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1882 - L'affaire Le Carboullec de Brest

Source : Le Finistère août 1882

 

1882 – L’affaire Le Carboullec

 

Conseil de guerre du samedi 12 août 1882

 

Affaire du nommé Le Carboullec, François Marie, musicien aux équipages de la flotte, à la division, de Brest, prévenu de double tentative d'homicide volontaire.

 

Nous renonçons à décrire l'impatience qui agitait la foule qui stationnait aux abords de la salle d'audience.

 

Nous remarquons, sans étonnement du reste, un assez grand nombre de femmes et de jeunes filles,

venues sans doute à la recherche d'émotions, mais plutôt attirées par une curiosité qu'on peut facilement expliquer, curiosité alimentée encore par les détails intimes et scabreux que semblait promettre ce procès.

 

Ordre d'informer de M. le Vice-Amiral, Commandant en Chef, Préfet Maritime, en date du 3 juillet 1882.

 

À l'intérieur de la salle, des places étaient réservées aux officiers en uniforme ainsi qu'aux membres du barreau.

 

À midi, l'audience est ouverte sous la présidence de M. Bienvenue, capitaine de frégate.

M. Gouye, commissaire du Gouvernement occupe le siège du ministère public.

Maître G. Lachaud est assis au banc de la défense.

​

On introduit l'accusé :

son attitude est très simple, très-modeste.

 

Quels sont les faits qui l'amènent devant ses juges ?

 

Tout le monde les connaît,

tout au moins tout le monde en parle ;

peut-être dès lors ne serait-il point nécessaire

de le relater ici in extenso ;

cependant, plusieurs versions ayant été produites,

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et divers racontars s'y étant glissés, nous pensons ne pouvoir mieux faire que de donner ici

le texte même du rapport tenant lieu d’acte d’accusation.

 

Voici les termes mêmes dans lesquels il est conçu :

​

Affaire du nommé Le Carboullec, François Marie, musicien aux équipages de la flotte, à la division, de Brest,

prévenu de double tentative d'homicide volontaire.

 

Le débit de tabac situé rue de Siam, n° 84, tenu par Le Carboullec et sa femme,

est séparé en deux parties principales, par une cloison percée de deux ouvertures ;

une de ces ouvertures donne accès dans une sorte de couloir,

où il y a une vitrine et qu'une porte fait communiquer avec la cuisine.

 

La deuxième ouverture se trouve derrière le comptoir qui est appliqué contre la cloison,

correspond aussi à la cuisine, et ne se ferme que par un simple rideau.

 

Une personne assise au comptoir se trouve donc voir dans le magasin,

tout en ayant le dos dans cette même cuisine.

 

Un escalier conduit de cette pièce à la chambre à coucher située à l'entresol.

 

Le samedi 1er juillet, Le Carboullec revenant de son service à la division, vers deux heures ½ de l'après-midi,

trouva sa femme fort rouge et lui en fit l'observation, puis pris d'un soupçon,

il monte  dans sa chambre et remarque qu'un préservatif d'importation anglaise,

dont il avait l'habitude de se servir dans ses relations avec sa femme, avait été dérangé.

 

Il crut s'apercevoir qu'il venait de servir.

 

Il le prit descendit aussi, tôt dans la cuisine et le montrant à sa femme, alors assise au comptoir, il lui dit :

Tiens, tu vois que tu me trompes, voilà la preuve de ton adultère, avoue-le, tu ne peux plus le nier ; 

il la frappa alors violemment.

 

Il s'interrompit pour servir quelques personnes, puis il alla chercher dans sa chambre

et mettre dans sa poche un revolver à six coups qu'il tenait chargé depuis longtemps.

​

Quelles sont les paroles qui ont été prononcées

entre le mari et la femme ?

 

Nous sommes en présence de deux versions contradictoires.

 

Le Carboullec prétend qu'au reproche d'adultère

sa femme lui aurait dit :

Eh bien ! oui, tue-moi et ce sera fini alors,

et qu'il aurait répondu :

Je veux tuer l'homme aussi.

​

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La femme Le Carboullec prétend n'avoir rien répondu et que son mari a dit seulement :

Je vais chercher la preuve.

