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Fenêtres sur le passé

1878

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Meurtre à Mespaul - Plouvorn

Source : Le Finistère 30 novembre 1878

 

Meurtre à Mespaul

 

Dans la nuit du 19 au 20 courant, un assassinat a été commis dans la commune de Mespaul, au lieu-dit Pont-ar-Vélin, sur la personne de Le Guyader (Paul), âgé de 25 ans, célibataire, né à Plouvorn, et domestique chez le sieur Bodilis, Hervé, cultivateur à Keromen, même commune.

 

Le maire de Mespaul, ayant été prévenu, se rendit immédiatement sur les lieux et fit avertir la gendarmerie

de Saint-Pol-de-Léon, qui se hâta aussi d'accourir.

 

Un télégramme fut envoyé de Saint-Pol-de-Léon à M. le procureur de la République de Morlaix,

qui se rendit également sur le lieu du crime,

accompagné de M. le commandant de la gendarmerie de l'arrondissement.

 

La justice et la gendarmerie, à leur arrivée, trouvèrent Le Guyader (Paul), étendu sur une charrette,

à la porte d'une auberge dite la Ville-Neuve, et constatèrent, avec l'assistance d’un docteur,

qu'il avait cessé de vivre et qu'il portait au ventre une large blessure faite à l'aide d'un instrument tranchant,

un couteau probablement, et par où sortaient ses entrailles.

 

Voici d'autres renseignements qui nous sont parvenus sur ce crime.

​

Le mardi 19 novembre, il y avait foire à Saint-Pol-de-Léon.

 

Le Guyader, Paul (la victime), et Le Guyader (François Marie), son frère, domestique chez le sieur Urien, cultivateur à Keréver, en Plouvorn, s'y étaient rendus.

 

Ils avaient bu assez abondamment, paraît-il.

 

Le soir, tard, ils s'en retournaient à Plouvorn, dans la charrette de Le Moal (François), commissionnaire, domicilié à Plouvorn.

 

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Dans le même véhicule qu'eux se trouvaient, outre Le Moal et les deux Le Guyader,

— Rozec (Goulven), Landu (Jeanne) et deux autres femmes.

 

Au bas de la côte de Pont-ar-Vélin, Le Guyader (François Marie) et Landu (Jeanne) descendirent de la charrette

de Le Moal et prirent les devants, jusqu'à l'auberge de la Ville-Neuve, tenue par la femme Monot,

où ils burent chacun un verre de cognac.

 

Au moment où ils sortaient de l'auberge, la charrette arrivait, mais ils ne virent ni Le Guyader (Paul),

ni Le Moal (François), ce dont ils ne se préoccupèrent point, du reste,

et Le Guyader (François-Marie) reconduisit Landu (Jeanne) jusqu'à sa maison.

 

Tel est le rapport de Le Guyader (François Marie) ; celui de Landu (Jeanne) en diffère très peu.

​

Berthevas (Guillaume), cultivateur à Bernvoas,

en la commune de Mespaul, revenait aussi de la foire

de Saint-Pol-de-Léon, monté sur sa charrette,

avec son fils, âgé de 15 ans, lorsqu'à la côte de Pont-ar Vélin,

il rencontra Le Moal (François), qui le pria de s'arrêter

et de recevoir dans sa charrette un homme ivre-mort

ou malade, disait-il.

 

Berthevas y consentit et deux femmes qui se trouvaient

aussi dans sa charrette en descendirent, pour faire place

à l'homme prétendu ivre.

 

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Puis Berthevas, père et fils, Le Roux (Yves), forgeron, qui les accompagnait aussi,

et Le Moal, le montèrent avec peine dans la charrette.

 

Arrivés à l'auberge de la Ville-Neuve, ils s'y arrêteront et Berthevas voulut savoir dans quel état se trouvait l'homme qu'il avait chargé à la côte de Pont-ar-Vélin.

 

Il appela la femme Monot, l'aubergiste, qui vint avec une lumière et ils virent alors que Le Guyader était mort. 

Berthevas, effrayé, fit prévenir immédiatement le maire de Mespaul, qui accourut aussitôt,

et envoya son fils quérir les gendarmes, à Saint-Pol-de-Léon.

 

Le Moal (François) dit qu'arrivé à la côte de Pont-ar-Vélin, il sauta à terre de sa charrette, que Le Guyader (Paul)

fit comme lui et que celui-ci étant resté un peu en arrière, le rejoignit bientôt en lui disant qu'il avait été frappé

par quelqu'un, et en même, temps il tomba à terre.

 

C'est alors que vint à passer la voiture de Berthevas, et qu'on y monta Le Guyader, comme étant ivre-mort. 

Le Moal ajoute avoir aperçu sur la route de Pont-ar-Vélin, des personnes qu'il n'a pu reconnaître.

Le pantalon de Le Moal était ensanglanté.

 

Il a été conduit le 21, devant le procureur de la République à Morlaix,

et retenu préventivement dans la prison de cette ville.

 

On dit aussi que les frères Le Guyader étaient rivaux et jaloux l'un de l'autre, au sujet de Landu (Jeanne),

à qui ils faisaient tous les deux la cour.

 

L'enquête se poursuit.

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​

Compte-rendu du l'affaire la plus grave de la session :

 

Assassinat de Paul Guyader, à Plouvorn.

 

Les débats de ce procès ont occupé les audiences des 9 et 10 avril :

 

L'accusé François Moal est un homme âgé de trente-huit ans,

polit, mais trapu ;

sa physionomie, fine et intelligente, n'a rien de farouche.

