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Fenêtres sur le passé
1874
Le petit chat
Source : Le Finistère 1874
Le Petit Chat.
Il n'était ni blanc, ni noir, ni roux, mais agréablement tacheté de ces trois couleurs assorties
et aussi joli que peut l'être un petit chat de cinq à six mois.
Je l'avais élevé moi-même et j'avais éprouvé la franchise et l'aménité de son caractère.
Une vivacité charmante tempérée par un grand fond de douceur, infiniment d'esprit et de malice
sans un atome de perfidie, l'humeur la plus égale et la patience la plus inaltérable étaient les qualités maîtresses
de ce précieux animal.
On rencontre ça et là, de par le monde des bêtes et des gens qui semblent nés pour plaire ; le petit Puss était de ces gens-là.
Et certes il fallait que je fusse bien sûr de lui, puisque je le donnai sans scrupule, sinon sans regret, aux enfants de mon plus vieil ami.
Ce ne fut pas, on peut le croire, sans le recommander à tous leurs soins :
Surtout, leur dis-je, gardez-vous de lui aigrir le caractère !
Il n'a jamais été ni battu, ni effrayé, ni taquiné ; ne changez pas ses habitudes.
Aimez-le, il vous aimera ; caressez-le, et vous ne sentirez que le velours de ses pattes !
Les bambins me promirent tout ce que je voulus et je les crus volontiers sur parole.
Car, enfin, pourquoi ferait-on le malheur d'un être qu'on possède, qu'on est heureux d'avoir et qu'on veut garder ?
Toutefois, j'éprouvai au bout de vingt-quatre heures un vif désir de revoir mon élève au milieu
de ses nouveaux maîtres, et je tombai, sans crier gare, dans la salle de leurs études et de leurs jeux.
Horreur !
Un vrai champ de bataille !
La sphère avait roulé sur le parquet dans l'eau et les débris d'une carafe à jacinthes.
L'encrier, répandu sur la table, arrosait les Thèmes de Bonnaire ;
deux ou trois chaises étalent renversées, les mains et les visages
de mes petits amis étaient balafrés de coups de griffe ;
on criait, on pleurait, on saignait, et Puss, juché sur la bibliothèque,
mon bon Puss, hérissé, furieux, semblait souffler le feu par les narines
Eh ! chers enfants ! m'écriai-je, qu'avez-vous fait ?
Je vous ai donné un agneau et je retrouve un tigre !
Il faut que vous ayez maltraité cette pauvre bête !
Ils protestèrent de leur innocence, à qui mieux mieux.
Petits et grands, garçons et filles, me jurèrent qu'ils n'avaient tiré ni les moustaches, ni la queue,
ni les oreilles de Puss.
« Nous l'avons caressé, voilà tout ; mais c'est un méchant, un ingrat ; il ne veut pas qu'on le caresse ! »
Pendant qu'ils s'excusaient ainsi, Puss reprenait courage à ma vue, apaisait sa colère, miaulait amicalement,
sautait de la bibliothèque sur la table et de là sur mes genoux.
Je pris texte de ce bon mouvement pour prouver aux bambins que tous les torts étaient de leur côté
et je jetai les bases d'une réconciliation générale.
Mais, à ma grande surprise, le premier qui s'approcha pour signer la paix faillit recevoir un coup de griffe.
« Décidément,, mes chers bébés, il faut que vous lui ayez fait du mal.
Non ! Non ! Non !
Nous l'avons caressé, et pas autre chose.
Mais comment, diable l l'avez-vous caressé ?
Comme ça, doucement, depuis la queue jusqu'à la tête, »
Les malheureux enfants le caressaient à rebrousse-poil !
Je commençai par rire de la naïveté ; mais bientôt une réflexion me frappa l'esprit et je devins sérieux.
Qu'avez-vous donc ? me dit une petite blonde.
Rien, ma chérie ;
je pense à d'autres enfants, plus grands que vous, qui ont pris une chatte le 24 mai dernier,
qui l'aiment bien, peut-être aussi, qui sont enchantés de l'avoir, et qui voudraient la garder longtemps,
mais qui la caressent à rebrousse-poil et qui, malgré les coups de griffe qu'ils ont reçus,
n'ont jamais ou l'idée d'amadouer autrement cette excellente bête.
Dis-donc, monsieur, comment elle s'appelle ?
France.
Un beau nom, pas vrai ?