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1885
La Bretagne et la censure sous la monarchie
La Bretagne et la censure sous la monarchie
Source : Le Finistère décembre 1885
À propos des Jacobites de M. Coppée, joués l'autre Jour à l'Odéon,
on a rappelé le drame d'un écrivain breton, Alexandre Duval,
l'auteur de cette comédie des Héritiers
où revient si souvent le mot devenu proverbe :
« Il y aura du bruit dans Landerneau ! »
Ce n'est pas la première fois, en effet,
que la personne du prétendant Charles-Édouard Stuart est mise au théâtre.
Il est même curieux que la principale pièce qu'il inspira eut maille à partir
avec la censure.
Alexandre Duval, en effet, avait présenté au Théâtre-Français
un drame en trois actes, intitulé Édouard en Écosse :
la première représentation ont lieu le 17 février 1802.
Alexandre-Vincent Pineux,
dit Alexandre Duval,
Né à Rennes le 6 avril 1767
Mort à Paris le 9 janvier 1842
Dramaturge, librettiste
Acteur français,
Les royalistes, qui étaient accourus en foule au Théâtre-Français, virent de nombreuses allusions aux Bourbons
et applaudirent avec ostentation la réplique d'Édouard au colonel anglais, qui lui proposait le toast suivant :
LE COLONEL
Au succès des armes de Georges !
À la mort de tous les partisans de Stuart
ÉDOUARD (jetant son gobelet)
Je ne bois à la mort de personne.
La censure, dit M. Welschinger,
dans son livre « la Censure sous le premier Empire »,
fit supprimer la réponse d'Édouard ; Alexandre Duval remplaça les paroles
par un simple geste de l'acteur qui brisait son verre.
Le premier consul voulut juger par lui-même de l'importance du drame.
Il se rendit au Théâtre-Français et parut prendre plaisir à la représentation,
quand des applaudissements bruyants, partis de la loge du duc de Choiseul, attirèrent son attention.
Dès le jour suivant, il interdit la pièce et s'emporta contre la censure...
« Je n'ai pas voulu, dit-il, qu'on jouât la Partie de chasse de Henri IV
et il y avait une grande différence...
Henri IV a sauvé son pays de la domination de l'Espagne...
Aussi bien nous rendrons service aux royalistes.
Car, à la fin, s'ils se montraient trop à découvert, il faudrait bien taper dessus. »
Alexandre Duval, craignant d'être compromis, s'enfuit en Russie.
François René
Vicomte de Chateaubriand
Né à Saint-Malo le 4 septembre 1768
Mort à Paris le 4 juillet 1848,
Écrivain, mémorialiste
Homme politique français
Peut-être fit-il bien ;
au temps où un caprice despotique de Napoléon 1er excluait Chateaubriand de l'Académie, on pouvait tout craindre.
Au reste, la monarchie légitime ne fut pas plus douce que l'empire envers les écrivains bretons.
Il nous a paru curieux de le constater, à un moment où l'on parle beaucoup des rigueurs de la censure républicaine, censure bien inoffensive qui se borne à arrêter la publication des écrits dangereux et contraires aux bonnes mœurs.
C'est ainsi que, sous Louis XIV nous voyons entrer à la Bastille jusqu'à des jésuites : un philosophe éminent, l'auteur de l'Essai sur le beau, réédité par M. Cousin,
le P. André, de Châteaulin y est jeté,
comme coupable d'un libelle qu'il n'avait pas écrit.
Au siècle suivant, un morlaisien, M. de Boisbilly, vicaire-général de Quimper et député du chapitre de Quimper aux États de Nantes, passa six mois à cette même Bastille.
Quel crime avait donc commis ce grave ecclésiastique ?
On lui attribuait, à tort ou à raison, une chanson satirique
qui avait déplu en haut lieu.
Frère d'un poète quimpérois qui correspondait avec Gresset,
Boisbilly s'était-il laissé tenter par le démon de la poésie,
comme l'auteur de Ver-Vert, ancien jésuite ?
On ne sait, mais six mois de Bastille pour quelques vers, c'est trop.
Yves-Marie André
(Yves-Alexis-Marie de l'Isle-André),
Né à Châteaulin, le 22 mai 1675
Décédé à Caen, le 26 février 1764,
Prêtre jésuite français,
philosophe et écrivain
Et les femmes elles-mêmes n'étaient pas épargnées :
la comtesse de Murat, de Brest, qui avait fait sensation à la cour dans son costume pittoresque de paysanne bretonne, était exilée loin de cette cour ombrageuse, qu'avaient alarmée, son goût trop vif pour la littérature
et le tour incisif de ses poésies et de ses contes.
Ainsi le voulait Madame de Maintenon.
Encore était-ce Madame de Maintenon ; que sera-ce quand les écrivains auront affaire à une Pompadour ou à une Dubarry ?
Respect aux favorites !
Qui les effleure d'un mot est un criminel d'État.
Respect même aux actrices qui ont à la cour de puissants protecteurs !
Notre compatriote quimpérois Fréron n'a-t-il pas failli être emprisonné
parce qu'on le soupçonnait d'avoir dit ou écrit du mal de Mademoiselle Clairon ?
Et pour le soustraire au juste châtiment qu'il méritait,
n'a-t-il pas fallu l'intervention du roi Stanislas, père de la reine ?
Qui ne se souvient du monologue de Figaro :
« On me dit qu'il s'est établi un système de liberté sur la vente des productions,
qui s'étend même à celles de la presse, et que, pourvu que je ne parle en mes écrits
ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place,
ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles,
ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement,
sous l'inspection de deux ou trois censeurs. »
Il y a là plus qu'une spirituelle boutade ;
cette définition de la censure reste vraie, non seulement de l'ancienne monarchie, mais du premier empire, et de la Restauration.