 

Quoi qu'il en soit, Le Carboullec sortit et alla trouver le sieur Le Roux, maître menuisier, rue Jean-Jacques Rousseau, un de ses amis, qu'il soupçonnait d'être l'amant de sa femme et lui dit de venir chez lui q

u'il avait une explication à lui demander.

 

Le Roux suivit sans défiance.

 

Le Carboullec le fit entrer dans la cuisine, où se trouvait sa femme qui se retira du comptoir,

puis, appuyé contre la porte de la cuisine qu'il avait fermée,

il prit son revolver, le braqua sur eux et s'adressant à Le Roux :

Tu es adultère et toi aussi, dit-il en désignant sa femme.

 

Avouez, j'ai la preuve.

 

Et en même temps il pressa la détente.

 

Le Roux, atteint en pleine poitrine, tomba.

 

Le Carboullec déchargea alors plusieurs coups sur sa femme.

 

Le Roux, se relevant, se sauva en sautant sur le comptoir par l'ouverture alors libre,

il fut atteint à ce moment par une balle à son adresse qui le blessa au côté droit et enfin,

au moment où il était dans la rue, au milieu de plusieurs personnes attirées par les détonations,

il lui fut tiré un troisième coup qui n'atteignit heureusement personne.

 

Le Carboullec monta dans sa chambre, y déposa son revolver et alla se constituer prisonnier

en racontant ce qui venait de se passer.

 

Pour connaître les motifs qui ont amené Le Carboullec à commettre cet acte de violence,

il faut remonter à environ deux ans et entrer dans les détails du ménage absolument intimes qui en sont la base.

​

Le Carboullec est marié depuis six ans,

ayant eu successivement trois enfants,

il trouvait sa famille suffisante et prenait,

dans les relations qu'il avait avec sa femme,

certaines précautions pour ne pas l'accroitre.

 

Il se servait d’un préservatif d'importation anglaise,

mais pas toujours.

 

A la fin de 1880, sa femme devint enceinte :

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convaincu que les précautions prises par lui étaient suffisantes,

Le Carboullec en conclut que l'enfant n'était pas de lui et que sa femme le trompait.

 

Nous devons faire remarquer, incidemment que le prévenu a inscrit certaines dates intimes sur un carnet

qui se trouve parmi les pièces à conviction (ici des détails que nous préférons passer sous silence).

 

L'enfant est né le 23 août 1881, c'est à-dire dans une limite normale après ses dates, telles que légalement,

il ne pourrait en contester la paternité.

 

Mais ce devint une idée fixe chez lui, il se mit dès ce moment à épier sa femme pour chercher à la prendre en faute.

 

Son caractère devint sombre, il était jaloux.

 

Ses soupçons se portèrent sur son ami Le Roux qui venait assez fréquemment le voir,

mais jamais il n'en fit part à personne.

 

Il a dit souvent et à plusieurs personnes que cet enfant n'était pas de lui,

mais sans indiquer sur qui se portaient ses soupçons.

 

En décembre 1881, Le Carboullec poursuivant ses idées de vengeances, acheta un revolver et des cartouches,

bien décidé à s'en servir s'il pouvait surprendre sa femme en flagrant délit d'adultère.

 

Dans ces derniers moments, tout était prétexte à sa jalousie,

et la bonne harmonie ne régnait pas dans le ménage quoique rien n'en transpirât dans le public.

 

Quinze jours avant les faits qui lui sont reprochés, il avait nous a-t-il dit, placé dans une boîte à poudre de riz

et d'une certaine façon, le préservatif en question, chaque jour il s'assurait qu'on n'y avait pas touché.

 

Le samedi 1er juillet, ne le trouvant plus à la même place, son imagination, fortement surexcitée,

lui a fait croire à un fait qui ne nous paraît du reste, nullement prouvé.

 

(Ici un détail que nous devons couper.)

 

Madame Le Carboullec proteste de sa fidélité à ses devoirs conjugaux, et le commissaire de police,

en saisissant cet engin peu d'instant après la scène, a constaté qu'il ne présentait rien de particulier,

 

Toutes les personnes que nous avons entendues sont unanimes à témoigner en faveur du ménage Le Carboullec : on le considérait comme ami.

