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Fenêtres sur le passé

1877

Assassinat à Logonna Daoulas

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Père de famille, cultivateur enrichi par son travail, l'accusé exploite une petite propriété qui lui appartient.

 

Cette propriété, le hameau de Quinquis, est située sur le territoire de la commune de Logonna.

 

À côté de l'habitation de Herrou, se trouve une maison appartenant à sa sœur et habitée par la famille Rannou.

 

Un chemin, appelé venelle, longe les deux demeures, à gauche.

Source : Le Finistère juillet 1877

 

Assassinat à Logonna Daoulas

 

L'accusé, Tanguy Herrou, est un homme de 57 ans, maigre,

nerveux, robuste, à l'air fin et rusé,

au regard doux plutôt que méchant.

 

Il porte les favoris taillés en brosse, et tombant plus bas que l'oreille.

 

Les cheveux, fort courts, paraissent encore très-noirs, comme la barbe.

 

De longs sourcils noirs donnent à la physionomie une certaine expression qui ne déplait pas.

 

Au premier examen, cet homme, sur lequel pèse une accusation grave,

ne nous fait pas l'effet d'être un criminel vulgaire, et nous ne serions nullement étonnés que son défenseur,

avec la réputation qu'on lui connaît, obtint du jury, sinon un acquittement,

du moins un verdict beaucoup moins sévère que le verdict réclamé par l'accusation.

 

Tanguy Herrou n'est pas, en effet, un vulgaire assassin.

 

C'est un maniaque dangereux qui pousse jusqu'à l'excès l'amour de la propriété.

 

Ou bien, c'est un propriétaire exaspéré qui cherche à défendre son bien,

et qui s'est laissé entraîner à user de moyens dont il n'a pas apprécié la gravité.

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Ce chemin, qui est public, fait un peu plus loin un détour assez grand pour desservir d'autres propriétés.

 

Aussi les piétons, voulant gagner quelques minutes, ont-ils pris l'habitude de traverser en ligne directe le champ dit Parc ar-Gloet, appartenant à Tanguy Herrou, pour rejoindre le sentier un peu plus loin.

Cette servitude de passage, qu'aucun contrat n'a établie,

ne laissait pas que de rendre le propriétaire fort soucieux.

 

On pouvait lui voler, et on lui vola, en effet, à diverses reprises,

quelques-uns de ces beaux oignons qu'il admirait,

et dont la disparition l'exaspérait.

 

Que fit Herrou ?

 

D'abord, il mit une barrière, qui n'empêcha personne de passer.

 

Puis, il fit le guet et malmena quelque peu les étrangers

qu'il prit en flagrant délit de passage sur son terrain.

 

Enfin, un beau jour, exaspéré de ne pouvoir obtenir raison,

il proféra des menaces et parla de tuer, à l'aide d'un fusil ou d'un pistolet,

les puces sur le dos des obstinés.

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Dans la soirée du 4 mai, un jeune homme de 28 ans, nommé Alain Herrou, marin récemment débarqué,

revenait de Daoulas, se rendant chez ses parents qui habitent le hameau de Cosmaner,

desservi par la venelle qui longe le Quinquis.

 

En passant, il s'arrêta pendant quelques instants chez Rannou, qui était malade.

 

Il était environ 9 heures du soir, et toute la famille Rannou était couchée :

il y avait, au contraire, dit l'un des témoins, de la lumière dans la demeure de Tanguy Herrou,

ce qui prouve qu'on veillait.

 

Lorsque le marin eut terminé sa visite, il s'en alla, par la venelle, dans la direction de sa demeure.

 

Deux minutes après son départ, un coup de feu retentit, et, bien que la famille Rannou en éprouvât

quelque inquiétude, parce qu'elle connaissait les menaces et l'excitation de son voisin,

elle ne se dérangea pas pour en connaître la cause.

Le lendemain matin, on trouva le cadavre d'Alain Herrou, sur le bord d'un fossé,

à 250 mètres environ du Quinquis,

dans une direction opposée à celle de Cosmaner.

