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Fenêtres sur le passé

1882

​

La Loi athée dans l'enseignement primaire

Source : Le Finistère septembre 1882

 

La Loi athée.

 

Il a plu aux adversaires de la loi sur l’enseignement primaire,

pour la rendre odieuse aux populations,

de lui donner le nom de loi athée.

 

Pour montrer combien est peu justifiée cette appellation,

au moyen de laquelle on espère tromper le public,

nous rappellerons d'abord que deux jours par semaine sont laissés

aux enfants pour recevoir l'instruction religieuse,

suivant le désir de leurs parents.

 

Nous citerons ensuite quelques passages du programme

qui doit servir à l'application de la loi.

 

Ce programme est au Journal officiel du 2 août 1882,

et il embarrasse tellement les adversaires de la loi que ceux-ci gardent à son sujet le silence le plus prudent.

 

L'instruction à donner aux enfants dans les écoles publiques comprend trois parties :

L'éducation physique, l'éducation intellectuelle et l'éducation morale.

 

Voici le rôle de l'instituteur dans cet enseignement.

 

Nous citons textuellement :

 

Rôle de l'instituteur dans l'enseignement moral.

 

L'instituteur est chargé de cette partie de l'éducation,

en même temps que des autres, comme représentant de la société :

la société laïque et démocratique a en effet l'intérêt le plus direct

à ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure

et par des leçons ineffaçables au sentiment de leur dignité

et à un sentiment non moins profond de leur devoir

et de leur responsabilité personnelle.

 

Pour atteindre ce but, l'instituteur n'a pas à enseigner

de toutes pièces une morale théorique suivie d'une morale pratique comme s'il s'adressait à des enfants dépourvus de toute notion préalable du bien et du mal ;

l'immense majorité lui arrive au contraire ayant déjà reçu ou recevant un enseignement religieux qui les familiarise avec l'idée

d'un Dieu auteur de l'univers et père des hommes,

avec les traditions, les croyances, les pratiques

d'un culte chrétien ou israélite :

au moyen de ce culte et sous les formes qui lui sont particulières,

ils ont déjà reçu les notions fondamentales de la morale éternelle

et universelle, mais ces notions sont encore chez eux à l'état

de germe naissant et fragile, elles n'ont pas pénétré profondément

en eux-mêmes ;

elles sont fugitives et confuses, plutôt entrevues que possédées, confiées à la mémoire bien plus qu'à la conscience

à peine exercée encore.

 

Elles attendent d'être mûries et développées

par une culture convenable.

 

C'est cette culture que l'instituteur public va leur donner.

 

Sa mission est donc bien délimitée ;

elle consiste à fortifier, à enraciner dans l'âme des élèves,

pour toute leur vie, en les faisant passer dans la pratique quotidienne, ces notions essentielles de moralité humaine,

communes à toutes les doctrines et nécessaires

à tous les hommes civilisés.

 

Il peut remplir cette mission sans avoir à faire personnellement

ni adhésion, ni opposition à aucune des diverses croyances confessionnelles auxquelles ses élèves associent

et mêlent les principes généraux de la morale.

 

Il prend ces enfants tels qu'ils lui viennent avec leurs idées

et leur langage, avec les croyances qu'ils tiennent de la famille

et il n'a d'autre souci que de leur apprendre à en tirer

ce qu'elles contiennent de plus précieux au point de vue social,

c'est-à-dire les préceptes d'une haute moralité.

 

Objet propre et limites de cet enseignement.

 

L'enseignement moral laïque se distingue

donc de l'enseignement religieux sans le contredire.

 

L'instituteur ne se substitue ni au prêtre, ni au père de famille ;

il joint ses efforts aux leurs pour faire de chaque enfant

un honnête homme.

 

II doit insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes

et non sur les dogmes qui les divisent.

 

Toute discussion théologique et philosophique lui est manifestement interdite par le caractère même de ses fonctions, par l'âge

de ses élèves, par la confiance des familles et de l'État :

il concentre tous ses efforts sur un problème d'une autre nature,

mais non moins ardu, par cela même qu'il est exclusivement pratique : c'est de faire faire à tous ces enfants l'apprentissage effectif

de la vie morale.

 

Plus tard, devenus citoyens, ils seront peut-être séparés

par des opinions dogmatiques, mais du moins ils seront d'accord

dans la pratique pour placer le but de la vie aussi haut que possible, pour avoir la même horreur de tout ce qui est bas et vil,

la même admiration de ce qui est noble et généreux,

la même délicatesse dans l'appréciation du devoir,

pour aspirer au perfectionnement moral, quelques efforts qu'il coûte, pour se sentir unis, dans ce culte général du bien, du beau et du vrai qui est aussi une forme et non la moins pure, du sentiment religieux.

 

Caractère de la méthode en ce qui concerne le maître.

 

Deux choses sont expressément recommandées aux maîtres.

 

D'une part, pour que l'élève se pénètre de ce respect de la loi morale qui est à lui seul toute une éducation, il faut, premièrement,

que par son caractère, par sa conduite, par son langage,

il soit lui-même le plus persuasif des exemples.

