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Fenêtres sur le passé

1870 Septembre​

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Chronique de guerre dans le Finistère

Source : L’Électeur du Finistère septembre 1870

 

Vendredi 9 septembre

 

M. Chevrillon, capitaine d'artillerie, à la direction d'artillerie maritime de Brest, a pu, à force de persistance,

échanger le poste sédentaire qu'il occupait dans notre ville contre  les dangers de la défense de Paris.

 

M. Chevrillon a quitté Brest hier par le train de midi.

 

II est marié et père de famille ; rien ne l'a arrêté.

 

Il donne ainsi à tous un éclatant exemple de patriotisme.

 

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M. Le Scieller nous mande qu'il se met lui-même et qu'il met à la disposition de la République son personnel

et la vaste salle de son établissement, pouvant contenir 200 lits, pour les blessés de nos armées.

 

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Lundi 12 septembre

 

Sur la demande de M. le sous-préfet, un dépôt de poudre de chasse, réclamé depuis longtemps à Brest,

vient d'être accordé à notre ville.

 

Ce dépôt sera approvisionné de 2,000 kilogrammes, quantité suffisante pour plusieurs années de chasse.

 

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Les municipalités et les gardes nationales auront à organiser des ateliers pour la confection des cartouches.

 

La direction d'artillerie se met à la disposition des municipalités pour diriger et conseiller le travail.

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Hier, le 2e bataillon de la garde mobile est parti pour Paris, accompagné jusqu'à la gare par une foule

de trois mille personnes au moins, qui témoignait aussi de ses vives sympathies pour nos braves compatriotes auxquels incombe l'honneur de la défense nationale.

 

La compagnie des pompiers et un détachement de 60 hommes de l'infanterie de marine ont fait escorte

à nos soldats citoyens.

 

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 Un Exemple de patriotisme.

 

M. A. Perron, receveur de Rentes, a spontanément mis, à titre gratuit, à la disposition du Génie militaire,

pour l'exécution des travaux de défense de la Place de Brest, un attelage de trois chevaux avec un tombereau

et un conducteur pendant tout le temps nécessaire aux charrois qui s'exécutent en ce moment.

 

Il est à désirer que cet exemple patriotique trouve de nombreux imitateurs.

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Une dépêche adressée par M. de Kératry à Madame Alleyron et dont

on a bien voulu nous communiquer la teneur annonce que M. Alleyron, colonel au 2e régiment de l'infanterie de marine, a été fait prisonnier.

 

M. de Kératry a fait parvenir aujourd'hui par la poste à M. le Sous-Préfet

de Brest tous les renseignements connus jusqu'à ce jour sur les pertes

tant en prisonniers, qu'en tués ou blessés éprouvées par ce régiment

qui avait toutes les sympathies de notre ville, et dont la conduite

a été si splendide sur le champ de bataille.

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Louis Eugène Alleyron

Colonel le 16/3/70,

il prend la tête du 2e régiment

participe aux combats de Bazeilles

et de Sedan lors de la guerre de 70.

Prisonnier à la capitulation de Sedan,

il revient en France en mars 71 à Brest.

En 1872, il est nommé commandant militaire

en Nouvelle Calédonie, qu'il administre

après le départ de son gouverneur

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En prévision de l'arrivée des blessés à Brest, les Dames de Charité de Recouvrance veulent bien mettre à la disposition de l’administration un local pouvant servir d'ambulance.

 

M. le docteur Foll, chirurgien de première classe de la marine, en retraite, se charge d'en prendre la direction.

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Contrairement au bruit qui avait couru nous sommes en mesure d'assurer qu'il y a à Brest

12 millions de capsules excellentes pour les fusils à percussion.

 

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M. Léon Faucher, ingénieur des poudres et salpêtres au pont du Buis, assure à la garde nationale

la quantité de poudre à chassepot nécessaire à la confection de 90,000 cartouches.

