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Fenêtres sur le passé
1874
L'échenillage
Source : Le Finistère mars 1874
La loi qui ordonne l'échenillage porte la date du 25 ventôse an IV,
et la première circulaire rédigée sur ce sujet fut publiée
par François de Neufchâteau, alors ministre de l'intérieur.
Depuis cette époque, au commencement de chaque année, les préfets,
pour l'acquit de leur conscience, ont soin de rappeler à MM. les Maires,
par une circulaire insérée au Bulletin administratif,
l'existence de cette loi sur l'échenillage et de leur recommander
de veiller à sa rigoureuse exécution.
Malheureusement, cette loi est faite de telle sorte qu'elle est inexécutable ;
il en résulte que les arrêtés des préfets n'ont jamais été pris au sérieux
dans aucune partie du territoire.
En effet, les législateurs de l'an IV, qui probablement n'avaient pas fait
leurs cours d'entomologie, n'ont fait aucune distinction et ont compris dans le même anathème
toutes les variétés de chenilles qui existent.
Or, il y a chenilles et chenilles, comme il y a député et député.
Bien que les uns et les autres prélèvent de lourds impôts sur la propriété, il n'en est pas moins certain
qu'il y a parmi elles et parmi eux des variétés sur lesquelles les lois et règlements ne peuvent
que très-difficilement avoir de prise.
Il y a d'abord la chenille grise, à tête noire, qui attaque trop souvent nos futaies,
nos taillis et nos doubles fossés de chêne.
Comment veut-on qu'on puisse les atteindre au sommet des arbres, qui ont de 15 à 25 mètres de hauteur,
alors surtout que sous l'influence de la température elles se développent tout d'un coup sur une contrée entière.
Il n'y aurait qu'un seul moyen efficace, abattre tous les arbres, ce qui constituerait une perte dix mille fois plus forte que celles causées par toutes les chenilles de la région
Il y a encore la petite chenille blanche, qui très-souvent se développe dans la fleur du pommier et détruit la récolte
en quelques jours, contre laquelle la science et les arrêtés préfectoraux ont complètement perdu tous leurs droits.
On voit donc que la loi de l'an IV est à refaire ;
aussi un député, M. Ducuing, en a demandé la révision ;
mais on l'a renvoyé à la loi du Code rural que l'on promet
depuis soixante ans, c'est-à-dire aux calendes grecques.
En attendant c'est aux comices et aux propriétaires intelligents à démêler
ce qu'il peut y avoir de pratique dans la loi de l'an IV, pour atténuer le ravage des chenilles qui sont le plus à la portée de la main de l'homme.
Dans notre pays, nous ne connaissons que deux variétés de chenilles,
contre lesquelles les arrêtés préfectoraux pourraient avoir un peu d'effets :
1° la chenille du choux ;
2° celle des haies d'épine.
En s'y prenant dès le commencement de l'invasion, la chenille du choux,
dont le papillon couleur orange fait ordinairement le bonheur
des petits enfants, peut être combattue, par l'échenillage à la main,
la chaux vive en poudre et surtout par le souffre en poudre ;
encore dans certaines années l'invasion est-elle si forte et si prompte, qu'aucun moyen ne saurait l'arrêter.
Quant à la chenille noire des haies d'épine, dont le papillon est très-petit et de couleur grise, nous pensons qu'on peut plus facilement en venir à bout ; mais il faut agir dès le début.
Voici le moyen que nous avons vu employer avec le plus d'efficacité.
Dès le mois d'avril, il faut qu'un homme armé d'un bâton visite toutes
les baies et donne un coup sec sur tous les nids de chenille qu'il apercevra.
Huit jours après, il fera la même tournée et continuera l'opération
jusqu'à ce que tous les nids soient détruits.
Les jeunes chenilles ayant ainsi perdu l'abri de leurs nids périront toutes
par la rosée et la pluie.
Nous connaissons un de nos voisins qui depuis six ans a complètement préservé de l'invasion des chenilles plus de 3 kilomètres de haie,
et cela moyennant 6 francs par année.
François Ducuing