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Fenêtres sur le passé

1881

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Assistance des enfants malades

Source : Le Petit Brestois février 1881

 

Assistance des enfants malades

 

Le ministre de l'intérieur (Ernest Constans) vient d'envoyer aux préfets la circulaire suivante sur un mode nouveau d'assistance des enfants malades par la création de dispensaires permettant de traiter un grand nombre de malades sans recourir à l'hôpital.

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Paris, le 25 janvier 1881.

 

Monsieur le préfet,

 

Au moment où l'opinion et les pouvoirs publics se préoccupent des moyens d'améliorer la condition des enfants pauvres, et notamment de restreindre

la mortalité qui les frappe, je crois devoir signaler â toute votre attention

un mode d'assistance, encore très-peu connu chez nous,

et appelé, j'en suis persuadé, à rendre à la population indigente ou peu aisée

les plus précieux services, je veux parler des dispensaires d'enfants malades.

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Jean Antoine Ernest Constans

Homme politique français

Ministre de l'intérieur et des cultes

Né à Béziers (Hérault) le 3 mai 1833

Mort à Paris le 7 avril 1913

L'objet de l'institution est de traiter les enfants dans un milieu approprié à celte destination,

mais sans les hospitaliser ; elle ne s'applique dès lors qu'au cas où le malade peut être, sans inconvénient,

transporté au dispensaire, puis ramené dans sa famille.

 

Même borné à ces limites, le champ d'action serait encore très-considérable à raison du grand nombre d'affections qui, tout en exigeant une médication suivie, n'obligent pas à garder la chambre.

 

On obtiendrait ainsi, tout d'abord, ce double résultat de maintenir, autant que possible, l'enfant dans la famille,

et de laisser libres à l'hôpital des lits pour les malades dont l'état comporte nécessairement l'hospitalisation.

 

On gagnerait de la place sans agrandir les salles.

 

Le traitement au dispensaire aurait de plus pour heureuse conséquence de soustraire l'enfant aux chances

de contagion qu'entraîne le séjour à l'hôpital, à toutes les influences nuisibles qu'engendre toujours plus ou moins l'agglomération permanente de malades sur un point déterminé.

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Les enfants encore allaités par leur mère ne peuvent, vous le savez,

être traités à l'hôpital qu'autant que celle-ci est elle-même hospitalisée ; le nombre de ces lits de mères-nourrices est fort restreint, et,

dans un grand nombre de cas, il est impossible à la mère de profiter

de la faveur qui lui est offerte, d'abandonner ainsi son foyer en vue

du traitement de son nourrisson.

 

Le dispensaire serait donc d'un puissant secours pour les jeunes enfants dans la période de l'allaitement, lesquels sont, par la force des choses, les déshérités de l'hôpital et ont en même temps le plus besoin d'assistance médicale, puisqu'ils sont incomparablement plus exposés que les autres.

 

C'est une vérité incontestée que la médication préventive est de toutes la plus efficace ;

les chances de guérison augmentent ou diminuent

dans des proportions considérables, selon que le mal est combattu

à un moment plus ou moins rapproché de son début.

 

Pour ne citer qu'un exemple, des soins médicaux, donnés à temps,

ne pourraient-ils pas enrayer un grand nombre de ces affections

gastro-intestinales, cause prépondérante

de l’effrayante mortalité infantile ?

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Le dispensaire serait également un bienfait pour les enfants plus âgés, atteints d'un commencement de ces maladies qui deviennent

si facilement chroniques, quand elles sont négligées, et qui,

lorsqu'elles ne compromettent pas l'existence,

laissent souvent après elles de graves infirmités.

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D'une manière générale, les hôpitaux ne disposent ni des locaux ni des ressources nécessaires pour recevoir

ces enfants pendant les longs mois que devrait durer leur traitement ;

et, si l'on fait abstraction de quelques établissements spéciaux, tels que ceux de Berck-sur-Mer et de Forges,

il est évident que le séjour prolongé dans un hospice sera loin de placer l'enfant dans les conditions

les plus favorables à sa guérison.

 

Il faut, de plus, dans la limite du possible, éviter les rechutes,

c'est-à-dire se conformer strictement aux règles de l'hygiène ;

les conseils familiers, pratiques, donnés chaque jour aux mères par les médecins du dispensaire,

seraient un des meilleurs moyens de propager les notions élémentaires d'hygiène de l'enfance

dans des milieux où elles sont aujourd'hui presque universellement inconnues.

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Enfin, monsieur le préfet, à un point de vue moral digne

de toute sollicitude, le traitement au dispensaire a,

sur le traitement à l'hôpital, cette incontestable supériorité

qu'il maintient l'enfant au foyer domestique et qu'il prévient ainsi

le relâchement des liens de famille,

conséquence possible d'un éloignement prolongé du malade.

 

Dans l'ordre d'intérêts et de préoccupations charitables

que je viens d'accorder, je suis heureux de constater tout le bien

que font les consultations externes des hôpitaux,

surtout dans le cas trop rare où elles sont accompagnées d'une distribution gratuite de médicaments ;

la création de dispensaires serait le développement de cette excellente institution : je viens d'énumérer les avantages multiples et considérables qui résulteraient d'une semblable extension de ce mode d'assistance.

 

La consultation n'est, le plus souvent, que l'indication

du traitement à suivre ;

le but des dispensaires organisés pour répondre aux besoins ci-dessus mentionnes serait d'indiquer le traitement et de l'appliquer séance tenante au malade, dans la mesure du possible.