 

Aucun soupçon ne s'est élevé contre la conduite de la femme ;

quant à Le Carboullec, c'est un serviteur exemplaire, sans punition depuis 21 ans qu'il est au service,

aimé et estimé de tous les gens qui le connaissent.

 

Cet homme a agi sous l'empire d'un sentiment violent d'autant plus exagéré

qu'il le renfermait en lui-même depuis longtemps.

 

Tous ses soupçons ne reposent que sur une succession d'impressions intimes,

qui sont insuffisantes pour nous permettre d'en apprécier la légitimité.

​

En résumé.

​

Le Carboullec a grièvement blessé deux personnes à coups

de revolver, et si les blessures faites dans ces conditions

n'ont pas entraîné la mort, c'est par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

 

L'achat du revolver, ce but avoué dans lequel il a été fait, l'intervalle de temps qui s'est écoulé entre sa sortie

pour aller chercher Le Roux et son retour à son domicile, 

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intervalle d'environ 20 minutes, qui aurait dû amener la réflexion, tous ces faits indiquent, la préméditation.

 

La femme a reçu deux balles, l'une à la main droite, l'autre au côté droit, qui a occasionné une plaie pénétrante, blessures graves, sur les conséquences desquelles les médecins experts délégués par nous

ne peuvent encore se prononcer.

 

Le sieur Le Roux a reçu une balle au côté droit, qui a occasionné une blessure sans gravité,

et une au creux épigastrique, qui a produit une plaie pénétrante, et pour les suites de laquelle les médecins

se montrent forts réservés.

 

Après le premier coup tiré, Le Carboullec nous a dit avoir perdu la notion de ce qui s'était passé ensuite.

 

En remontant dans sa chambre pour déposer son arme, il a, paraît-il dirigé son révolver contre lui,

mais sans effet, puisque les six coups avaient été tirés, et c'est comme cela qu'il s'en est aperçu.

 

En rentrant, accompagné du commissaire de police, il a essayé d'introduire une cartouche dans l'intention

de s'en servir contre lui, nous a-t-il dit, mais il en a été empêché.

 

Nous émettons par suite de tons ces faits, l'avis qu'il existe contre le sieur Le Carboullec,

surqualifié, des charges suffisantes pour qu'il soit traduit devant le 1er conseil de guerre maritime permanent,

sous la prévention :

​

1° D'avoir le 1er juillet 1882, en son domicile à Brest, commis volontairement et avec préméditation,

une tentative d'homicide sur la personne de Marie-Louise Le Goas, sa femme légitime,

laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution,

a manqué son effet seulement par des circonstances indépendantes de la volonté audit sieur Le Carboullec.

 

2° D’avoir le même jour, au même endroit, commis volontairement et avec préméditation,

une tentative d'homicide sur la personne de Paul-Jean-Marie Le Roux,

laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution,

a manqué son effet seulement par des circonstances indépendantes de la volonté dudit Le Carboullec.

 

Crimes prévus et punis par les articles 295, 896, 297, 302 et 2 du code pénal applicables en l’espèce,

en vertu de l'article 364 du code de de justice maritime.

 

Fait à Brest, le 22 juillet 1882

Signé Villaume

 

On procède ensuite à l’interrogatoire de l'accusé.

​

À toutes les questions qui lui sont posées Le Carboullec répond sans hésitation, il se défend avec énergie,

mais avec modération dans les termes ;

il donne des détails sur l’intérieur de son ménage,

il raconte ses premières impressions douloureuses

qu’il a ressenties quand les suspicions sur l'infidélité de sa femme viennent à naître dans son esprit,

il expose les procédés dont il s'est servi

pour avoir une certitude complète ;

​

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la manière dont il avait placé l’objet d’importation anglaise, dans une boîte de poudre de riz

et celle dans laquelle il l'a ensuite retrouvé ;

même on lui remet entre les mains la production en question ;

il veut essayer une démonstration mimique ayant pour but d’établir que l'objet avait été dérangé en son absence

et qu'on s'en était servi.

 

Du reste, on comprend aisément que M. le Président l'ait arrêté en cette voie,

toute explication nouvelle dans cet ordre d'idées étant parfaitement inutiles à cet égard.

