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Fenêtres sur le passé

1882

Le capitaine du Trévoux

"Les cruautés d'un capitaine de la Royale avant la Révolution"

Source : Le Finistère février – mars – avril 1882

 

Nous allons publier, d'après des documents authentiques,

une page d'histoire fort instructive.

 

C'est le récit des cruautés sauvages exercées par un capitaine de vaisseau contre son équipage.

 

Les malheureuses victimes ne purent obtenir justice

parce que leur bourreau était « homme de qualité ».

 

Les faits se passent à la veille de la grande révolution de 1789,

dont ils suffiraient à démontrer la nécessité.

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Le manuscrit que nous avons entre les mains a pour titre :

MÉMOIRE de plusieurs soldats et matelots portant rapport et plaintes contre M. du Trévoux,

adressé à MM. les officiers municipaux des villes et sénéchaussée de Brest,

à l'effet d'obtenir justice, n'ayant pu se la procurer de leurs chefs respectifs.

 

En tête se trouve la requête suivante :

 

Messieurs,

Vous êtes rassemblés pour la restauration de l'État ;

Toutes les classes du peuple vous intéressant, nous osons espérer que, dans ces circonstances,

vous n'oublierez point celle des marins, toujours exposés par leur état à supporter les caprices de la noblesse, surtout de la noblesse basse-bretonne.

Nous en avons un exemple frappant avec M. du Trévoux,

commandant le Papillon, dans l'Inde.

Nous avons souffert avec lui les plus cruelles peines, et en arrivant à Brest, on a empêché de parvenir nos plaintes jusqu'à la cour ;

on a étouffé nos voix et nous avons été forcés de nous taire.

 

Vous seuls pouvez nous faire rendre justice,

et couvrir de honte les chefs qui n'ont pas daigné nous entendre.

 

Vient ensuite l'exposé des griefs.

 

Nous citons textuellement.

Les imperfections de la forme sont rachetées par l'éloquence des faits.

 

Corvette Papillon.jpg

Corvette Papillon sous pavillon Anglais

après sa capture en 1794

« Le 20 juin 1787, je fus nommé pour embarquer sur la corvette du Roy le Papillon,

commandée par M. du Trévoux, lieutenant de vaisseau ;

les trois premiers mois de notre navigation furent employés à aller chercher l'escadre d'évolution qui était dehors, après quoi on nous expédia pour l'Inde.

 

Jusqu'alors notre capitaine ne s'était pas plaint de son équipage.

 

Expédiés pour aller dans l'Inde, nous fûmes assez tranquilles jusqu'au Cap de Bonne-Espérance,

à cela près que M. du Trévoux avait maltraité deux matelots, l'un à coups de pieds, et l'autre à coups de corde,

sans qu'on ait pu deviner pourquoi.

 

Nous partîmes du Cap le 16 décembre, et, le 1er janvier,

chacun des maîtres du bord se disposa à souhaiter la bonne année au capitaine.

 

Des menaces furent la seule réponse qu'il fit à leurs souhaits.

 

Le 1er pilote seul n'avait pas été menacé ;

mais, trois ou quatre jours après, M. du Trévoux surprit tout le monde, en le traitant de sot, fat et manant

et le consigna sur le gaillard d'avant pour huit jours.

 

Après quoi, le faisant venir dans sa chambre, il lui dit de prendre garde, que ses airs n'étaient point du tout

de son goût et que plusieurs du bord ne s'attendaient point à la botte qu'il leur voulait porter.

 

Quel commencement d'année !

Nous étions cependant bien éloignés de prévoir les cruautés inouïes que M. du Trévoux nous réservait.

 

Le 12 janvier était le jour destiné à voir le commencement des horreurs qui devaient se multiplier

jusqu'à l'heure fort éloignée du désarmement.

 

Ce jour-là, on avait déjeuné et on ne s'attendait à rien, lorsque M. du Trévoux dit au maître d'équipage

de faire passer tout le monde à l'arrière.

 

Chacun s'y rendit en tremblant et attendant l'effet de la colère qui était peinte dans les yeux du capitaine.

 

« Je m'aperçois, dit-il, qu'il y a parmi l'équipage un esprit de désobéissance entretenu par les maîtres ;

vous allez voir comme on punit un pareil crime! »

Se tournant ensuite vers Malléjacq, maître d'équipage, il lui dit :

« Je te casse, et je te fais matelot ! »

Ce pauvre jeune homme, qui ne s'y attendait point,

eut beau demander ce qu'il avait fait, on ne lui répondit pas.

 

Faisant ensuite rentrer un canon, il y fit amarrer un matelot

nommé Kérigny, pour y recevoir sur le dos trois coups de garcette par chaque homme de l'équipage ;

après avoir été ainsi frappé, il fut attaché au pied du grand mât, avec cet écriteau :

« SUJET DÉSOBÉISSANT ET INCORRIGIBLE »

 

Aviso Papillon.jpg

Le soir, le second maître d'équipage, le tenant par derrière avec une corde, lui fit faire trois fois le tour du navire, après quoi j'eus ordre de lui ôter son écriteau et de le renvoyer à l'ouvrage.

