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Fenêtre sur le passé
1879
Accidents du travail à Brest
Source : Le Petit Brestois – Décembre 1879
A la Municipalité de Brest.
Nous ne connaissions pas de ville où l'on fasse, plus qu'à Brest, bon marché de la vie humaine.
Il semble que la vie d'un homme ne compte pas, par la raison qu'il est vite remplacé.
On s'en soucie autant qu'un poisson d'une pomme.
Aussi voit-on les échafaudages crouler, les maçons et couvreurs dégringoler du haut des toits,
s'écraser et répandre sur le pavé toute leur cervelle, sans qu'il vienne à la pensée de personne de se demander
si l'on ne pourrait pas conjurer les accidents, ou tout au moins en diminuer le nombre.
Si les victimes appartenaient au service de l'État, les veuves seraient dédommagées,
les orphelins seraient recueillis par la sollicitude du gouvernement, qui s'appliquerait autant que possible
à réparer la perte éprouvée par ces malheureux.
Dans l'industrie privée, les choses se passent autrement.
Le contrat passé avec l'ouvrier et le patron ne stipule rien en faveur du premier dans le cas où il viendrait
à succomber dans une catastrophe, et les entrepreneurs de construction n'étant pas assujettis légalement
à la nécessite de pourvoir à la subsistance des femmes d’ouvriers employés à leur service,
ne s'assurent nullement de la solidité des échafaudages, et abandonnent aux ouvriers eux-mêmes le soin
de sa garantir des accidents par tous les moyens qu'ils jugeront opportuns.
Or, chacun connaît l'indifférence des ouvriers.
Habitués à escalader les toits, ils recommencent cent fois
leurs exercices de gymnastique sans que la tête leur tourne,
ils n’hésitent pas plus quelquefois que s'il s'agissait de vaquer
à leurs opérations ordinaires.
Un faux pas les jette sur la rue ; on s'apitoie sur leur sort, on les plaint d'avoir embrassé une telle profession, et tout est dit.
Nous croyons qu'il y a quelque chose de mieux à faire qu'à
se renfermer dans une indifférence inhumaine,
et c'est aux administrations municipales éclairées, prévoyantes,
qu'il appartient de mettre à l'étude la question que nous leur soumettons :
Il faudrait, croyons-nous, obliger les entrepreneurs,
tous ceux qui font travailler, à garnir les bords des toits
d'un système de parapet destiné à garantir d'une chute certaine
les maçons et couvreurs qui perdent l'équilibre, à étendre
au-dessous des échafaudages des filets pareils à ceux adoptés
par la marine pour ses exercices de mâture, à éprouver la solidité des échafaudages.
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Nous nous contenterons pour cette fois de soulever la question sans entrer dans des développements sur les moyens pratiques de les faire aboutir.
L'administration municipale de Brest pourrait faire appel à l'expérience des hommes spéciaux, choisir dans les modes de préservation présentés par eux, ceux dont l'usage serait ensuite ordonné pour chaque catégorie de travaux.
Cette innovation serait, nous croyons, parfaitement accueillie du public, à deux points de vue.

D'abord les passants ne seraient pas exposés à recevoir sur la tête des échafauds qui s'écroulent ;
ensuite les fonds du budget affecté aux hospices et au soulagement des indigents ne seraient pas consacrés
à réparer matériellement le défaut de prévoyance des entrepreneurs, les veuves des malheureuses victimes
de ces catastrophes, chargées de famille, restant à la charge des communes.
Enfin, la question qui, pour nous, domine toutes les autres, est la question d'humanité,
celle qui mérite le plus d'être prise en considération, et qui, nous l'espérons, agira puissamment
sur l'esprit de la municipalité Brestoise ; il est temps en effet qu'elle entre dans la voie des réformes
et des innovations heureuses.