 

L'inculpé fait également état du carnet qu'on a trouvé en sa possession,

sur lequel il tenait une véritable comptabilité conjugale.

 

En se reportant à certaines dates qu'il y a inscrites,

tout prouve matériellement qu'il ne peut être le père de son dernier enfant.

 

Viennent ensuite les dépositions des témoins.

 

Les docteurs Fournier, Cras et Féris expliquent au conseil le résultat de leurs observations ;

ils donnent des détails sur les blessures occasionnées par les balles,

retracent la direction suivie par les divers projectiles et formulent leur avis sur l'état actuel des victimes.

 

Quand la femme Le Carboullec est appelée à déposer, une vive impression se produit dans l'auditoire.

 

Le témoin s'avance à pas lents ;

semble encore très souffrant et sa voix et si faible, qu'on peut à peine distinguer le sens de ses paroles.

 

Elle raconte la scène du crime, mais n'ajoute aucun détail qui ne soit connu déjà ;

elle affirme que ses relations avec Leroux étaient très froides, que ce dernier venait rarement chez elle,

et qu'il n'y restait jamais que fort peu d'instants.

 

On entend ensuite le témoin Leroux.

 

C'était un ami d'enfance à Le Carboullec ;

il proteste avec énergie contre les soupçons qu'on fait peser sur lui ;

il affirme qu'il n'a jamais eu de relations avec la femme Le Carboullec, et qu'il n'a point été le confident du mari ;

il termine en exposant au conseil dans quelles conditions il se trouvait au moment du drame du 1er juillet,

quand il reçu les coups de feu.

​

On procède ensuite à l’audition de quelques témoins,

ceux-ci moins importants ;

nous ne remarquons rien de saillant dans leur déposition.

 

La liste des témoins épuisée,

M. le commissaire du gouvernement prend la parole.

 

Exposant les faits d'une manière liés simple et très précise,

il s'attache surtout à démontrer qu'il y a eu préméditation ;

il relève dans le débat des matérialités indiscutables ;

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conclut à une culpabilité bien établie et demande contre l'accusé l'application des articles 295, 296, 302

du code de justice maritime, tout en admettant le bénéfice des circonstances atténuantes.

 

Maître Lachaud se lève ensuite :

C'est au milieu du plus profond silence que l'éminent avocat, d'assises commence sa plaidoirie,

dans laquelle il remercie le commissaire du gouvernement de l'indulgence bienveillante qu'il a apportée

dans son réquisitoire ; mais il ira plus loin que les circonstances atténuantes ;

il demandera l'acquittement.

 

Tout d'abord il place son client sous le patronage de ses excellents états de services, qui durent depuis 21 ans déjà ; il démontre ce qu'il a été comme soldat, respectueux de ses devoirs auxquels il n'a jamais failli ;

et comme homme à l'abri de tout reproche et jouissant de l'estime et de la considération publique.

 

Après cet exorde, entrant dans le vif de son sujet, et saisissant corps-à-corps les faits de l'accusation,

après avoir rapidement esquissé la physionomie des personnes qui ont joué leur rôle dans le drame,

il arrive à la scène du crime.

 

Il l'explique, en démontrant au conseil combien cruelles ont dû être les souffrances de Le Carboullec,

combien pénibles ont été ses tortures, au fur et à mesure qu'il constatait ou croyait du moins constater

les brèches faits à son honneur.

 

Il a été un héros de patience, mais à la fin cette patience s'est lassée et quand la goutte d'eau

qui a fait déborder le verre est venue à tomber, alors sa fureur n'a plus connu de borne.

 

Quand il a cru qu'il était en présence d'un fait matériel, lui démontrant sans réplique qu'il était trompé,

qu'on faisait fi de son honneur, il est devenu fou : il a voulu se venger.

 

Mais dès ce moment aussi, sa responsabilité morale lui a fait défaut.

 

La colère l'aveuglait et si sa main est devenue criminelle, la raison ne pouvait l'être, car la raison n'existait plus.

 

C'est donc sous l'empire d'une surexcitation profonde qu'il a agi ;

il n'était plus maître de lui, et ne peut être responsable.

​

L'honorable défenseur ajoute qu'il faut d'ailleurs distinguer deux espèces de crime :

le crime de cupidité, le crime de passion ;

aux premiers doivent être réservées les sévérités de la loi,

aux seconds, il faut tenir compte de la passion généreuse

qui les empire.