 

Quel était le crime !

Le capitaine seul le sait.

Quel triste sujet de réflexions !

Quelle affreuse perspective !

Vit-on jamais punition aussi peu méritée ?

 

Nous arrivâmes enfin à l'Île de France, le 15 janvier, pour en partir le lendemain.

Après le départ, on fut assez tranquille pendant quelques jours,

mais notre tyran avait trop bien commencé pour en rester là.

 

Le 31 janvier, montant sur le pont, entre sept et huit heures du matin, il ne dit rien d'abord ;

ses yeux marquèrent les victimes.

Après déjeuner, faisant passer tout le monde à l'arrière, il parla en ces termes :

Malgré la sévérité que j'ai marquée envers ces deux abominables sujets (Malléjacq et Kérigny),

il y a toujours de la cabale ;

vous allez voir ce que c'est que de se révolter contre son chef.

 

Puis se tournant vers le matelot Barbançon, il lui dit :

« Allons, bas la casaque, vous allez être amarré sur un canon. »

 

Le lieutenant, M. de Moguat, qui était alors seul sur le pont avec le capitaine (messieurs les officiers dormant),

en fit rentrer deux, sur l'un desquels on attacha le malheureux ;

le 2e était pour celui qui n'aurait pas touché assez fort.

En effet, un matelot y fut attaché pour cette raison.

Barbançon fut remplacé par le matelot Delattre, qui reçut, comme les autres,

trois coups de garcette par chaque homme.

 

Jusqu'alors il n'y avait eu que des matelots de tyrannisés, mais les canonniers devaient avoir leur tour.... .

 

« Il y a par-là, disait le capitaine, un allemand (Colling, canonnier), qui va être aussi amarré ;

il n'est peut-être pas le coupable, mais c'est égal ! »

Comme chef de détachement je lui représentai honnêtement,

que cette punition déshonorait un militaire ;

que, d'ailleurs, nous ne connaissions pas plus son crime

que celui des autres!

« Taisez-vous, me répondit-il, si vous ne voulez en avoir autant !»

Ce pauvre malheureux, malgré sa conduite, son innocence,

reçut autant de coups que les autres.

 

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On crut qu'il allait encore paraître quelqu'un sur la scène, quand on entendit dire :

« Il y a là un homme aux cheveux blancs (en le cherchant des yeux) qui mériterait bien aussi d'aller sur un canon,

mais je respecte son âge, pour cette fois.»

 

C'était le pilote côtier Gratien.

 

Menaçant ensuite tous les officiers mariniers,

il nous promit que si nous ne lui rendions compte des propos qui se tiendraient à bord, nous aurions tous la cale.

 

J'eus ordre de mettre aux fers, par les pieds et par le col, les nommés Kérigny, Barbançon et Delattre,

mais sur le compte que je rendis de la politesse des fers, on leur laissa le col libre.

 

Après cette belle expédition, M. de Moguat, notre lieutenant, eut la bonté de me prévenir que,

si le capitaine me voyait rire ou causer avec qui que ce fut et si je ne lui rendais compte des propos,

il me ferait casser !

 

De quels propos pouvais-je rendre compte ?

Tout le monde tremblait, et si on ouvrait la bouche, c'était pour se demander :

Qu'ont donc fait nos camarades ?

Les mots de révolte et de cabale, dont se servait M. du Trévoux, étaient des prétextes pour autoriser ces injustices.

Le 10 février, le nommé Lequesne,

fut amarré sur un canon, à midi.

« Tant que vous voudrez, disait le capitaine,

nous verrons qui s'ennuiera le premier » ;

et au 2e maître Kervélat :

« Si J'étais un peu plus sûr, vous auriez la cale,

mais dans peu … »

 

Le 12, il rendait à l'ancien maître Malléjacq le commandement, le laissant toujours à la paie de matelot.

 

Le quatorze, enfin, il voulut épouvanter son équipage

par un spectacle plus effrayant.

 

À quatre heures du soir, faisant sonner la cloche,

il dit au lieutenant alors de quart, de mettre en travers

et de faire mettre le petit canot à l'eau.

 

La grande cale.png

Supplice de la cale ordinaire.

Noter le boulet aux pieds du condamné

Eugène Pacini

Malléjacq fit passer une corde au bout de la grande vergue.

Tout inspirait la terreur à l'équipage qui ne savait que penser de cet appareil.

Lorsque tout fut prêt, M. du Trévoux, faisant passer tout le monde sur l'arrière nous dit :

« J'ai enfin découvert les chefs de la révolte, je vais les punir comme ils le méritent ».

 

S'adressant à Kervélat :

« Vous l'avez voulu, vous allez avoir la cale » :

puis à moi :

« Caporal, vous l'aurez aussi, car non seulement vous avez entendu des propos

dont vous ne m'avez pas rendus compte, mais vous en avez encore tenus vous-même. »

Je lui demandai quel était le fourbe qui pouvait m'accuser ?