 

Ces établissements seraient outillés de manière à ce que,

dans un grand nombre de cas, l'action médicatrice put être exercée

sur place : pansements, orthopédie, hydrothérapie, électricité, etc.

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On administrerait, autant que faire se pourrait,

les médicaments dans le dispensaire même afin d'éviter les négligences et les erreurs susceptibles

de se produire dans la famille ;

on ferait prendre aux malades, dans ces conditions, les préparations toniques et reconstituantes, et même,

quand la situation pécuniaire le permettait, on distribuerait aux enfants des rations alimentaires qui,

bien souvent, ont la valeur d'un médicament.

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Ce n'est pas une conception théorique, monsieur le préfet, que je vous expose ;

le programme qui vient d'être esquissé a reçu une application féconde

dans le dispensaire d'enfants malades qu'a fondé

et que dirige au Havre M. le docteur Gibert ;

cette œuvre fait le plus grand honneur à celui qui l'a réalisée à l'aide

de ses seules ressources.

 

Le simple énoncé d'un chiffre suffit à prouver l'action salutaire de l'institution : dans le courant de l'année 1880, elle a procuré à près de 1,600 enfants

le bienfait d'un traitement médical.

 

J'ai confié à l'un de MM. les inspecteurs généraux des services administratifs

du ministère, M. le docteur Foville (*), la mission de procéder sur place

à une étude approfondie de ce dispensaire, de son mode d'installation

et de fonctionnement, ainsi que de ses résultats ;

il m'a paru utile de joindre à la présente circulaire des extraits du rapport

de M. Foville, et je ne puis que me référer à ce document pour l'exposé détaillé

de l'œuvre de M. Gibert.

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En ce qui concerne la dépense afférente à des créations analogues,

il ne vous échappera pas que les administrations publiques ne sauraient guère réaliser les conditions de stricte économie dans lesquelles opère un particulier ; aussi les prix mentionnés dans le rapport de M. Foville, à titre de simple renseignement d'ailleurs et sous toutes réserves, subiraient-ils probablement

une augmentation notable, s'ils devaient s'appliquer à une organisation

fondée par une ville ou par un hospice.

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Joseph Henri Albert Gibert,

Né le 6 mars 1829 à Satigny

(canton de Genève)

Mort le 18 mars 1899 au Havre,

Médecin franco-suisse.

Conseiller municipal au Havre

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(*) Alfred de Foville,

Né le 26 décembre 1842 à Paris

Mort le 14 mai 1913 à Paris

Économiste et statisticien français

Vous remarquerez toutefois que, même en faisant une part très-large à cette augmentation éventuelle,

on n'arrive qu'à un sacrifice réellement peu élevé, en compensation de la valeur des résultats.

 

Il ne s'agirait pas, en effet, de créer de toutes pièces des établissements spéciaux, vivant de leur vie propre,

il faudrait se borner à aménager, soit dans les hospices, soit dans leur proximité immédiate,

des locaux où seraient installés les dispensaires ;

on serait ainsi à même de profiter des services généraux de l'établissement hospitalier,

d'utiliser ses ressources en matériel et en personnel.

 

Eu égard aux charges qui pèsent sur le budget de l'assistance, je ne vois pas de moyen plus pratique pour fonder

une œuvre dont la portée bienfaisante serait considérable et qui a, je le répète, pour but l'adjonction du traitement

à la consultation externe, dans les circonstances où l'hospitalisation n'est pas imposée par l'état du malade.

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Je vous recommande, monsieur le préfet,

l'examen de cette importante question.

 

Mon département ne dispose,

il est vrai, d'aucun crédit pour favoriser le développement

de cette institution ;

de plus, par sa nature même, elle n'est applicable que

dans les villes d'une certaine importance ;

mais il vous appartient de faire part aux administrations charitables et aux municipalités des résultats obtenus

par l'initiative privée.

 

Elles pourront y trouver d'utiles enseignements ;

je compte également, pour l'étude de cette nouvelle forme d'assistance sur le dévouement éclairé

des médecins des hospices et hôpitaux.

 

C'est avec un vif intérêt que je prendrai connaissance des communications que vous voudrez bien m'adresser à ce sujet.

 

Recevez, monsieur le préfet, l'assurance de ma considération

très-distinguée.

 

Le ministre de l'intérieur et des cultes,

 

CONSTANS.

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Source : Le Petit Brestois décembre 1879

 

Les Hospices.

 

M. le ministre de l'intérieur a soumis à l'examen du Conseil d'État

un projet de loi relatif à la création d'hospices cantonaux.

 

Les malades pauvres d'une grande cité sont assurés de recevoir les soins indispensables,

il n'en est pas de même des malades de la campagne un peu laissés à l’abandon.

 

Le système des médecins cantonaux, imaginé en 1810, présente de sérieux inconvénients.

 

Ce service médical n'est bien fait que dans la résidence même du médecin cantonal.

 

Les communes éloignées sont trop sacrifiées.

 

L'arrondissement de Brest est un des mieux partagés au point de vue de l'assistance,

et l'un de ceux où les secours sont distribués avec le plus de libéralité.

 

Il existe, en effet, des hospices à

Brest, Landéda, Landerneau, Lannilis, Lesneven, Plourin, Ploudalmézeau, Saint-Renan et Plougastel.

 

Quels que soient les services rendus par ces établissements, on ne saurait méconnaître leur insuffisance.

 

La loi nouvelle y introduira, nous l'espérons, de sérieuses réformes.

 

Le principe du droit à l'assistance déposé dans la loi du 24 Vendémiaire an II, finira par devenir une vérité.

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