 

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La goélette prussienne Annchen, capitaine Meyer, capturée le 1er septembre, aux environs de Falmouth

par le Tysiphone, qui avait relâchée à Portsall, a été conduite à Brest et rentrée dans le port militaire hier matin

par le vapeur le Souffleur.

 

Ce navire jaugeant 179 tonneaux et monté par 8 hommes d'équipage, allait de Porto-Plata à Cuxhaven,

avec un chargement de tabac.

 

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Mercredi 14 septembre

 

Nous demandons pardon à notre excellent et aimé collaborateur de livrer à la publicité une lettre qui nous a été personnellement adressée ; mais s'il nous en veut un peu de notre indiscrétion,

nos lecteurs en revanche nous en remercieront :

 

Mon cher Rédacteur en chef,

 

Cette lettre sera sans doute la dernière que je vous adresserai

de Quimper.

 

Je viens de m'engager dans le bataillon de la mobile, où figure

mon frère, déjà parti ce matin pour préparer le casernement.

 

Ma prochaine lettre vous parviendra de Paris,

si les Prussiens le permettent.

 

Je n'étais pas né militaire ;

et vous savez, aussi bien que nos lecteurs, si j'avais quelqu’inclination à me prosterner devant la gloire des armes.

 

Mais le danger national m'a converti, jusqu'à la paix,

et j'en suis venu à penser qu'un républicain ne peut envier en

ce moment de titre plus beau que celui de soldat de la République.

 

Je tiens, en prenant congé pour peu de temps, je l'espère,

de la rédaction de l’Électeur, à vous dire combien je suis heureux des bonnes relations qui se sont établies entre nous

et qu'il ne tiendra pas à moi de ne pas reprendre bientôt.

 

Gardez bien en mon absence notre chère République :

que l'Électeur la fasse aimer dans la Bretagne ;

qu'il enseigne ses mérites aux aveugles qui n'ont pas su voir jusqu'ici qu'elle était le salut.

 

Victorieuse ou vaincue, elle sera le suprême asile de la France,

et le dernier mot de la civilisation en Europe.

 

Vive la République !

 

À vous de cœur.

 

Louis HÉMON.

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Hemon,_Louis.jpg

Louis Hémon est un homme politique français

né le 21 février 1844 à Quimper (Finistère)

et décédé le 4 mars 1914 à Paris.

Fils d'un professeur du collège de Quimper, il devient avocat au barreau de Quimper et fonde un journal républicain, "Le Finistère".

Battu aux élections de 1871, il est par contre élu député républicain du Finistère, dans l'arrondissement de Quimper, en 1876.

Signataire en mai 1877 du manifeste des 363, il est constamment réélu, sauf en 1885, où le scrutin de liste lui est fatal, la liste républicaine n'ayant eu aucun élu dans le Finistère.

Il fut aussi de 1892 à 1912 conseiller général du canton de Fouesnant et conseiller municipal de Fouesnant.

En 1912, il est élu sénateur et meurt en fonctions

en 1914.

Il s'intéresse exclusivement aux intérêts de ses électeurs et connait son heure de gloire en 1897,

lors d'un discours sur la validation d'un prêtre catholique, élu à Brest, où il dénonce les ingérences

du clergé dans les élections.

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Lundi 19 septembre

 

Enseignement utile

 

Dans la cartouche à balle oblongue, la pointe de la balle est engagée dans le corps de la cartouche.

 

En conséquence, pour charger son arme, le soldat après avoir amorcé, prend une cartouche, la porte à la bouche, saisit avec les dents l’extrémité du papier qui est engagé dans l'étui ; le déchire le plus près possible du carton

et verse la poudre dans le canon.

 

Il retourne ensuite la cartouche, engage dans le canon la partie cylindrique de la balle, qui est graissée

jusqu'à la naissance de l’ogive, rompt le papier de l'enveloppe et jette l'étui.

 

Le soldat tire ensuite la baguette et enfonce la balle jusqu'à ce qu'elle repose sur la charge de poudre ;

il l'assure dans cette position par deux coups de baguette modérés.

 

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Il faut du zèle ! Pas trop n'en faut !