 

Dans cet ordre d'enseignement,

ce qui ne vient pas du cœur ne va pas au cœur.

 

Un maître qui récite des préceptes,

qui parle du devoir sans conviction, sans chaleur, fait bien pis

que perdre sa peine, il est en faute :

un cours de morale régulier, mais froid, banal et sec,

n'enseigne pas la morale, parce qu'il ne la fait pas aimer.

 

Le plus simple récit où l'enfant pourra surprendre un accent

de gravité, un seul mot sincère vaut mieux qu'une longue suite

de leçons machinales.

 

D'autre part,

— et il est à peine besoin de formuler cette prescription —

le maître devra éviter comme une mauvaise action tout ce qui,

dans son langage ou dans son attitude,

blesserait les croyances religieuses des enfants confiés à ses soins,

tout ce qui porterait le trouble dans leur esprit,

tout ce qui trahirait de sa part envers une opinion quelconque

un manque de respect ou de réserve.

 

La seule obligation à laquelle il soit tenu

— et elle est compatible avec le respect de toutes les croyances, — c'est de surveiller d'une façon pratique et paternelle

le développement moral de ses élèves avec la même sollicitude

qu'il met à suivre leurs progrès scolaires ;

il ne doit pas se croire quitte envers aucun d'eux s'il n'a fait autant pour l'éducation du caractère que pour celle de l’intelligence.

 

À ce prix seulement, l'instituteur aura mérité le titre d’éducateur, et l'instruction primaire le nom d'éducation libérale.

 

Voici maintenant le programme des cours qui doivent être faits pendant une heure chaque jour aux élèves, sur la morale :

 

I

 

L'enfant dans la famille.

Devoirs envers les parents et les grands-parents.

 

Obéissance, respect, amour, reconnaissance.

— Aider les parents dans leurs travaux ; les soulager dans leurs maladies ; venir à leur aide dans leurs vieux jours.

 

Devoirs des frères et sœurs.

S'aimer les uns les autres : protection des plus âgés à l'égard des plus jeunes ; action de l'exemple.

 

Devoirs envers les serviteurs.

Les traiter avec politesse, avec bonté.

 

L'enfant dans l'école.

Assiduité, docilité, travail, convenance.

— Devoirs envers l'instituteur.

— Devoirs envers les camarades.

 

La Patrie.

La France, ses grandeurs et ses malheurs.

— Devoirs envers la patrie et la société.

 

II

 

Devoirs envers soi-même.

Le corps :

propreté, sobriété et tempérance ;

dangers de l'ivresse ; gymnastique.

 

Les biens extérieurs.

— Economie

(conseils de Franklin ; éviter les dettes ;

funestes effets de la passion du jeu ;

ne pas trop aimer l'argent et le gain ; prodigalité ; avarice.)

Le travail

(ne pas perdre de temps, obligation du travail pour tous les hommes, noblesse du travail manuel).

 

L'âme.

Véracité et sincérité ; ne jamais mentir.

— Dignité personnelle, respect de soi-même.

— Modestie : ne point s'aveugler sur ses défauts.

— Éviter l'orgueil, la vanité, la coquetterie, la frivolité.

— Avoir honte de l'ignorance et de la paresse.

— Courage dans le péril et dans le malheur; patience,

esprit d'initiative.

— Dangers de la colère.

Traiter les animaux avec douceur ;

ne point les faire souffrir inutilement.

— Loi Grammont, sociétés protectrices des animaux.

 

Devoirs envers les autres hommes.

 

Justice et charité

(ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît ; faites aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fissent).

— Ne porter atteinte ni à la vie, nia la personne, ni aux biens,

ni à la réputation d'autrui.

— Bonté, fraternité, tolérance, respect de la croyance d'autrui.

 

Devoirs envers Dieu.

 

L'instituteur n'est pas chargé de faire un cours ex professo

sur la nature et les attributs de Dieu ;

l'enseignement qu'il doit donner à tous indistinctement

se borne à deux points.

D'abord il leur apprend à ne pas prononcer légèrement le nom de Dieu ; il associe étroitement dans leur esprit à l'idée de la Cause première

et de l'Être parfait un sentiment de respect et de vénération ;

et il habitue chacun d'eux à environner du même respect

cette notion de Dieu, alors même qu'elle se présenterait à lui

sous des formes différentes de celles de sa propre religion.

 

Ensuite, et sans s'occuper des prescriptions spéciales

aux diverses communions, l'instituteur s'attache à faire comprendre et sentir à l'enfant que le premier hommage qu'il doit à la divinité, c'est l'obéissance aux lois de Dieu telles que les lui révèlent

sa conscience et sa raison.

 

Eh bien ! lecteurs, que pensez-vous de la loi athée ?

 

Nous défions, en dehors des dogmes particuliers à chaque religion,

de faire un programme qui trace avec plus d'autorité les devoirs

de l'enfant envers lui-même, envers ses semblables,

envers la Patrie, envers Dieu.

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