 

« Moi-même, » me répondit-il.

Monsieur, continuai-je, depuis cinq ans et demi que je suis dans la marine, ma conduite a toujours été irréprochable,

il est bien malheureux pour moi, pour une première punition injuste, de commencer par le déshonneur.

La cale en est un, vous le savez !

Il faut auparavant me dégrader de mon ordonnance.

« Vous allez l'être !»

 

Envoyant ensuite chercher mon habit, il m'en fit revêtir,

pour me faire arracher mes galons seulement

par le dernier des canonniers, qui tous, par leurs larmes, auraient dû toucher le cœur du capitaine,

s'il eut été accessible aux sentiments de l'humanité.

 

Tout se passait à l'insu de Messieurs les officiers.

 

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Le 2e maître reçut deux coups de cale, et fut ensuite mis aux fers, après l'avoir remercié de ses bontés.

 

« Ce n'est pas là, dit le malheureux, ce que vous m'aviez promis, fallait-il me faire quitter un navire où j'étais si bien,

pour venir à votre bord, me voir déshonorer sans savoir pourquoi ? »

 

À votre tour, me dit le bourreau, je fus aussitôt attaché à la fatale corde pour recevoir deux coups de cale.

Après quoi on me détacha pour être remplacé par le maître voilier, qui eut le malheur de paraître là,

quoique jusqu'alors il n'eût point été menacé.

 

Le premier pilote Marini qui, comme commis aux revues, avait enregistré les cassations, faillit aussi recevoir la cale, mais au moment d'être jeté à l'eau, le capitaine lui fit grâce, en disant qu'il n'était pas bien sûr de son crime,

mais que dans peu il le ferait amarrer sur un canon, où on attacha tout de suite le matelot Pérénnès,

qui reçut à dos nu trois coups de garcette par homme.

 

Le boulanger Kergus fut lié dans les haubans, où II reçut quarante coups de corde.

Jamais on n'a su la cause de ces punitions.

Mais, pour comble d'horreur, quand le navire fut en route,

et le canot à bord, on fit passer tout le monde sur l'arrière

pour la prière, que le capitaine eut la cruauté de me faire chanter, en sortant du bain.

 

Ce n'était pas assez pour lui d'avoir maltraité des hommes,

sa rage se portait encore sur les mousses,

qu'il consigna dans l'entrepont,

sans leur permettre de monter pour prendre, l'air,

ni pour servir leurs maîtres.

 

Kervélat fut mis aux fers avec Ies autres.

 

Le 19, à onze heures et demie du matin, tandis qu'on observait,

le matelot Pérénnès, qui était au haut du mât, pour veiller,

cria qu'il voyait un poisson qui avait des cornes.

 

Le premier pilote répondit en riant : « Il est peut-être marié ! »
 

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Quand on eut observé, le capitaine lui défendit de faire le point, à l'avenir,

et le menaça de l'amarrer sur un canon au premier moment.

 

Le pauvre Mariol, désespéré, lui dit :

« Je vois bien, Monsieur, que je ne puis l'éviter ; mais j'aime mieux me détruire que de souffrir.

Si j'avais un pistolet, je me brûlerais la cervelle à vos yeux ; je vais me jeter à l'eau. »

 

Le capitaine l'ayant mis au défi, ce malheureux jeune homme se jeta à la mer et s'éloigna du navire qui, heureusement, gouvernait à peine.

 

On mit aussitôt un canot à l'eau pour le sauver.

 

Il était temps, car les forces lui manquaient quand on le saisit.

 

L'ordre était de lui donner, en arrivant à bord, vingt-cinq coups de corde, qu'il ne reçut cependant pas.

Pendant tout ce temps, le matelot qui avait annoncé le poisson était attaché à dos nu, par les deux bras,

dans les haubans, d'où on le tira pour lui donner sur le canon quatre coups de garcette par homme.

 

M. du Trévoux, se tournant ensuite du côté de Messieurs les officiers et de l'équipage assemblé, nous dit,

avec la fureur peinte dans les yeux :

« Oui, il y a, à mon bord, un esprit de cabale.

Je le détruirai, ou vous mourrez tous sur un canon, depuis le premier jusqu'au dernier. »

 

MM. les officiers, tremblants, répondirent qu'ils ne voyaient et n'entendaient rien.

 

Le 24, au matin, il fit attacher sur le canon le maître calfat Jézéquel, qu'il avait cassé quelques jours avant.

« Tu es un gueux, disait-il, qui a mis dans mon équipage un esprit de zizanie. »

 

Le malheureux ne comprenait guère ce terme.

Il fut suivi du nommé Charles, matelot calier, de qui le capitaine avait rencontré un regard.

Ces deux misérables, tout maltraités qu'ils étaient des trois coups de garcette par homme,

reparurent encore le lendemain pour en recevoir cinq.

