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Fenêtres sur le passé

1880

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Le chauffage des écoles à Brest

Source : Le Petit Brestois novembre 1880

 

1880 – Le chauffage des écoles à Brest

 

Si je parle de chauffage dans les écoles de Brest, c’est par pure plaisanterie,

car la vérité me force à dire que les écoles ne sont point chauffées.

 

L'année dernière, M. le Sous-Préfet, dont nous avons maintes fois apprécié le dévouement à tout ce qui concerne

les écoles de Brest, avait lancé une circulaire par laquelle il invitait les municipalités de son ressort

à pourvoir de poêles et de combustibles les établissements scolaires.

 

Sur bien des points, cet appel a été entendu et nous apprenons avec satisfaction que grâce à Monsieur le Sous-Préfet, beaucoup d’enfants ne seront plus condamnés à grelotter pendant qu’ils épelleront l’alphabet.

 

Mais, en thèse générale, une amélioration fera bien six fois sans se hâter le tour de l’arrondissement

avant de se voir introduite dans la bonne ville de Brest qui est le centre des lumières, etc., etc.

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Par un de ces jours de neige et de verglas,

comme ceux dont l'an dernier nous gratifia, avez-vous observé quelquefois de pauvres petits enfants portant leur sac de toile bleue

et cheminant d'un air triste et transi vers leur école.

 

Leur nez est violacé, leurs doigts, sur lesquels ils soufflent avec courage, sont ankylosés et tuméfiés par l'engelure ;

c'est mal nourri, vêtu de loques,

chaussé de mauvaises savates à moitié crevées.

 

Ils entrent dans leur école, point de feu.

 

Il va falloir endurer le supplice de trois heures d'école,

trois heures interminables, pendant lesquelles

ils ne devront bouger non plus que des pieux.

 

Croyez-vous qu’ils auront du cœur au travail, qu’ils s’appliqueront à 

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déchiffrer leurs lettres et qu’ils ne préfèreraient pas âtre assis commodément auprès d’un bon feu.

 

Nous qui sommes grands, nous gémissons si notre foyer ne flambe pas avec un joyeux pétillement, si,

quand nous mettons le nez dehors, nous ne sommes pas emmitouflés dans des pardessus bien ouatés.

 

Et nos enfants, si dorlotés !

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Nous livrerions au dernier supplice l'économe du lycée s'il lésinait sur le combustible,

et encore ils ont la panse bien garnie, ce qui les tient chauds.

 

Que le conseil municipal de Brest prenne donc une bonne résolution ;

il ne voudrait pas rester en arrière des petits conseils municipaux de campagne auxquels

ils ne seraient pas dignes de dénouer les cordons de la chaussure.

 

S'ils ne s'exécutaient pas de bonne grâce, nous voudrions les voir condamnés à l'éternel châtiment de l'onglée.

 

C'est non-seulement une question d'humanité, mais une question d'hygiène.

 

Cette humidité qui s'échappe du corps des enfants emplit l'air de miasmes malsains de nature

à compromettre la santé et à déterminer des maladies contagieuses.

 

Je laisse aux médecins qui figurent au conseil le soin de discuter cette question, mais nous avertissons

que nous ne donnerons pas de relâche jusqu’à ce que le conseil ait pris à cet égard une détermination.

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L'année dernière, nous citions un singulier procédé de chauffage imaginé par une institutrice avoisinant Brest ;

nous ne citerons pas son nom, il nous suffit de savoir

qu'elle a renoncé au procédé.

 

Au centre de la classe une vaste écuelle en terre bourrée de charbon.

 

Chaque élève, à tour de rôle, s'approchait du foyer improvisé, se dégourdissait et retournait à sa place.

 

De ce foyer s'échappaient des gaz d'acides carboniques qui allaient emplir l'atmosphère et se mêlaient à l'air déjà vicié par la respiration d'un nombre d'enfants entassés dans une classe étroite.

 

Auriez-vous, connaissant cette singulière façon de se chauffer, 

envoyé vos enfants dans cette école.

 

Mille fois non.

 

Voilà pourtant à quelles extrémités était réduite

une institutrice à laquelle la municipalité n'accordait

ni poêle, ni bois de chauffage.

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Quelques gens aguerris au froid, élevés à l'école des Spartiates, viendront peut-être nous objecter qu'il est très sain de battre

la semelle, de se livrer à des exercices violents.

 

Excellent sans doute, très excellent ce conseil ;

mais le suivre, c'est une autre affaire.

 

Les vêtements s'usent, et quand ils sont usés ils se déchirent, et quand ils se déchirent, on est battu à la maison.

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Les souliers sont percés saturés d'humidité, et vous aurez beau battre la semelle des jours entiers,

autant vaudrait frotter, pour la réchauffer, une plaque de marbre.

 

Si l'on m'objecte le budget, je ressortirai par les trottoirs.

 

Trop de trottoirs, ils mangent trop.

 

Ce sont des goinfres que ces trottoirs.

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