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Fenêtre sur le passé
1881
Fruits de la saison
Source : Le Finistère, juillet 1881
Fruits de la saison.
Dans la plupart des fruits que nous mangeons actuellement, les éléments vraiment nutritifs sont peu abondants.
Cependant, ces fruits sont, en général, faciles à digérer (surtout lorsqu'ils s'adressent à des estomacs robustes) et leurs propriétés, agréablement rafraîchissantes et désaltérantes, tempèrent heureusement pendant l'été, l'action irritante des viandes et des aliments ordinaires sur les organes digestifs en torpeur.
Les fruits qui ne sont pas bien mûrs contiennent une substance, connue des chimistes sous le nom de pectose,
et insoluble dans les liquides de l'économie : c'est à la pectose qu'est due en grande partie l’indigestibilité
des fruits verts.
Dans les fruits mûrs, la pectose se transforme en pectine, très analogue aux gommes
et au sucre, et dont la digestion s'opère très facilement.
Les cerises, originaires de l'Asie (comme le sont, d'ailleurs, presque tous les fruits),
et introduites, dit-on, en Europe, par le fameux Lucullus, appartiennent à un nombre
très considérable d'espèces botaniques.
La variété sauvage ou merise noire est spécialement cultivée, surtout dans l'Est
de la France, pour la fabrication du kirsch.
La plupart des autres espèces figurent sur nos tables au dessert.
À part certaines variétés très charnues et de lourde digestion, les cerises constituent le fruit de la saison
auquel l'hygiène alimentaire doit décerner la palme.
Cependant les estomacs très susceptibles feront bien de manger très peu la cerise aigre ;
quant aux individus sujets à des digestions laborieuses, ils redouteront surtout l'abus de la cerise douce.
Quant à l'habitude enfantine d'avaler les noyaux, elle est absolument déplorable, et fertile en accidents
parfois de la plus haute gravité.
Il n'est pas de saison où le médecin n'ait à soigner des cas de constipation opiniâtre, de plegmo-iliaque
et même d'étranglement intestinal dus à cette détestable pratique.
Nous lisions dernièrement encore la relation d'un cas d'asphyxie mortelle due à la pénétration d'un noyau de cerise dans les voies aériennes : des jeunes gens s'amusaient, à la fin d'un repas, à avaler les noyaux de leurs cerises ;
l'un d'eux riait pendant ce temps, et sa glotte était largement ouverte.
Le noyau pénétra dans la trachée et causa la mort.
Les abricots sont moins faciles à digérer que les fraises.
Cependant il est injuste de considérer ce fruit sucré et aromatique comme lourd et indigeste ; de même qu'il est faux de lui accorder les vertus dépuratives ou d’influence fiévreuse que le public lui décerne tour à tour si volontiers.
L'abricot ne mérite ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.
C'est un fruit agréable et sain lorsqu'il est mûr.
Quand il n'est pas mûr, il est très indigeste et dangereusement irritant, surtout pour les enfants.
Ses principes gommeux et mucilagineux et son parfum si délicat
le rendent très apte à la fabrication des confitures et des compotes, dont il fournit, pour ainsi dire, le type irréprochable.
La fraise, fruit acide et astringent, est d'une digestion
généralement pénible.
Aussi ne la mange-t-on pas «nature», mais mêlée à du vin,
du citron, du sucre.
Chez certaines personnes, elle provoque des accidents très analogues à ceux que cause parfois l'ingestion des moules, c'est-à-dire des vomissements, de la diarrhée et une éruption ortiée spéciale.
Les framboises présentent à peu près les propriétés hygiéniques
des fraises ; toutefois elles sont plus digestibles.
Les framboises et les fraises s'altèrent et moisissent très facilement : aussi doit-on s'appliquer à les avoir fraîchement cueillies, pour éviter les accidents gastro-intestinaux.
Nous en dirons autant des groseilles, cet aliment acide si aimé des estomacs capricieux : leur variété rouge, très riche en acides citrique
et malique, fermente avec la plus grande facilité et devient
aussi très Irritante.
Le melon est un fruit délicieux, d'une odeur aromatique et suave, analogue à celle du chloral, d'une saveur éminemment fraîche, sucrée et agréable.
Nul fruit ne calme mieux les ardeurs de cette soif estivale qui précède le repas et qui éteint chez certaines personnes toute velléité d'appétit.
Nul par conséquent n'est plus hygiénique, puisqu'il ranime puissamment les fonctions digestives et qu'il empêche l'ingestion exagérée des boissons aqueuses ; si nuisible au début des repas.
Le melon n'est pas d'une digestion ordinairement bien facile.
Cependant quand la pulpe est douce et bien mûrie, il se digère aisément.
Quoiqu'on en puisse penser, nous ne croyons pas que l'odorat puisse suffire à faire discerner un melon mûr d'un melon indigeste ;
l'essence odorante peut-être très développée dans ce fruit quand la pulpe n'est pas encore mûre, et certaines espèces, d'ailleurs, restent dures
et coriaces tout en étant très parfumée.
En tout cas, le melon est un fruit très aqueux et très froid ;
on doit donc le manger lentement, l'assaisonner de façon suffisante
et accompagner son ingestion de quelques gorgées d'un vin généreux.
Le melon est diurétique ; mais il est surtout relâchant.
Les estomacs faibles, les anémiques et les convalescents doivent en manger avec prudence,
pour éviter les coliques, la diarrhée et l'irritation parfois violente que sa pulpe savoureuse cause
sur les parois du tube gastro-intestinal.