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Fenêtres sur le passé

1880

Incendie de la Corderie de Kerbonne à Brest

Source : Le Petit Brestois juillet 1880

 

Incendie à Kerbonne

 

Mardi dernier (20 juillet), un violent incendie s'est déclaré vers 10 heures du matin,

à la Corderie de M. Kerros (Barthélémy), à Kerbonne, commune de Saint-Pierre-Quilbignon.

 

Dès que nous avons connu la nouvelle, nous nous sommes empressés d'envoyer sur les lieux mêmes

l'un de nos collaborateurs, qui nous a fourni les renseignements suivants :

 

Aussitôt, les 50 ouvriers et ouvrières de l'établissement se sont mis en devoir d'essayer d'enrayer

les progrès du fléau, mais en vain.

 

Des secours appelés en toute hâte arrivèrent immédiatement, mais déjà les chanvres étaient en flamme.

 

Les pompes de Saint Pierre-Quilbignon, arrivées les premières sur le lieu du sinistre, cherchent à s'alimenter,

mais, hélas ! l'eau manque en cet endroit ;

il s'agit alors d'organiser des chaînes pour faire transporter de l'eau à tout prix, sans quoi les secours seront inutiles.

Des embarcations de l’Austerlitz, du Borda, de la Bretagne

apportent des pompes et des hommes ;

les pompiers de Brest et ceux de la Marine

arrivent au pas gymnastique, ainsi que des hommes de la Division,

de l'infanterie de marine et du 19e caserné à Recouvrance.

 

M. Pape, capitaine des pompiers, examine rapidement la situation

et place les hommes et les pompes à leurs postes.

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Immédiatement il ordonne la part du feu, et pendant que l'on attise d'un côté,

on protège à l'autre extrémité dans l'espoir de sauver une partie de l'usine et des marchandises.

 

Des quantités de bobines garnies de filin sont enlevées des magasins grâce à cette précaution

et sont par suite sauvées du désastre.

Les flammes lèchent les barils de goudron qui sont bientôt en feu ;

alors tout le monde rivalise de zèle et de courage pour tâcher d'arrêter ce fléau dévastateur qui grandit toujours.

 

Le danger va croissant, et les maisons voisines, la plupart couvertes en chaume, vont être brûlées !

 

À ce moment le capitaine Pape dirige tous les sauveteurs de ce côté ;

le foyer de l'incendie est vivement attaqué, et, après une lutte acharnée, les flammes disparaissent,

le bois qui pétille encore, s'éteint petit à petit, la fumée asphyxiante se dissipe, les maisons sont sauvées !

 

Dans le feu de l'action, vers 2 heures après-midi, le lieutenant Lescaon, commandant de la compagnie des pompiers de Saint-Pierre-Quilbignon, surveillant une tranchée, se heurte violemment contre une pièce de machine ;

le choc a été très violent, et une blessure assez importante à la jambe gauche le met

dans l'impossibilité de continuer son service.

 

Mais M. Lescaon, que nous connaissons, n'est pas homme à se décourager pour si peu, et il reste là malgré le conseil qui lui est donne de se faire soigner immédiatement.

Il était encore à son poste mercredi matin, à 9 heures,

après avoir passé la nuit, refusant l'assistance du docteur Gestin, conseiller général, accouru en toute hâte sur le lieu du désastre.

 

Nous signalons le lieutenant Lescaon à qui de droit,

certain que cet acte de courage et d'énergie ne sera pas oublié.

 

La surveillance de nuit a été confiée à MM. les lieutenants Martin et Lescaon, assistés de 60 marins et pompiers, ainsi que des détachements de gendarmeries maritime et départementale.

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Malheureusement tout a été brûlé, à l'exception du bureau de la comptabilité et de la loge du Concierge !!!

 

On nous a signalé la présence sur le lieu du sinistre, de MM. le Colonel du 19e de ligne,

le Commissaire central de Brest, le Capitaine de gendarmerie départementale,

et plusieurs autres autorités civiles et militaires.

 

Les pertes sont évaluées à plus de 300.000 fr., dont 200,000 fr. couverts

par les compagnies d'assurances Le Phénix La Foncière.

 

Le feu se serait déclaré dans les chanvres, par suite de réchauffement d'une espadeuse.

 

Il n'existe aucun service, aucune organisation pour la direction des eaux dans la commune de Saint-Pierre.

 

Cette incurie est d'autant plus inconcevable, que la commune est sillonnée de cours d'eau

que l'administration municipale ne sait pas utiliser.

 

La quantité d'eau qui se perd dans la commune de Saint-Pierre est incalculable et, malgré cela,

nous n'avons jamais vu aucun projet de distribution émanant de M. le Maire,

qui devrait cependant prendre quelque souci des intérêts de ses administrés.

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Nous avons reçu de M. Kerros la lettre suivante :

Kerbonne en St-Pierre, le 21 Juillet.

Monsieur le Rédacteur du Journal le Petit Brestois, Brest.

 

Veuillez accueillir dans les colonnes de votre estimable journal les remerciements bien sincères que j'adresse à tous ceux qui sont accourus à l'incendie qui a détruit, hier,

mon Usine de Kerbonne, en Saint-Pierre-Quilbignon.

 

A la première alarme, la compagnie des sapeurs-pompiers de Saint-Pierre est arrivée

avec ses pompes, suivie de près par les marins des bâtiments sur rade, les pompiers de Brest, ceux de la Marine, les marins de la division, l'infanterie et la gendarmerie de marine,

la gendarmerie départementale, et le 19e de ligne avec son colonel.

 

Tous ont rivalisé de zèle et d'activité, mais leurs efforts ont été inutiles,

l'incendie s'étant propagé avec une rapidité désespérante.

 

Toute la nuit, des détachements sont restés sur les lieux pour prévenir les propriétés voisines.

 

Honneur et reconnaissance à tous, pour la promptitude, le zèle et le dévouement

déployés dans cette déplorable catastrophe.

 

Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur, l'assurance de ma plus parfaite considération.

 

Вathélémy KERROS

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