelques années la marine a fait de notables progrès dans la question de ses approvisionnements
de vivres de campagne : les conserves, qui n'étaient autrefois guère délivrées qu'aux malades,
font aujourd'hui partie des vivres de l'équipage ;
la sardine à l'huile tenait la première place ;
les maquereaux, aujourd'hui, sont aussi admis avec raison dans les adjudications, et c'est là un progrès,
car le maquereau à l'huile a fait ses preuves et fournit un comestible d'un prix relativement peu élevé
et un mets agréable aux palais les plus délicats.
Les viandes de bœuf et de poulet, ainsi que les légumes préparés à Rochefort, sont parfaits comme réussite,
et la fabrique de conserves de ce port est certainement la première de France pour l'excellence de ses produits.
En effet, toutes ses conserves sont faites dans le vide parfait,
et la cheminée d'étain fixe qu'elles portent toutes sur le couvercle
est fermée pendant l'ébullition à 110° dans un bain de chlorure de calcium au moyen de la pince Lefèvre,
du nom de l'ancien chef de manutentions de la marine.
Assistant à une commission des subsistances,
nous avons eu un jour l'occasion de goûter un poulet rôti
mis en boîte depuis 15 ans et nous pouvons affirmer qu'il était délicieux.
C'est ce poulet qui, nous revenant à la mémoire au moment
où vont se faire les adjudications de conserves pour la marine,
m'a suscité les réflexions suivantes que nous faisait M . Lefèvre.
Qu'il me pardonne mon indiscrétion :
« Il m'est impossible de comprendre pourquoi la marine n'admet
que le poulet bouilli et non le poulet rôti ;
le poulet est réservé aux malades auxquels le médecin prescrit souvent du rôti ;
d'un autre côté, le poulet rôti ne coûte pas plus cher à l'État que cuit à l'eau. »
Néanmoins aujourd'hui, c'est-à-dire dix ans plus tard,
la marine continue à faire bouillir ses poulets.
Cette commission, comme bien d'autres, fut convaincue qu'il vaudrait mieux faire du poulet rôti, mais elle n'avait pas mission
de traiter la question, qui est réservée encore aujourd'hui,
paraît-il, à des licenciés en droit …. !
Cependant je me permets d'insister, dans l'intérêt des malades,
par la voie de votre journal, pour demander que le ministre de la marine veuille bien faire cesser cette mauvaise plaisanterie.
Les commissions des vivres des ports renfermaient autrefois
un agent des manutentions, un médecin, un pharmacien de la marine,
un officier de la marine et un commissaire
chargés de juger de la qualité de la marchandise.
Ici ouvrons une parenthèse :
La composition de ces commissions a été modifiée ;
une grande intelligence a trouvé que pour examiner des objets de consommation le médecin et le pharmacien étaient sans doute peu experts.
Aussi, il y a environ un an, les membres de la commission des subsistances ont été réduits de deux , et ce sont le médecin et le pharmacien,
seuls compétents avec le chef manutentionnaire qui ont été supprimés.
De sorte que la majorité reste toujours à l'officier de vaisseau
et à l'officier d'administration;
Vous verrez qu'un beau jour on chargera le grand corps de construire
les navires et de faire les analyses chimiques.
Pourquoi pas ?
Continuons :
Que l’on donne à goûter à ces commissions des cinq ports des conserves
de poulet rôti et de poulet bouilli, ou plus simplement
que le ministre veuille bien goûter lui-même à ces deux produits,
et la question sera tranchée par dépêche, nous en répondons.
Le bœuf bouilli ne remplacera jamais un bifteck.
Quant à la question de prix de revient, elle ne saurait mieux être tranchée que par le fabricant lui-même, c'est-à-dire par les honorables
chefs de manutention, que nous regrettons de ne pas voir en général
plus consultés et plus écoutés par le ministre de la marine.
En s'adressant directement à eux,
le ministre serait étonné des vieux errements qui subsistent
dans notre système de fabrication et d'approvisionnement
où les chefs de manutention n'ont aucune initiative.
Pourquoi des commissaires dans les manutentions !
On les a bien supprimés aux constructions navales, où les écritures sont tenues par les services administratifs
et les comptables des matières de la marine, et personne n'a le droit d'imposer à un ingénieur une façon spéciale
de scier le bois ou de forger le fer.
Qu'on en fasse autant aux manutentions.
Pourquoi d'ailleurs exiger que la tendre volaille perde toute sa saveur dans de l'eau chaude ?
Est-ce pour faire croire que la marine n'achète que de vieilles poules ?
Nous garantissons pourtant qu'il n'entre dans les boîtes de Rochefort que de jeunes et belles volailles.
Au moins demandons-nous, avant d'en arriver à une réforme radicale dans tous les services de la marine,
que l'administration se contente, à la manutention, de peser aux chefs de service le charbon, l'étain,
le fer-blanc et les produits à mettre en conserves, et qu'on les laisse faire leur cuisine comme ils l'entendent,
puisqu'il il existe une commission chargée de recevoir les produits.
UN FABRICANT DE CONSERVES.