 

L'amour, la jalousie les fait naître, l'amour,

la jalousie doit aussi les excuser.

​

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Maître Lachaud développe ce point qui constitue sa péroraison, et demande l'acquittement de Le Carboullec.

 

Le conseil entre dans la salle de ses délibérations.

 

Il revient en séance et M. le président prononce le jugement.

 

Quatre questions étaient posées au Conseil.

 

1re Question.

Le Carboullec est-il coupable d'avoir, le 1er juillet à Brest, tenté de commettre un homicide volontaire

sur la personne de Marie Louise Le Goas, sa femme, tentative manifestée par un commencement d’exécution

et n’ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur?

 

2e Question. Circonstance.

Cette tentative d’homicide a-t-elle été accompagnée de préméditation?

 

3e Question.

Le Carboullec est-il coupable d'avoir, le 1er juillet à Brest, tenté de commettre un homicide volontaire

sur la personne du nommé Leroux, tentative manifestée par un commencement d’exécution

et n’ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur?

 

4e Question

Cette tentative d’homicide a-t-elle été accompagnée de préméditation?

 

Le conseil a répondu :

Sur la première question, OUI, à la majorité de 6 voix contre 1.

Sur la deuxième, NON, à la majorité de 5 voix contre 2.

Sur-la troisième, OUI, à la majorité de 5 voix contre 2.

Sur la 4e NON, à la majorité de 5 voix contre 2.

 

À la majorité, il y a des circonstances atténuantes en faveur de Le Carboullec.

 

En conséquence, le conseil condamne Le Carboullec à l’unanimité à 5 ans de réclusion et à la dégradation militaire,

et en outre aux dépens du procès. (Minimum de la peine)

 

Ordonne que le jugement sera lu sans désemparer au condamné par M. le Greffier,

en présence de M. le Commissaire du Gouvernement devant la garde assemblée sous les armes.

 

Ordonne que le jugement sera lu sans désemparer au condamné par M. le Greffier,

en présence de M. le Commissaire du Gouvernement devant la garde assemblée sous les armes.

 

Ce drame a eu une fin tragique ;

Le Carboullec, accablé par la condamnation prononcée contre lui,

voulut échapper à la honte de la dégradation militaire ;

il résolut donc d'en finir une bonne fois avec l'existence.

 

Samedi, vers dix heures du soir, à sa prison, alors qu’il croyait ses codétenus endormis,

il entendit les pas d’un homme qui se levait :

Vous ne dormez donc pas vous autres, dit-il !

Plus tard, vers 11 heures, un autre détenu éprouvant également le besoin de se déranger, se leva et remarqua que Le Carboullec avait la tête en ballant ;

il en fit la remarque tout haut, le tâta comme pour l'engager à se relever,

et ne le voyant faire aucun mouvement, regarda de plus près et s'aperçut qu'il ne donnait plus aucun signe de vie.

 

En effet, on constata que la mort remontait à quelques minutes déjà.

 

Que l'on juge du sang-froid et de l'énergie de cet homme qui, dans son intime conviction,

ne se sentait pas coupable et a préféré mourir plutôt que de subir une peine

qu'il ne reconnaissait pas avoir méritée.

 

Le Carboullec, sans sortir de son hamac, en a détaché un morceau de « hanet » dont il s'est fait un garrot ;

puis il a adapté une cheville aux extrémités réunies de la corde déjà passée autour de son cou,

et a tourné jusqu'à ce que les forces ne lui permissent d'aller plus loin.

 

Il n’a pas poussé un seul cri, personne de la chambrée n’a rien entendu, malgré les souffrances qu’il a dû endurer.

 

Cet acte d’énergie est d’un homme de cœur ;

mieux vaut mourir en effet que de vivre avec la perspective d’être peut-être repoussé un jour par ses enfants.

 

Le Carboullec, dans une lettre trouvée après sa mort, recommande à son frère deux de ses enfants

qu’il reconnaît comme siens, et fait exception pour le troisième.

​

© 2018 Patrick Milan. Créé avec Wix.com
 

Dernière mise à jour - Mars 2022
 

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