On avait augmenté le nombre des coups pour suppléer au défaut des canonniers, qui ne touchèrent pas ce jour-là, parce que,

disait-il, ils avaient changé de conduite,

et qu'il regardait comme une punition d'être obligé de battre

ses camarades, ce qui n'était qu'une feinte de sa part.

 

Prenant lui-même la garcette en main,

il faisait frapper en long sur leur dos.

 

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Le supplice terminé, il les envoya au chirurgien major chargé de les panser.

Mais pour comble d'horreur, le 26, ils reparurent encore pour être liés sur le canon.

Le pitoyable calfat, aux pieds de son capitaine, comme le dernier des criminels,

n'obtint sa grâce que parce que le chirurgien avait rendu compte des affreuses contusions qu'il portait sur le dos.

 

Charles fut réamarré, mais il ne reçut que deux coups.

C’était bien assez, car cet infortuné tomba en défaillance en descendant dans l'entrepont.

 

On fut tranquille jusqu'au 7 mars au soir, où le capitaine fit donner au coq, nommé Castel, 50 coups de corde.

C'était pour le remercier des soins qu'il avait de la cuisine du capitaine dont le cuisinier,

après avoir été battu deux fois, était disgracié.

Le mousse de cuisine fut aussi cruellement fouetté.

Le même soir, le maître d'équipage eut ordre de faire un martinet

long d'une demi-brasse, de la grosseur du petit doigt,

composé de huit branches avec deux nœuds à chacune.

 

Le 10, au matin, M. du Trévoux, montant sur le pont pour le faire essayer, le nommé Clouarec eut le malheur de dire qu'il était las de tirer de l'eau

à un matelot qui lui disait d'en mettre dans le grand canot.

« Après déjeuner, lui dit le capitaine, je te ferai donner quelque chose. »

 Il lui fit en effet donner deux coups par homme, à dos nu sur le canon.

Le matelot Martin fut aussi rossé pour n'avoir pas touché assez fort.

 

Le lendemain, étant mouillé en vue de Pondichéry,

on recommença encore sur Clouarec, sans que la vue de la terre

pût changer les dispositions du capitaine, qui comptait sur l'impunité.

 

En arrivant à Pondichéry, nous ne trouvâmes aucun navire du roi.

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Ils étaient tous partis pour Trinqmalé.

Le 12, on travailla à embarquer les vivres.

Le soir, le 2e maître Kervélat fut tiré des fers et mis à terre en prison, d'où il a passé sur la frégate l'Astrée.

Tandis qu'on se préparait à l'appareillage, le capitaine fit sortir des fers les trois autres matelots et leur dit :

« Si je vous rends la liberté, n'allez pas croire que j'oublie le passé.

C'est que j'ai besoin de monde et que je ne puis faire autrement.

Prenez garde à vous ; un mot vous perdra !

Allez... drôles... retournez à l'ouvrage, et veillez à votre dos. »

 

Le lendemain matin, on mit à la voile pour aller joindre l'escadre.

 

Le 14, à midi et demi, on ne pensait à rien, lorsque le capitaine fit sonner la cloche.

 

C’était pour faire amarrer un matelot nommé William, qui avait eu le malheur de rire étant à la barre.

Il lui fit donner à dos nu quatre coups de martinet par chaque homme.

« C’est pour t'apprendre à rire, disait-il. »

 

S'adressant ensuite à Douet, canonnier, qui faisait fonctions de caporal à ma place :

« Vous avez la mine d'un plaisant ; allez apprendre à rire sur le canon.

Je suis content de votre travail, mais vous en perdez le fruit par votre esprit.

Il y a aussi par là un canonnier, Barthélémy.

Cet élégant qui veut plaisanter...

Il en recevra autant !

C'est un drôle, sur qui j'ai déjà les yeux depuis longtemps. »

 

Malgré leurs représentations, ils ne purent se dispenser de recevoir, sur le canon, trois coups par homme.

Le 17, nous joignîmes I' « Astrée ».

 

Je crus que le général écouterait mes plaintes, et j’osai lui écrire, en termes honnêtes, pour lui représenter la manière

dont nous étions traités, et lui demander mon changement.

Je ne communiquai ma lettre à personne, tant je craignais

que le capitaine me regardât comme chef de complot.

Je la signai seul, comptant sur mon innocence,

sans faire attention que c'était un crime, pour un malheureux,

de se plaindre des injustices qu'on lui fait.

Dans ma lettre, je ne parlais que de la manière

dont j'avais été traité, sans accuser le capitaine, 

à qui je supposais des raisons qu'il devait expliquer au général.

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Frégate d'Astrée

D'après une aquarelle de Frédéric Roux,

de l'Album de l'Amiral Willaumez,

édité par l'association des amis du musée de la Marine

Ma lettre lui fut remise à table.