 

Le corps présentait, au côté gauche, une plaie en forme de quadrilatère,

haute de 23 centimètres et de large de 13 ou 14 centimètres,

produite par un coup de feu.

 

La charge composée de plombs des calibres 5, 7, 0 et 00,

avait pénétré en faisant, pour ainsi dire, balle.

 

Des côtes étaient brisées, les poumons et le cœur avaient été traversés,

et la mort, occasionnée par une hémorragie foudroyante avait été instantanée.

 

Le médecin expert constata que le coup avait dû être porté de haut en bas,

et il résulte d'expériences faites par un armurier de Brest, avec le fusil de l'accusé, qu'il avait été tiré à une distance de huit à douze mètres,

(la défense dit : de 12 à 15 mètres.)

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Le docteur déclare, en outre, que la victime devait avoir le bras écarté du corps au moment où elle a été frappée,

et cette déclaration est habilement utilisée par le défenseur, nous le verrons plus loin.

 

Tanguy Herrou, dénoncé par la rumeur publique fut arrêté le lendemain du crime.

 

II nia, et toute sa famille fit de même.

 

Mais son fusil, qu'il avait chargé, portait des traces de poudre récemment brûlée,

et il ne trouva pas d'explication suffisante pour détourner les soupçons.

 

Deux Jours après son arrestation, il se décida à entrer dans la voie des aveux.

 

Mais il se contredit souvent, et, sur plusieurs points, ses aveux sont en opposition complète avec ceux de sa femme.

 

En somme, il est difficile de croire plus à l'un qu'à l'autre, et c'est peut-être à l'hypothèse qu'il faudra recourir

pour trouver une solution.

 

L'accusé, cependant, prétend qu'il a surpris Alain Herrou lui volant des oignons.

 

M. le procureur de la République répond à cela qu'il est prouvé que le plan de ces jeunes et malheureux oignons

n'a même pas été foulé aux pieds et que toutes les recherches faites par les magistrats instructeurs

pour trouver des traces, sont restées infructueuses.

L'accusé prétend encore qu'il a tiré à une distance de 50 mètres au moins,

et que sa victime est tombée à l'endroit même où on l'a retrouvée.

 

L'accusation soutient le contraire.

 

Mais en définitive on n'a constaté de traces nulle part.

 

L'instruction étant restée à ce point obscure qu'il est à peu près impossible

de rien préciser, c'est bien, dit le défenseur, dans la venelle

et sur le bord du fossé que la victime a dû tomber.

 

Alain Herrou se sauvait.

 

Il tenait sous son bras les oignons volés.

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Tanguy Herrou le poursuivait : il était, lui, sur sa propriété,

à un mètre au-dessus de la venelle, et il a tiré de haut en bas sur le fuyard qui se baissait pour éviter le coup.

 

La distance entre les deux hommes pouvait être de 12 à 13 mètres.

 

Tels sont, en résumé, les détails de ce procès.

 

Il est vrai qu'on n'a pas retrouvé un seul oignon près du cadavre,

ce qui peut encore faire douter beaucoup du vol imputé à Alain Herrou.

 

Mais, en somme, la question de fait prêtait matière à discussion, et l'honorable défenseur en a su tirer parti.

 

Après une délibération qui n'a pas duré moins de 20 minutes, le jury a rapporté un verdict qui déclarait

Tanguy Herrou coupable d'avoir volontairement donné la mort à Alain Herrou.

 

Mais il écartait les questions relatives à la préméditation et au guet-apens et admettait les circonstances atténuantes.

 

Tanguy Herrou a été condamné à 7 ans de réclusion, sans surveillance.

 

Il avait pour défenseur Me Lebris-Durest, avocat à Quimper.

 

M. Riou, procureur de la république occupait le siège du ministère public.

 

L'audience n'a été levée qu'après dix Heures du soir, et la salle était comble, malgré la chaleur.

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