 

Le préfet de police a appris que quelques abus regrettables ont été commis sous prétexte d'espionnage,

des citoyens ont été arrêtés dans leur domicile sans mandat régulier.

 

Le préfet de police rappelle que nul ne peut, sans ordre de la justice, pénétrer chez un citoyen,

ni porter la main sur sa personne.

 

La loi punit de peines sévères la violation de domicile et l'arrestation arbitraire.

 

Le préfet de police fera exécuter la loi et traduira devant les tribunaux ceux qui la violeraient.

 

Mais il est convaincu que cet avis suffira ;

il place la liberté du citoyen et de son foyer sous la sauvegarde du patriotisme de la garde nationale.

 

En face de l'ennemi, le scrupuleux respect de la loi est la première défense de la cité.

 

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Le conseil municipal de Brest, dans sa réunion de samedi, a voté, à l'unanimité, sur la proposition

de l'un de ses membres, les résolutions suivantes :

 

I° - Une somme de cent mille francs sera immédiatement consacrée, par la ville de Brest, à l'achat de fusils perfectionnés à tir rapide, munis de 400 cartouches par fusil, ces armes devant être distribuées aux compagnies

de tirailleurs volontaires, qui se formeront dans la garde nationale de Brest, pour se porter en avant de l'ennemi ;

 

2° Une liste de souscription sera en outre ouverte, à la mairie, pour livrer, au prix coûtant, les fusils perfectionnés

que fera venir la ville, soit aux tirailleurs volontaires qui voudraient être propriétaires de leurs fusils,

soit aux citoyens qui, ne faisant pas partie de ces tirailleurs, voudraient néanmoins contribuer à la formation

de ces corps si utiles, en armant un ou plusieurs tirailleurs de ces armes qui coûteront environ 90 fr. l'une,

avec l'approvisionnement de 400 cartouches.

 

Dans ces conditions, l'armement de la garde nationale de Brest ne laissera rien à désirer.

 

On sait en effet qu'elle est munie, depuis quelques jours de fusils rayés offrant toute garantie comme portée

et précision de tir, et excellents pour le service de défense des remparts, service auquel se limiterait, sans doute,

le cas échéant, la majeure partie de la garde sédentaire.

 

En armant en outre 1,000 ou 1,200 de ses gardes nationaux à l'aide de fusils perfectionnés à tir rapide,

la ville de Brest donne toute facilité à ceux de ses habitants qui, répondant à l'appel qui leur est fait, iraient,

si cela devenait nécessaire, combattre l'ennemi en campagne et servir d'auxiliaire à l'armée régulière.

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La garde nationale sédentaire commence à se former dans notre ville.

 

Les compagnies font des exercices journaliers et manœuvrent déjà avec assez d'ensemble.

 

Le zèle des gardes nationaux stimulé par les malheurs de la patrie, fait que peu d'hommes manquent aux exercices,

et le maniement des armes s'exécute déjà convenablement grâce au dévouement d'instructeurs volontaires

parmi lesquels nous nous plaisons à citer le capitaine en retraite Blarés qui a bien voulu mettre sa vieille expérience au service de la première compagnie du troisième bataillon.

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Nous avons remarqué toutefois que peu de gardes nationaux étaient habillés et équipés et nous comptons beaucoup sur le bon vouloir de nos concitoyens pour qu'à cet égard notre garde nationale ne laisse rien à désirer

d'ici à quelques jours.

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Plusieurs militaires du 2e d'infanterie de marine sont arrivés de Sedan à Brest.

 

L'un d'eux, Ourdel, musicien, a pu, au milieu de mille dangers, sauver le drapeau que lui avait confié le colonel Alleyron.

 

Après avoir risqué plusieurs fois sa vie, traversant les bois, fuyant l'ennemi

qu'il rencontrait à chaque pas, enterrant fréquemment l’étendard,

et aidé dans sa courageuse mission par une femme du pays qui a caché l'aigle dans son corsage, il est enfin parvenu à gagner la Belgique, où,

comme les autres soldats français, il reçut l'hospitalité la plus empressée.