M. du Trévoux, qui s'y trouva, apprit que c'étaient des plaintes de son bord.

Habile à se déguiser aux yeux de son chef, il me fit passer pour un gueux et demanda ma punition,

sur le choix de laquelle M. le général, trompé, le laissa libre.

 

En arrivant à bord, il me fit appeler, et me dit :

« Voilà votre lettre ; vous allez voir ce qu'elle vous vaut ».

« Hé quoi I lui dis-je, monsieur, l'injustice triomphe toujours, vous avez trompé M. de Saint-R…..

Si je pouvais lui parler, il ne me serait pas difficile de lui faire connaître votre barbarie ».

 

Je ne pus en dire davantage, car on me fit saisir par plusieurs hommes, on me mit un bâillon,

et je fus amarré sur un canon, pour y recevoir cinq coups de martinet par homme.

Cette punition se fit dans les formes, et mon déshonneur (si c'en est un d'être injustement puni) fut complet.

 

On mit un pavillon rouge, symbole de l'opprobre, et on l'assura d'un coup de canon, au grand étonnement du général.

 

Avant d'être puni, je n'avais pas été dégradé, et, malgré ma demande, je ne pus débarquer ;

on me réservait à d'autres malheurs.

Je fus mis aux fers avec le bâillon que je gardai trois jours.

De retour à Pondichéry, le capitaine n'osa maltraiter personne ;

il se réservait pour un autre moment.

Le 2 avril, on partit pour Trinquinalé,

où nous allions faire de l'eau et du bois.

En route, l'ancien train recommença.

 

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Le 8, en dînant, le capitaine entendit prononcer sur le pont le mot de « marmotte ».

Sortant brusquement de la grande chambre, il dit au nommé Kérigny que,

s'il ne lui nommait pas la personne qui avait parlé, il allait le faire amarrer sur un canon !

Le malheureux n'ayant pu le dire , reçut cinq coups de martinet par homme !

 

Le capitaine paraissait fier de ses exploits.

« Vous avez beau faire, disait-il, je vous tiens !...

Que peut contre moi un polisson de matelot, un drôle, comme cet autre (en parlant de moi).

Je me moque de ce que vous pouvez dire et faire ! »

 

En arrivant au mouillage, Maléjacq, fumant sa pipe sur le gaillard d'avant eut le malheur de dire à voix basse

à des matelots, qui s'amusaient à rire, de travailler, de crainte que le capitaine ne les vit oisifs.

 

A l'instant, M. du Trévoux, montant sur le pont, le saisit au collet et lui dit :

« Je t'y prends, drôle, à donner de mauvais conseils...

Va aux fers, en attendant ta récompense » ;

le soir, avant d'affourcher, il le fit amarrer sur un canon en le traitant de « sujet abominable ».

 

Quand l'ouvrage fut fini, le canonnier Barthélémy, que le lieutenant avait chargé de veiller à la marque du câble, quand elle passerait, prit une marque pour l'autre.

Le capitaine, instruit de sa méprise, le fit passer derrière, et lui dit :

« Vous voulez donc toujours avoir de l'esprit. Je vois vous en faire donner sur le canon »...

En effet, sans qu'on lui eût permis de s'expliquer,

chaque homme lui donna cinq coups de martinet,

appliqués de toutes les forces.

Toute la rade retentissait de ses cris.

Après cette expédition,

M. du Trévoux l'envoya aux fers en lui disant :

« Allez-vous-en trouver votre camarade Debret (c'était moi) ;

je rendrai bon compte de vous, en arrivant à Brest. »

 

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Depuis ce moment, il fut défendu à nos camarades de nous parler et de nous envoyer à manger.

Le coq en était chargé.

Le pauvre Malléjacq était obligé de commander l'ouvrage aux matelots, à qui on avait défendu de l'appeler maître.

 

Le 23, le capitaine d'un autre navire vint dîner à bord.

Après son départ, M. du Trévoux fit passer tout le monde derrière, et dit au maître :

« Allons, horrible sujet, fais-toi amarrer sur le canon, où d'autres vont aller après toi.»

 

Ce malheureux fut éreinté ;

ensuite on amarra un nommé Marchand, qui eut le malheur de dire, pendant qu'on le martyrisait :

« Ah! Seigneur, mon Dieu, vengeance... »

 

« Allons, équipage, recommencez...», dit M. du Trévoux ; et on recommença.

 

Un nommé Martin fut aussi battu.

 

Ces trois misérables furent si maltraités que, pendant deux ou trois jours, aucun d’eux ne pouvait se remuer ;

ils étaient obligés de se coucher sur le ventre.

Venant ensuite nous trouver aux fers, notre bourreau nous dit :

« N'allez pas vous imaginer être quittes des coups,

parce que vous êtes là.

Un seul mot vous fera mourir sur le canon.

Je punirai jusqu'au soupçon !»

 

Pour faire croire qu'on en voulait à sa vie,

M. du Trévoux avait fait armer la grand' chambre
de quatre haches d'armes pour sa défense et celle des officiers,

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qui étaient fort tranquilles sur le compte de l'équipage, dont il est rare de trouver le pareil, pour la douceur et le travail.

