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Fenêtres sur le passé
1872
Appel à toutes les femmes
pour la Libération du Territoire
Source : Le Finistère février 1872
Source :
L'Union médicale :
Journal des intérêts scientifiques et pratiques, moraux et professionnels du corps médical
Auteur :
M. Legouvé
Je crois devoir placer sous les yeux de mes lecteurs — je n’ose dire de mes lectrices — le poétique et chaleureux appel qu’adresse à toutes les femmes une autre dame
de notre confrérie, Madame Léocardie Penquer, douce, aimable et aimée poète,
dont le mari, notre distingué confrère, fait preuve de haute intelligence
et de grand dévouement dans les fonctions difficiles de maire de Brest.
La croix d’honneur, qu’il vient de recevoir pour ses services médicaux
pendant la guerre, ne pouvait être placée sur un plus noble cœur.
Oui, je le dis, comme je le pense, du plus profond de mon cœur,
si l'initiative de nos femmes hâtait notre libération,
nous serions relevés aux yeux du monde.
Gabriel Jean Baptiste Ernest Legouvé
Écrivain français, dramaturge, poète, moraliste,
défenseur des droits des femmes
et critique,
Né le 14 février 1807 à Paris
Mort le 14 mars 1903 à Paris.
Auteur :
Madame A. PENQUER , Brest le 3 février 1872
Appel à toutes les femmes pour la Libération du Territoire
Venez toutes, venez ! mains pleines, cœurs ouverts.
Accourez, rachetez ! soyez les rédemptrices !
Mères de l'Avenir, reines de l'Univers,
Chrétiennes, soyez donc les régénératrices !
Faites ce que jadis les Romaines ont fait.
Apportez la rançon, illustrez l'Épopée !
Enchaînez, dans votre or, le vainqueur qui nous hait,
La main qui nous soufflette et brisa notre épée.
Faites mieux. Imitez vos mères d'autrefois,
Ces femmes aux cœurs forts, aux âmes surhumaines,
Puissances qu'Annibal proclamait dans ses lois.
Gauloises, n'enviez rien aux femmes Romaines ;
Mais enviez ce bien que vos mères rêvaient,
La Liberté, toujours unie à la justice ;
Mais enviez ces dons que vos mères avaient :
Amour et dévouement, courage et sacrifice.
Venez, n'attendez pas ! jamais l'amour n'attend ;
Jamais le dévouement ne dit : « Il faut qu'on m'aide ! »
Le courage jamais n'hésite un seul instant,
Et l'entier sacrifice offre ce qu'il possède
Accourez ! La Patrie opprimée est en deuil.
Il faut faire cesser le deuil de la Patrie,
Rendre la libre joie à notre triste seuil,
La goutte d'espérance à la source tarie.
Accourez ! apportez votre or. Faites cela.
Soyez le grand exemple, acceptez le grand rôle ;
Arrachez à vos fronts la perle et donnez-la.
Si vous n'avez pas l'or, donnez la sainte obole.
Rien n'est peu, rien n'est trop. Ici la loyauté
Compte seule. Elle compte avec la conscience.
Donnez le superflu cher à votre beauté.
La beauté n'a besoin ni d'art, ni de science.
La beauté, c'est le charme, et le charme, c'est tout.
Tout : Quand le feu de l'âme illumine le charme,
Il se nomme prestige, il commande partout,
Partout il est vainqueur. Qu'il devienne votre arme !
Un regard, un sourire, une larme, un appel.
C'est le charme. La femme implore, l'homme donne.
Dieu, qui les a créés tous deux enfants du Ciel,
Veut que l'homme soit bon, lorsque la femme est bonne.
Être bonne n'est pas assez, il faut agir.
Agissez ! balayez le sol du territoire :
Chassez cette lionne encor prête à rugir :
La guerre ! Travaillez pour la France et l'histoire.
Femmes, vous frémissez ! ces mots vous font frémir :
La guerre ! c'est-à-dire un monceau d'hécatombes.
Des voix chères qu'en rêve on écoute gémir,
Et vos cœurs, tous vos cœurs enfermés dans des tombes !
O Mères, vous pleurez ! Ces mots vous font pleurer :
La guerre ! sacrilège, horreur !... Cela veut dire
Vos fils qu'on prend, vos seins qu'on vient de déchirer ;
Cela veut dire : Crime en haut, en bas, martyre !
Eh bien ! cessez vos pleurs. Plus de guerre, et, demain,
Si vous le voulez bien, la gloire rachetée,
L'honneur repris, l'honneur sauvé par votre main !
Le sol libre, la paix bénie et respectée !
Mais pour cela soyons ensemble, unissons-nous !
Toutes, n'ayons qu'un vœu, n'ayons qu'une espérance.
Riches, pauvres, n'ayez qu'un mot. Comprenez-vous ;
Et, Françaises, n'ayez qu'un but : Sauver la France !
Venez donc ! accourez ! le front haut et l'œil fier.
Portez deniers de cuivre, onces d'or, pierres fines.
Rachetez le passé. Demain efface hier.
Femmes d'hier, demain vous serez héroïnes !
Léocadie Hersent-Penquer,
née le 14 février 1817
au château de Kerouartz à Lannilis
et morte le 19 décembre 1889,
est une poétesse française, dite la muse brestoise.