 

D'autres militaires que nous avons vus, s’accordent à louer

cet accueil des belges.

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On s'empressait autour d'eux, leur offrant nourriture et déguisement pour fuir, et c'est grâce à nos voisins

que déjà bon nombre d’échappés du désastre de Sedan ont pu rejoindre la France.

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Des compagnies du 3e bataillon de garde mobile de Landerneau vont être casernées au fort de Quélern.

 

Les autres hommes de ce bataillon devront aussi rallier Brest

à moins que la députation de Landerneau n'obtienne

qu'ils restent dans leur ville.

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Nous sommes heureux d'apprendre, par une lettre de Varennes

du 4 septembre, que M. le commandant Lambert

n'est que blessé ; il a été fait prisonnier à Bazeilles,

avec d'autres officiers, après une vigoureuse défense.

 

Nous croyons aussi savoir que MM. les capitaines Arot et Bourchet sont également prisonniers.

 

On suppose que ces officiers ont été dirigés sur Munich.

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Arsène Mathurin Louis Marie Lambert

est un officier général français,

né le 23 juin 1834 à Carhaix (Finistère),

mort le 11 janvier 1901 à Paris.

Il s'est illustré dans la prise de contrôle

du Sénégal par la France

et dans la guerre de 1870.

Il a été élu du Finistère

pour un bref mandat au Sénat en 1900.

Grand-officier de la Légion d'honneur.

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Nous recevons avec prière d'insérer la lettre suivante :

 

Audierne, 15 septembre.

 

 Monsieur le directeur,

 

Les élections des officiers et des sous-officiers de la garde nationale d'Audierne

ont donné pour capitaine M. Delécluze, le candidat du conseil d'arrondissement dont l’Électeur du Finistère

a signalé les manœuvres électorales.

 

Le lieutenant, le sergent-major, un sergent, un caporal et un simple garde national par représentation

de tous les grades et du simple garde national de la compagnie

(moins celui de sous-lieutenant donné au commis de M. Delécluze père), mécontents du choix de l'intrigue

ont donné leurs démissions à Monsieur le Préfet, ne voulant pas être sous le commandement au moment

où il faut s'attendre à aller combattre l'ennemi, d'un homme sans aucune connaissance militaire

et dont les opinions ne leur offrent aucune confiance.

 

Mais comme ils veulent, cependant, servir leur patrie et la défendre ils ont demandé à M. le préfet

l’autorisation de la former en francs-tireurs.

 

Il faut espérer que M. le Préfet fera comprendre à M. Delécluze, que n'étant pas l’homme

que les démissionnaires désirent, il doit se retirer afin d'éviter des refus d'obéir,

d'autant plus que les instructions prescrivaient de prendre les chefs parmi les anciens militaires.

 

Les démissionnaires et autres se livrent aux exercices, mais quant à M. Amédée Delécluze,

il n'a pas donné signe de vie depuis les élections.

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APPEL AUX BRETONS

 

Nous empruntons à l’Avenir de Rennes cet appel dicté par une noble et puissante inspiration :

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Auteur : 

Valentine Vattier d'Ambroyse (1835-1891) - Femme de lettres, auteur de romans

Noms de plume                                

Valentine Vattier d' Ambroyse (1835-1891)

Valentine Vattier (1835-1891)

Charles-Félix Aubert (1835-1891)

Étienne Basély (1835-1891)

Valentine Basély (1835-1891)

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BRETONS !

 

La patrie est en danger !

 

Ce cri jeté par les hommes héroïques de 1792 embrasa le pays et le sauva d'une première invasion.

 

La patrie est en danger ! répètent les courageux justiciers du régime impérial et, comme en 1792, la France tressaille, s’indigne et, bientôt redevenue elle-même, elle terrassera l’ennemi qui croit la tenir râlante sous son pied.

 

Par le nombre de ses bataillons qu'il ne craint pas de sacrifier à son ambition,

Guillaume de Prusse a terrassé deux de nos armées.