Elle-même, la monarchie de 1830 copia de son mieux ses aînées,
et le souvenir de Lamennais prisonnier suffit à caractériser
le libéralisme de Louis-Philippe.
Le second empire pourtant nous parait mériter la palme en ce genre.
Jaloux d'abord de conquérir l'alliance des cléricaux, il accorde tout aux évêques.
Nous nous bornerons ici à emprunter quelques extraits aux procès-verbaux
de la commission de censure :
12 mars 1853.
« M. le président donne lecture d'une lettre que Mgr l'évêque de Nantes
a adressée à M. le préfet de la Loire Inférieure, au sujet du catalogue
des livres destinés au colportage.
Sur 200 ouvrages dont le colportage a été autorisé, l'évêque est d'avis
qu'il en existe au moins 100 dont la lecture peut offrir des inconvénients.
M. le président annonce que les livres signalés par l'évêque de Nantes
seront l'objet d'un nouvel examen. »
Henriette-Julie de Castelnau,
comtesse de Murat,
Née à Brest en 1670
Morte le 29 septembre 1716
au château de la Buzardière,
Romancière,
conteuse et femme de lettres française.
Claire Josèphe Hippolyte Léris
Clairon de Latude,
dite Mademoiselle Clairon,
ou encore la Clairon,
Actrice française
Née à Condé-sur-l'Escaut
le 25 janvier 1723
Morte à Paris le 29 janvier 1803.
Félicité Robert de Lamennais,
Né le 19 juin 1782 à Saint-Malo
Mort le 27 février 1854 à Paris,
Prêtre, écrivain, philosophe
Homme politique français.
15 mars 1853.
Rapport sur la réclamation de Mgr l'évêque de Nantes, au ministre de la police générale.
Le rapporteur s'exprime ainsi :
« M. le ministre, vous avez, bien voulu communiquer à la commission permanente les observations de Mgr l'évêque de Nantes sur le catalogue qui lui a été adressé récemment par M, le préfet de la Loire-Inférieure.
Ces observations prouvent avec quel zèle pieux Mgr l'évêque veille sur les intérêts spirituels qui lui sont confiés. »
15 février 1855.
Refus d'autoriser « Riche et pauvre », par M. Émile Souvestre.
« On y trouve à chaque page des idées anti sociales...
Œuvre remarquable au point de vue du mérite littéraire, mais dangereuse au fond. »
11 février 1857.
Refus d'autoriser : Souvestre, « Scènes de la vie intime ».
« On trouve dans ce volume des récits qui ne sont pas absolument
exempts de reproches.
Tel est, par exemple, « le Médecin des âmes.»
18 novembre 1857.
La Goutte d'eau, par Émile Souvestre.
« Cet ouvrage est dans l'œuvre de l'écrivain du très petit nombre de ceux
pour lesquels l'auteur lui-même se fut abstenu de demander l'estampille ».
Refus d'autoriser.
2 novembre 1859.
Il n'est pas possible de laisser colporter
Charles Émile Souvestre,
Né le 15 avril 1806 à Morlaix
Mort le 5 juillet 1854 à Montmorency,
Avocat, journaliste et écrivain français.
Son œuvre abondante traite de sujets variés, notamment, sous forme de récits documentaires ou de fiction, de l'ethnographie de la Bretagne.
« Mémoires et pièces authentiques touchant la vie et la mort de S. A. R. Charles-Ferdinand d'Artois, fils de France »,
par M. de Chateaubriand.
« Le nom de l'auteur dit tout de suite ce qu'on peut rencontrer dans ce livre d'aigreur, de passion,
de violence contre l'empereur.»
21 mars 1860.
Dans la collection des
« Mémoires relatifs à l'Histoire de France pendant le dix-huitième siècle »,
publiée par François Barrière, chez Didot, Paris,
la commission n'est pas d'avis de laisser colporter :
Tome 1.
— Mémoires de Madame de Staal.
— Mémoire du marquis d'Argenson.
— Mémoires de Madame mère du régent.
— Extraits de Saint-Simon.
Tome 2.
— Mémoires secrets sur le règne de Louis XIV, la régence et le règne de Louis XV,
par Duclos.
9 mars 1801.
Refus d'autoriser « la Femme dans l'humanité », par Édouard de Pompery.
« Ce livre contient des théories et des appréciations philosophiques que condamnent la raison, les principes de la morale et le respect dû aux convenances qui règlent les mœurs de la société. »
Que dites-vous de celle largeur d'esprit ?
Le Breton Duclos, un historien et moraliste du XVIII° siècle, n'est pas plus épargné que le Breton Émile Souvestre, et Chateaubriand pas plus que M. de Pompery !
Voilà où l'on voudrait nous ramener !
Voilà le régime de douce liberté que nous promet la monarchie,
avec cette aggravation que nos bons royalistes et bonapartistes,
exaspérés par tant de défaites, montreraient un acharnement double
contre tout ce qui, de près ou de loin sentirait une odeur de vague libéralisme.
Marguerite Jeanne Cordier de Launay, Baronne de Staal,
Née à Paris le 30 août 1684
Morte le 15 juin 1750 à Gennevilliers,
Mémorialiste et écrivaine française
Édouard de Pompery
Né le 7 avril 1812 à Couvrelles (Aisne),
Mort le 23 novembre 1895 à Paris
Écrivain et journaliste
Les Pompéry s’impliquèrent dans les travaux et les associations agricoles
de l’époque, ils adhérèrent
à l’Association Bretonne, née en 1843.
Les comices agricoles
qu’ils créèrent au Faou firent beaucoup pour leur réputation.
En 1851, Théophile publia un premier ouvrage franco-breton :
Quelennou var labour pe gonnidègues an douar, ou le nouveau guide du cultivateur breton