 

Son costume est celui des habitants de, Saint-Pol-de-Léon, la petite veste et le pantalon de drap noir. 

Il est chaussé de sabots et coiffé du chapeau de feutre à larges bords.

​

Moal exerçait la profession de commissionnaire à Plouvorn, canton de Taulé (Finistère).

 

La victime, Paul Guyader, jeune homme de vingt-neuf ans, était un cultivateur de la même commune.

 

Le vol aurait été le mobile du crime.

 

Les débats de l'affaire n'ont pu cependant l'établir.

 

L'acte d'accusation expose ainsi les faits :

 Le 19 novembre dernier, François Moal avait donné rendez-vous

à la foire de Saint-Pol-de-Léon aux deux frères Jean et Paul Guyader,

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domestiques à Plouvorn, à l'occasion de projets de mariage qu'il avait lui-même formés pour unir Jean Guyader,

l'aîné des deux frères, à sa filleule Françoise Moal.

 

Après avoir passé la journée à Saint-Pol, l'accusé et les frères Guyader se mirent en route pour regagner

leur domicile, et montèrent, à Ru-Plouenon, dans la voiture du sieur Rozec.

 

Parvenus au bas de la côte de Pont-Milin-Allan, à la hauteur du bourg du Mespaul, les voyageurs mirent pied à terre, et Moal resta en arrière avec Paul Guyader.

​

Jean Guyader, son frère, qui l'avait devancé, l'attendit

quelques instants à la Ville-Neuve, puis repartit avec Rozec,

sans se préoccuper davantage de ce retard.

 

Moal survint quelques instants après et entra au cabaret

des époux Jézéquel demander si Rozec y était encore.

 

Sur la réponse négative qui lui fut faite, il sortit précipitamment

et revint une demi-heure après, en compagnie du témoin Berthevas qu'il avait rencontré revenant de Saint-Pol-de-Léon.

 

Ce dernier montait, avec sa charrette, la côte de Pont-Milin-Allan, lorsqu'à un endroit, où la route est profondément encaissée,

Moal l'appela au passage et le pria de prendra dans sa voiture

son camarade Paul Guyader qui ne faisait aucun mouvement,

mais que l'on crut entendre pousser quelques gémissements.

 

Arrivé à la Ville-Neuve, Berthevas constata que le malheureux

était mort et qu'une large blessure qu'il portait au flanc droit

avait livré passage aux intestins.

 

Le cadavre était ensanglanté ;

Moal lui-même avait ses vêlements tachés de sang.

 

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Mis en demeure de s'expliquer, il raconta alors pour la première fois que Paul Guyader,

étant resté à quelques pas derrière lui dans la côte de Pont-Milin-Allan, il avait eu avec un groupe de personnes

se dirigeant vers Saint-Pol une courte altercation, dont il n'avait pu saisir la cause,

et qu'après un rapide échange de coups qui lui avaient paru portés à l'aide, de sabots,

Guyader était venu tomber à ses pieds en lui disant à voix basse qu'il venait de recevoir un mauvais coup.

 

Cet étrange récit, dans lequel l'accusé a varié plusieurs fois, a été démenti par l'instruction.

 

Il a été établi qu'aucun groupe de personnes n'avait descendu la côte, de Pont-Milin-Allan dans l'intervalle de temps qui s'est écoulé entre le passage de la voiture de Rosec et celui de Berthevas.

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Les habitants des maisons voisines n'avaient non plus entendu

le bruit d'aucune altercation, et, d'ailleurs, le silence gardé

par l'accusé lorsqu'il se présenta la première fois

à la Ville-Neuve au cabaret du sieur Jézéquel,

demeura inexplicable dans ce système.

 

À ce moment, en effet, Paul Guyader avait dû être frappé déjà ; aussi l’accusé a-t-il voulu prétendre qu'il ne s'était présenté

à la Ville-Neuve qu'en compagnie du témoin Berthevas ;

mais les témoignages recueillis démentent cette assertion.

 

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Les hommes de l'art ont constaté que la mort de la victime avait été presque instantanée

et qu'elle était due à un violent coup de couteau porté dans le flanc droit.

 

On a saisi sur l'accusé deux couteaux et un porte-monnaie qui parait avoir appartenu à Paul Guyader,

sans toutefois que l'instruction ait pu l'établir d'une manière précise.

 

L'accusé a été vu porteur, en outre, d'une pièce de cinq francs après le meurtre de Saint-Pol,

et il n'a pas été possible de la retrouver dans les poches de ses vêtements. 

On pourrait donc présumer que le vol n’a pas été étranger au crime.

 

Paul Guyader était d'un caractère paisible.

 

François Moal, au contraire, est violent et brutal.

 

En conséquence, François Moal est accusé d'homicide volontaire sur la personne de Paul Guyader.

 

À l'audience, les soupçons assez vagues qui avaient pesé jusqu'alors sur l'accusé Moal ont pris un corps ;

les charges se sont accumulées contre l'accusé qui n'en a pas moins protesté de son innocence.

 

Les dépositions des quarante témoins cités par le ministère public,

ont été plus précises et plus complètes qu'elles ne l'avaient été dans l’instruction.

 

Le jury a déclaré Moal coupable d'homicide volontaire, et la cour l'a condamné à vingt ans de travaux forcés

et vingt ans de, surveillance.

Le jury a accordé à l'assassin le bénéfice de circonstances atténuantes.

 

M. Riou, procureur de la République, occupait le siège du ministère public.

Me de Chamaillard, avocat, défendait François Moal.

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Bagne Nouvelle Calédonie

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Embarqué le 7 juin 1879

sur le transport "La Loire"

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Décédé le 14 février 1905

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