Depuis ce moment, nous eûmes un peu de repos.

 

De retour à Pondichéry, on ne punissait plus, à cela près que le capitaine faisait donner à tous, de temps en temps, quelques coups de corde, qui n'étaient rien en comparaison du canon.

 

Le jour de la Fête-Dieu arriva.

Le soir, le capitaine, revenant de la ville, me fit sortir des fers avec Barthélémy.

J'avais alors 65 jours de détention.

Nous ayant fait passer derrière, Il nous dit :

« Je vous rends la liberté, quoique vous ne la méritiez pas ;

vous êtes les deux plus abominables sujets du bord ;

rentrez à votre service, et faites-le sans parler,

à moins que vous ne vouliez que je vous fasse passer vingt-quatre fois l'équipage sur le corps...

Ne parlez pas, même pour le besoin.»

 

Nous fûmes remplacés aux fers par le premier pilote.

Le capitaine alla ensuite demeurer à terre, où II resta près de deux mois sans venir à bord.

La gaité revint un peu, mais l'idée de retourner en France, avec lui, modérait la joie qu'on avait de le voir absent.

 

Dans cet intervalle, il nous déserta le 2e pilote, qui craignait d'aller aussi sur le canon.

Le 14 Juillet, le capitaine revint à bord, où le silence régna de nouveau.

Le 21, au soir, il me défendit encore de parler, ainsi qu'à Barthélémy et Douet, canonniers.

MM. les officiers eurent ordre d'y veiller.

 

Désespérés d'un pareil ordre, et prévoyant bien ce qui arriverait, étant à la voile, nous résolûmes, entre nous trois,

de lui demander notre débarquement ou justice.

Je lui portai la parole le 22 au matin,

comme il s'embarquait pour aller à terre ;

rentrant alors à bord, il m'ordonna de me rendre aux fers...

Je fis quelque résistance, parce que je voulais m’expliquer,

mais voyant qu'il me portait un coup de sabre sur la tête,

je me jetai dans la cale, où je fus mis aux fers par les deux pieds, attaché par le col, les mains liées derrière le dos.

 

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Mes deux camarades, lui ayant représenté que je n'étais pas plus coupable qu'eux, vinrent me faire compagnie,

pris seulement par les pieds et le col.

Nous crûmes que notre homme allait en rendre compte au général

(qui n'eut pas manqué d'examiner l'affaire, car il avait déjà entendu dire bien des choses), mais il s'en garda bien.

 

Quand fut fixé le moment du départ, deux hommes désertèrent à la nage, dans la crainte d'aller sur le canon.

 

Le 22, au matin, on mit à la voile.

Le capitaine fit sortir le pilote des fers et lui dit :

« Vous savez que vous êtes le dernier matelot du bord ;

faites en le métier sans rien dire et prenez garde à votre dos... »

 

On vint ensuite me tirer des fers.

Quand je parus, M. du Trévoux, d'un air à faire croire qu'il me voulait du bien, eut la bonté de me dire :

« Vous avez donc toujours de la tête ?

Toujours des complots, dont vous êtes le chef.

Vous voulez, donc mourir sur le canon ?

Allons, allez-vous y faire amarrer. »

 

Je lui répondis :

« Eh ! Quoi, monsieur, vous ne me gardez, donc à votre bord que pour vous donner le plaisir de me martyriser ;

est-ce comploter que de demander raison des mauvais traitements que vous exercez contre nous ?

L'honneur des hommes n'est donc rien à vos yeux? »

 

« Taisez-vous, me répondit-il, l'honneur est-il fait pour vous ? »

Comme je voulais persister, on me mit un mouchoir à la bouche,

et je reçus cinq coups par homme, sur le canon,

avec l'infernal martinet ;

mes deux camarades sortirent ensuite l'un après l'autre des fers

et reçurent aussi chacun trois coups par homme.

 

L'expédition finie, nous retournâmes à l'ouvrage,

et il me fut défendu de parler à qui que ce fût,

sous peine d'être éreinté par tout l'équipage.

 

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M. du Trévoux nous laissa assez tranquilles jusqu'au 12 août.

Ce jour-là, il fit sonner la cloche à midi et demi.

C’était pour faire amarrer sur le canon le nommé Martin, il dit au premier matelot qui monta sur le pont:

« Tu le seras aussi, toi.»

 

Malléjacq se disposait à les amarrer, quand tout à coup le capitaine lui dit :

« Allons, gueux, commence par te faire rosser toi-même.»

 

Ce qui fut exécuté sur le champ.

Un pauvre diable, nommé Choisy, s'avisa de ne pas toucher assez fort, au gré du tyran.

Il fut mis sur un autre canon, où à chaque coup de martinet il criait :

« Pardon, mon capitaine, une autre fois je toucherai plus fort »

 

« Ah ! Drôle, ce n'est pas seulement pour n'avoir pas touché, c'est pour ta conduite.

