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Fenêtres sur le passé

1875

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Guerre de 1870

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Les marins aux armées

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Source : L’Électeur du Finistère janvier 1875

 

LES MARINS AUX ARMÉES

 

Participation du second arrondissement maritime à la campagne de 1870-1871

Par P. LEVOT, bibliothécaire de la Marine à Brest.

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C'est à M. Levot, le savant et infatigable bibliothécaire de la marine, à Brest,

que nous devons le consciencieux et très-intéressant travail

dont nous venons d'inscrire le titre en tête de ces lignes.

 

Le nom de M. Levot est bien connu et ses travaux sont appréciés de tous ceux

qui s'occupent d'études historiques ou biographiques ayant trait à la Bretagne.

 

Ses deux principaux ouvrages sont :

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1° Une Biographie bretonne en deux forts volumes,

vrai trésor de renseignements utiles et bien informés sur les bretons,

de tous les temps, qui se sont fait un nom dans les lettres,

les sciences les beaux-arts, l'armée , etc.;.

 

2° Une Histoire de Brest, en 4 vol.,

depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours.

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Prosper Jean Levot

Né à Brest le 14 décembre 1801

Mort à Brest le 3 février 1878

Bibliothécaire, historien, biographe

Président de la Société Académique de Brest

Ordre National de la Légion d’Honneur

Cette monographie de notre première ville maritime de la Bretagne, se distingue, comme tous les travaux de M. Levot, par l'abondance, l'exactitude et la précision des renseignements, l'ordre avec lequel ils sont coordonnés,

et la lucidité et l'impartialité sereine avec laquelle les choses et les hommes sont appréciés et jugés.

 

Le quatrième volume surtout, qui porte te litre particulier de Histoire de la Ville et du Port de Brest pendant la Terreur, est d'un intérêt exceptionnel pour l'arrondissement de Morlaix comme pour celui de Brest,

par les événements des années 1791, 1792, 1793 et 1794, qui y sont racontés,

pour ce qui concerne cette partie de la Bretagne, avec une abondance de documents qu’on ne trouve pas ailleurs.

 

Nous avons déjà parlé de l'impartialité de M. Levot et c'est dans l'appréciation des troubles, des calamités,

et aussi des grandeurs de cette époque exceptionnelle, sous tous les rapports, qu'elle brille dans tout son jour.

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L'objet des études et des prédilections particulières de M. Levot,

depuis assez longtemps déjà, semble être sa chère ville de Brest,

avec tout ce qui s'y rapporte, de près ou de loin.

 

Aussi, chaque année, met-il en lumière, avec une constance et une activité rares à son âge, un ou deux opuscules, écrits de ce style facile et clair

qui lui est familier, et où il semble se délasser de ses travaux de longue haleine.

 

Celui que nous annonçons aujourd'hui est encore en l'honneur de la ville maritime sur l'histoire de laquelle il semble vouloir ne rien laisser ni à trouver,

ni à dire de nouveau à ceux qui écriront après lui sur ce même sujet.

 

Il s'agit de la participation du Port de Brest à notre dernière guerre,

et il raconte avec son exactitude et son charme ordinaires la large part

que notre deuxième arrondissement maritime a prise à cette guerre malheureuse et à jamais maudite, tant par les hommes

par le matériel qu'il a fournis.

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Il ne néglige rien, et parle successivement des bataillons de marche, de la flottille de la Seine, de la flottille de la Loire, des missions particulières, de l’artillerie et de l'infanterie de marine, du génie, des travaux hydrauliques

du commissariat, du service de santé et de l'aumônerie, tenant compte à tous et à chacun en particulier

des actes d'héroïsme et de dévouement qui, comme on le sait, ne furent pas rares.

 

Il y a dans cet opuscule des récits de marches et de combats, faits d'un style rapide et sans prétention,

et des épisodes émouvants que nous avons le regret de ne pouvoir reproduire, faute d'espace.

 

Désireux pourtant de donner une idée plus exacte de l'intérêt qu'offre le dernier opuscule de M. Levot,

nous ne le quitterons pas sans en faire au moins une citation.

 

Après le combat de Daours, auquel nos marins prirent une part glorieuse, le vice-amiral Moulac,

gravement malade, avait résigné son commandement au capitaine de vaisseau Payen.

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La division Payen forma le 23e corps, sous les ordres du général Paulze d’Yvoy.

 

Le 31 décembre, — dit M. Levot, —

l'armée quitta ses cantonnements et marcha dans la direction de la route d'Arras à Bapaume, le 22e corps à droite, le 23e corps à gauche.

 

Le 1er janvier au soir, la division Payen atteignait la grand ‘route d'Arras à Bapaume.

 

Le 2 elle traversa, sans rencontrer l’ennemi, les villages situés sur cette route, jusqu' à Ervillers, qu'elle occupa en quittant ce village, elle s'avança jusqu’à Béhagnies.

