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Fenêtres sur le passé
1881
La chasse avant 1789
Source : Le Finistère août 1881
La Chasse avant 1789
Parmi les droits rendus à l'homme et au citoyen par la Révolution, il ne faut pas dédaigner le droit de chasse.
Chacun aujourd'hui peut se donner la plaisir de tirer le lièvre ou la perdrix, voire de courre le cerf ou le sanglier.
Mais autrefois cela était jeux de princes et de gentilshommes.
Le paysan, le roturier qui avait l'audace de poursuivre et de tuer sur son domaine, sur sa propriété, sur sa terre,
une bête quelconque, fût-ce un lapin, fût-ce un moineau, risquait l'amende, la prison, les galères ou la mort.
Et ce n'était point une menace vaine.
Les vieilles coutumes sont remplies de ces prescriptions sauvages.
La coutume du Beauvoisis disait textuellement :
« Ceux qui dérobent des lapins ou autres bêtes sauvages, s'ils sont pris de nuit, seront pendus,
et si c'est de jour, ils seront punis d'une amende d'argent. »
« Tuer un pluvier, dit la Bruyère-Champier, était un crime capital.
Par ordonnance prévôtale, la peine de mort fut prononcée
contre ceux qui tendraient des rets pour, y prendre des pigeons ».
Louis ХI le doux sire, estimait
« qu’il était plus rémissible de tuer un homme qu'un cerf ou un sanglier.»
L'ordonnance de 1588 reconnut aux nobles seuls
le droit de posséder des chiens et les manants furent contraints de poser
dans le château le plus voisin leurs arcs et arbalètes.
Les manants qui chassèrent aux grosses bêtes,
furent punis d’une amende de 250 livres pour la première fois
et de la confiscation de leurs engins ;
s’ils n’avaient pas de quoi payer l’amende,
ils étaient battus de verges et bannis à quinze lieues de là.
En cas de récidive, ils étaient passibles des galères et du dernier supplice.
Henry IV ne fut pas moins barbare.
M. Bonnemère (Histoire des paysans) ajoute que ce roi alla jusqu’à interdire aux paysans d’avoir des chiens à moins qu’ils ne les tinssent à l’attache ou qu’ils n’eussent une jambe rompue ;
ils ne purent mener aucuns mâtin dans les champs et les bergers, sous peine de fouet,
durent tenir perpétuellement leurs chiens en laisse, sauf le cas où la conduite
ou la défense du troupeau autorisait à les lâcher.
Et ces prescriptions atroces n’avaient d’autre motif que de faire respecter les plaisirs du roi.
François 1er dit très nettement : « qu’en prenant les bêtes rousses et noires, on commet un larcin,
en le frustrant du déduit et passetemps qu’il prend à la chasse. »
Ce plaisir royal coûtait cher à la nation.
Il n'y avait pas un morceau de terre à l'abri de l'invasion des chasseurs et des bêtes fauves.
Les domaines réservés à la chasse s'étendaient dans des proportions inouïes et par tous les moyens honnêtes ou non.
M. Bonnemère cite un Geoffroy Martel, seigneur de Saumur,
qui défendit de défricher, aux portes de la ville,
la forêt de Saint-Lamberd des Levées ;
un Guy de Laval et un André de Vitréqui,
séduits par les agréments des bois, le charme des sites
et le voisinage de la rivière,
évinçaient les possesseurs d'héritages et laissaient de tous côtés
les bois croitre à la place des cultures abandonnées.
Les capitaineries royales étaient devenues un tel fléau pour l'agriculture, que les cahiers de la noblesse, du clergé et du tiers état
se trouvent unanimes en 1789 pour en demander la suppression.
Les nobles de Melun disent énergiquement que la moitié de la Brie
est dévastée par les capitaineries de Fontainebleau et de Corbeil.
En effet, les règlements de chasse étaient tels,
que toute culture devenait réellement Impossible.
Il était défendu, à peine d'amende arbitraire et de confiscation de faucher ou arracher l'herbe avant la Saint-Jean
et même après, sans visite préalable si permission du garde du canton.
Il était défendu de couper et d'arracher les chaumes, afin de favoriser l’éclosion des perdrix et des cailles.
Il était défendu d'arracher les chardons et les mauvaises herbes dans les blés, de rôder dans les plaines
et bois des capitaineries royales hors des chemins, d'y entrer pour ramasser du bois sec, des champignons
ou toute autre chose, d'avoir des chiens à une lieue des capitaineries.
Il était défendu d'enclore aucun terrain de baie vive ou sèche, ou fossé, sans permission et sans laisser,
de cinquante en cinquante toises, des passages pleins de quatre pieds de largeur.
En un mot, pour assurer le plaisir du roi et de quelques nobles seigneurs,
le paysan devait littéralement se laisser dévorer par le gibier.
La casse seigneuriale entraînait de plus mille dommages indirects.
Les veneurs, fauconniers, valets de chiens et généralement
tous les gens de la suite du roi ou des seigneurs s’installaient
dans les villages et dans les fermes, chassaient les gens de leur logis et usaient des meubles et des provisions à leur discrétion et merci.
Dès que le signal du départ était donné, tout ce monde se précipitait à travers les champs, sans souci des semences ou des moissons.
Les gentilshommes et leurs valets, et leurs chiens, et leurs chevaux, allaient, venaient, passaient et repassaient à travers les près
et les vignes, ne laissant après eux que ruine et désolation.
Chasse au chevreuil
Alexandre François Desporte
Parfois on permettait aux paysans de chasser et même on le leur ordonnait, quand les bêtes fauves,
surtout les loups, étaient en trop grande quantité, que les villages en étaient comme assiégés
et que la famine devenait par trop menaçante.
Alors on faisait de grandes battues.
Mais comme s’il était dit que dans cet exécrable ancien régime, tout devait tourner à la misère des peuples,
ces grandes battues étaient ordonnées de préférence quand les paysans étaient occupés aux travaux de la terre
et ne pouvaient se déranger sans dommage, de sorte que le meurtre de bêtes malfaisantes devenait
pour les malheureux campagnards une corvée aussi pénible que dispendieuse.
Il n'en est plus de même aujourd'hui.
La chasse n'est plus le privilège de quelques-uns, mais le droit de tous ; libre à chacun de décrocher son fusil, de siffler son chien
et de courir allègrement la campagne.
Loin d'être encore aux paysans une cause de déboires et de misères,
la chasse devient une source de revenus pour les communes.
Le gibier se fait rare parfois et le chasseur se plaint,
mais la récolte est sûre et le laboureur se réjouit.
Les cultivateurs, aujourd'hui, peuvent faucher leurs prés,
arracher les herbes de leurs champs quand Ils veulent ;
mais il n'y a pas cent ans que cela leur était défendu.
Tout est si changé qu'on ne semble plus y songer
et qu'on croit que ce qui est actuellement a toujours été ainsi.
Mais il est bon, de temps à autre, de faire un petit retour d'esprit vers le passé et de rappeler le bon vieux temps,
ne fût-ce que pour donner la réplique aux impertinences des hobereaux et aux gouailleries des moines.