Ce ne sont pas les paroles seules que je punis ; mais c'est encore l'intention.

Je défends à qui que ce soit de parler. »

 

Ce fut la dernière injustice avant d'arriver à l'Ile de France, où nous mouillâmes le 18.

À peine étions-nous arrivés qu'on mit aux fers l'ancien pilote et le maître d'équipage.

On nous envoya un autre maître d'équipage, avec trois officiers mariniers et trois matelots.

Pendant le mouillage, il était défendu de laisser monter personne à bord.

Il était aussi défendu de parler, même pour le travail du gréement.

M. de Villaron, un des officiers, sous-lieutenant de vaisseau,

passa à bord de la Calipso, et fut remplacé par

M. Le Chevallier de Porzenparc, qui devint un nouveau témoin

des atrocités de M. du Trévoux.

 

Pour sa première garde, il eut le déplaisir de conduire lui-même

à l'amiral les matelots Barbançon, Kérigny, Lequesne et Choisy ;

ces deux derniers reçurent auparavant chacun

cinquante coups de martinet.

On n'a jamais pu en deviner la cause.

 

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Un jour, M. de Moguat, notre lieutenant, venant de voir le capitaine à terre,

nous dit en montant à bord que le premier qui ouvrirait la bouche serait amarré sur un canon.

Vaines menaces, qu'il ne faisait que par la crainte qu'il avait lui-même du capitaine.

 

Le 28, enfin, tout étant prêt pour le départ, on se disposa à partir dans l’après-midi.

 

Le matin, déserta à la nage un matelot, qui se voyant joint par des nègres,

les mit en fuite en se servant de son couteau pour se défendre.

 

Le sieur Menât, qui avait quitté la frégate l'Astrée, pour venir à notre bord comme premier pilote,

craignant d'être maltraité comme les autres, resta à terre avec le timonier Le Naour.

L'ancien maître d'équipage Malléjacq et le pilote Mariol, furent débarqués pour passer,

l'un sur la Résolution, l'autre sur la Vénus.

Leurs peines étaient finies ; nous étions destinés à voir augmenter les nôtres.

La tranquillité régna à bord pendant quelques jours ;

les nouveaux venus commençaient à douter de ce qu'on disait

à l'Ile de France de M. du Trévoux,

mais il ne tarda pas à leur donner des preuves de sa cruauté.

 

Le 10 septembre, le vent s’étant levé et la mer étant devenue mauvaise, on envoya serrer les voiles à 10 heures du soir.

Le pauvre Kérigny, en descendant, fut attaché sur un canon :

« Tu veux donc toujours parler, lui dit le capitaine ;

eh bien ! C'est là que je veux te faire mourir… »

 

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Puis à un quatrième maître, nommé Simon, nouveau venu parmi nous :

« Vous prenez les principes des autres, de ce coquin-là ;

prenez garde à votre dos, et commencez par lui appliquer, vous-même, cinquante coups de martinet » ;

ce qu'il fut exécuté sur-le-champ.

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Après avoir reproduit quelques pages du mémoire écrit par une des victimes du barbare capitaine,

nous croyons inutile de pousser plus loin nos citations.

La hideuse histoire est des plus monotones ;

et le lecteur voit les mêmes horreurs se renouveler tous les jours :

M. Du Trévoux n'avait pas cet esprit inventif qu'on a rencontré chez d'autres bourreaux

et ne savait guère varier ses plaisirs.

Ses seuls divertissements étaient de faire amarrer les matelots sur un canon pour y être déchirés de coups

ou de leur faire donner la cale.

 

Ce dernier supplice consistait à attacher le patient à une sorte de trapèze mobile suspendu à une vergue.

La corde qui soutenait ce trapèze glissait sur une poulie, ce qui permettait de hisser le malheureux

au haut de la vergue pour le précipiter ensuite dans la mer ;

puis on le faisait remonter, à moitié étouffé, pour l'immerger de nouveau à plusieurs reprises.

 

Que fallait-il pour encourir de tels châtiments ?

On y était soumis pour une faute insignifiante, pour un mot prononcé trop haut, un trop bas, pour un sourire,

et plus souvent encore sans autre cause que le caprice du capitaine.

 

Le témoignage des officiers du bord confirme absolument les faits que nous avons rapportés.

 

Le furieux à qui était confié le commandement du Papillon croyait ou feignait de croire qu'on conspirait à bord,

et pour réprimer des complots imaginaires, il faisait rouer de coups les malheureux que désignaient ses lubies.

 

Ces horreurs se continuèrent tant que le misérable du Trévoux commanda l'aviso le Papillon,

c'est à-dire du 20 Juin 1787 jusqu'au 22 novembre 1788.

 

Mais ce qu'il y a de plus révoltant dans cette affaire, c'est que les pauvres martyrs, une fois débarqués,

ne purent obtenir justice.