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Général Paulze d'Yvoy

Elle avait devant elle une forte position ;

sur la hauteur, les deux villages de Behagnies et de Sapignies, traversés par la route, et reliés entre eux ; 

sur la hauteur à gauche, le village de Favreuil ;

à droite de la route, plus près de Bapaume, les villages de Bihucourt et de Biefvillers, séparés de la route d'Arras par une dépression de terrain.

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Cette position couvre Bapaume contre une attaque venant du nord.

 

Au moment où le général Paulze d'Ivoy apprenait qu'il n'y avait qu'une faible

avant-garde prussienne à Behagnies, on entendait le feu des éclaireurs

du 19e chasseurs qui faisait notre avant-garde,

et ses tirailleurs étaient engagés dans le village.

 

Le 1er bataillon de marins s'avança aussitôt à gauche de la route,

et le 3e à droite en appuyant sa gauche à la route.

 

Ce bataillon devait appuyer plus à droite et se rabattre à gauche sur Behagnies

qu'il attaquerait par la droite, en même temps que le 1er bataillon,

tournant sur sa droite attaquerait la gauche de la position.

 

Deux pièces de la batterie Dieudonné devaient soutenir l'attaque,

en prenant position à l'entrée de Behagnies.

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Les trois bataillons de marins, sous la direction du lieutenant-colonel Michelet, commandant leur brigade,

montèrent vers Behagnies.

 

Le lieutenant de vaisseau Granger, capitaine de frégate provisoire, commandait le 1er bataillon.

 

Parvenu sur la hauteur, il enlève ce bataillon au pas gymnastique et le lance avec impétuosité

contre le front de défense des deux villages de Behagnies et de Sapignies qui se touchent.

 

Ces villages, dont la défense était bien préparée, étaient crénelés et barricadés.

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Le 1er bataillon essuie un feu terrible.

 

Au centre, le 3e bataillon, commandé par le lieutenant de vaisseau Hanet-Clery, attaque en mêlant son feu à celui des chasseurs.

 

À droite, le 2e bataillon, commandé par le lieutenant de vaisseau Parrayon,

se rabat sur la gauche et engage un feu très-vif à l’intérieur de Behagnies.

 

L'ennemi, déjà en grandes forces dans les villages placés sur les hauteurs qu'attaquait la division, recevait des renforts venant de Bapaume et Favreuil

et Sapignies.

 

Une batterie prussienne vint se mettre à petite distance du 1er bataillon

déjà exposé au feu des deux villages.

 

Le feu très-meurtrier de cette batterie obligea une partie de ce bataillon à reculer : elle fut alors chargée par la cavalerie prussienne.

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Le bataillon de chasseurs, bien embusqué dans ses positions d'attaque, arrêta la cavalerie et la fit reculer à son tour.

 

Au moment où le 1er bataillon était dans cette situation, les deux pièces de la batterie Dieudonné

avaient gravi la montée de la route et se présentaient à l'entrée de Behagnies, pour se mettre en bataille.

 

Elles furent accueillies par un feu nourri partant des maisons crénelées, à petite distance ;

avant d'avoir pu être mises en batterie, les pièces perdirent beaucoup de monde.

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Le lieutenant qui les commandait tomba.

 

Les chevaux, criblés, affolés par le bruit de la mousqueterie,

s'emportèrent entraînant les conducteurs.

 

Une pièce fut ramenée : l'autre dételée, coûtait risque d'être enlevée

par l'ennemi, lorsque le lieutenant-colonel Michelet se précipita

avec quelques hommes déterminés et parvint à la ressaisir.

 

Le combat continuait avec des pertes sensibles des deux côtés.

 

Le 18e mobiles, colonel Degoutin, vint renforcer l'attaque des marins

et des chasseurs.

 

La brigade Delagrange reçut l'ordre de se rapprocher de la grand ‘route

dont elle occupait la droite.

 

L'ennemi, en force à Favreuil, s'avança vers notre gauche.

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Sa nombreuse artillerie nous rendait impossible l'occupation du terrain par le travers de Behagnies

et en avant de Favreuil.

 

Notre artillerie, au bas de la côte, souffrait et n'eût suffi pour arrêter la marche des Prussiens.

 

Le général commandant le 23e corps ordonna au général Payen de faire avancer la brigade Delagrange,

qui vint se placer à gauche sur la route.

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Une batterie reçut l'ordre de rétrograder et d'occuper les hauteurs,

près d'Erviliers, pour commander la vallée,

au cas où le mouvement de l'ennemi se dessinerait davantage.

 

Le 1er bataillon, qui s'était rabattu vers sa gauche, le 48e mobiles

et les chasseurs défendant le terrain à gauche des villages, arrêtèrent l'ennemi.

 

Les têtes de colonne de la division Robin étaient en vue, marchant sur Marcy.

 

Le jour finissait.

 

L'ennemi, contenu, rentra dans ses cantonnements.

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Le lendemain, le combat recommença de plus belle, et M. Levot continue

en donnant le récit de cette glorieuse journée, avec les mêmes détails et la même précision.

 

Bapaume fut évacué par les Prussiens à la suite de ce combat les Français y entrèrent aussitôt.

 

F.-M. L.

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