Le scélérat qui avait pris plaisir à les tourmenter appartenait à la noblesse, il était « homme de qualité.»

 

À ce titre, Il était assuré de l'impunité, n'ayant malmené que des « manants ».

On ne pouvait cependant le maintenir dans son commandement.

On résolut de le faire passer pour fou et de le mettre à la retraite.

Voici quelques passages d'une lettre adressée le 8 décembre 1788

par le ministre de la marine, La Luzerne, à M. d'Hector,

lieutenant général des armées navales,

commandant la marine au port et département de Brest.

 

Recevez M. le comte, mes remerciements des deux lettres particulières que vous m'avez écrites sur l'affaire très singulière

et très délicate du Papillon ;

elles n'ont été ouvertes que par moi.

 

Je ne vous cache pas cependant que j'en ai parlé au Roi ;

il a voulu les lire et y a trouvé une nouvelle preuve de votre zèle

pour son service et de votre sagacité.
 

Comte Charles Jean d'Hector de la Cheffr

Comte Charles Jean d'Hector de la Cheffretière

Le parti que vous proposez est le seul qu'il convient de prendre.

L'intérêt de maintenir la subordination et le soupçon de démence sur un point

(malheur trop connu parmi les humains) ne permettent pas qu'on suive cette affaire

et qu'on se mette dans le cas de prononcer une peine très sévère contre M. du Trévoux.

 

L'intention de Sa Majesté est néanmoins que vous mandiez cet officier, qu'il reçoive de vous une forte réprimande, mais qu'elle soit secrète et que vous lui fassiez sentir, s'il est possible, à quel point sa conduite mérite animadversion.

Vous me demandez ensuite, pour lui, un congé, et lui permettez de partir, même avant ma réponse :

il faut l'engager à s'éloigner promptement du port.

 

La conduite des officiers qui lui étaient subordonnés, et celle de tout l'équipage, sont exemplaires et dignes d'éloges : on ne peut le leur témoigner ouvertement ;

mais exposez-moi ce que vous pensez vous-même sur les individus les plus méritants.

Il sera juste de chercher dans la suite, les moyens de les indemniser...

 

Mais nous arrivons à la grande Révolution.

L'égalité et la justice remplacent le privilège et l'arbitraire.

Du Trévoux va rendre compte de son odieuse conduite.

Il est condamné à 20 ans de réclusion.

Incarcéré d'abord à Lamballe,

il dut être transféré au château du Taureau.

 

Forteresse Taureau.jpg

La lettre suivante des officiers municipaux de Lamballe montre quelles précautions exigeait ce transfert.

 

Lamballe, 3 novembre 1792, l'an 1er de la République française,

 

Citoyens.

L'administration du département des Côtes-du-Nord ayant autorisé la municipalité de Lamballe à déférer

à la réquisition de l'administration du Finistère en date du 10 Octobre dernier, relative au sieur Dutrévoux,

le Conseil général de la Commune nous a chargé de nous concerter avec vous sans délai,

sur les moyens de transférer incessamment ce particulier au château du Taureau.

Vous avez sans doute reçu l'arrêté du Département du Finistère, dont nous venons de vous parler.

Nous vous invitons, en conséquence, à nous envoyer le plus tôt possible des gendarmes nationaux, en nombre suffisant,

pour que la mesure dont il est question puisse s'effectuer sans inconvénient.

Il sera nécessaire que ces gendarmes soient munis d'une réquisition de votre part.

Nous leur remettrons Dutrévoux dès qu'ils nous l'auront présenté, et ils nous remettront, soit en votre nom,

soit en leur particulier, une bonne et entière décharge de sa personne.

Vous n'ignorez pas que la conduite passée du sieur Dutrévoux a excité contre lui une indignation si universelle,

qu'il y aurait fort à craindre pour sa vie, si l'on ne prenait des précautions.

 

Les citoyens administrateurs du district de Morlaix, à cet égard, craignaient que le peuple ne prévint la vengeance des lois

et ne l'immolât à son ressentiment.

Cette considération devra influer sur votre détermination, relativement à la fixation de l'instant de l'arrivée

et du départ du prisonnier, ainsi que celui du nombre d'hommes dont il devra être accompagné.

La garde devra être assez nombreuse, pour que le prisonnier ne puisse lui être enlevé,

sa détention intéresse essentiellement la tranquillité publique ;

mais d'un autre côté, vous aurez à considérer que trop d'éclat compromettrait peut-être la sûreté du dépôt

qui vous sera confié.

 

Il est instant que vous preniez un parti, la garde du sieur Dutrévoux est extrêmement onéreuse à notre commune ;

et malgré toutes nos précautions, il y a ici infiniment plus de motifs de craindre son évasion

que lorsqu'il sera dans la citadelle indiquée par votre département.

 

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Du Trévoux fut transféré dans la forteresse du Taureau, d'où il parvint à s’évader.

Les documents incomplets que nous possédons nous laissent dans l'ignorance sur la fin de ce personnage.

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