 

Il a déjà eu la gloire de contempler, couchés sur les champs de bataille,

les cadavres de plus de trois cent mille combattants, et croyant à sa fortune,

il veut couronner l'œuvre en déshonorant Paris !

 

Bretons! le laisserez-vous faire ?

 

Non, n'est-ce pas ?

 

Vous vous rappellerez que Paris a longuement combattu pour votre affranchissement.

 

Qui ? sinon Paris, a donné son sang pour conquérir à la patrie commune le droit de vivre libre !

 

Qui ? sinon Paris, a consacré son intelligence à revendiquer par le peuple le droit sacrée de la pensée.

 

Souvenez-vous, Bretons, de ce que vous étiez devant la première République.

 

Courbés sous le joug, enchaînés à la glèbe, vous n'étiez rien,

rien que les producteurs du bien-être de quelques privilégiés.

 

Esclaves, il vous fallait subir tous les maux de l'esclavage.

 

On alla même jusqu'à essayer de vous cacher la lumière venue de l’Orient et, quand Paris lança au monde entier

son défi à la tyrannie, on voulut vous faire croire que vous deviez vous armer contre la liberté

qui vous tendait les bras !

 

Un instant ce piège vous retint ;

mais la vérité vous fut bientôt connue, et maintenant vous savez ce que veut dire ce mot viril :

République, c'est-à-dire union des peuples dans la liberté.

 

Auprès des nobles efforts tentés par les hommes qui portent si haut le drapeau de notre nouvelle République,

vous enregistrez l’ignominie de celui qui se disait l'élu du peuple,

et qui ne profita de son succès inouï que pour mieux tromper, avilir et anéantir le peuple encore une fois crédule.

 

Et, dans l'adversaire incapable que nous devons combattre,

vous reconnaissez les monstrueuses théories au nom desquelles, Bretons, on vous soulevait jadis.

 

Vous voyez un roi qui, pieusement, se dit l’instrument de Dieu,

et a soin de le remercier avec effusion après chaque victoire.

 

Puis, dans l’intervalle, ce roi justicier et qui avait déclaré ne faire la guerre qu'a un homme,

ce roi ordonne non moins pieusement de brûler les villes, parce qu'il n'ose s'attaquer à leurs remparts.

 

Il fait fusiller ceux qui, les armes à la main, défendent leurs foyers, et laisse ses soldais piller, outrager,

voler, ruiner tout sur leur passage.

 

Ah ! qu'ils sont bien semblables ces rois, quelle que soit leur croyance.

 

Bretons, vous comprenez l'aveuglement des peuples germains traînés à la remorque de Guillaume de Prusse.

 

Vous savez que ces peuples aujourd'hui enivrés par l’odeur sanglante de leurs conquêtes,

oublient qu’ils vont retrouver, eux aussi, leurs pays ruinés par ces luttes horribles,

et qu’un joug de fer va être le fruit de tout le sang qu’ils auront versé pour la prétendue cause allemande.

 

Nous, du moins, si nous devions succomber, du milieu de nos ruines, nous pourrons dire :

« Nous mourons libres ! »

 

Et ce mot de liberté a tellement effrayé Guillaume, qu'il veut nous infliger pour punition de notre courage,

la restauration du lâche qui nous a perdus !

 

Bretons ! le souffrirez-vous ?

 

Non, vous viendrez au secours de Paris ;

de Paris qui une fois encore, sauve du naufrage l’idée régénératrice et, dans une étreinte suprême, vous saurez,

fiers enfants de la terre de granit, rejeter dans leurs marais ces insolents triomphateurs.

 

Vous vous rappelez que le grand mot de nos pères les Celtes :

« Vainqueurs ou morts ! » n'a pu être déshonoré parce qu’une bouche vile l'a prononcé,

sans avoir le courage de s'en souvenir au jour de l'épreuve.

 

Vous vous rappelez qu'accablés, eux aussi, par le nombre, nos ancêtres ne se rendirent jamais,

et qu'à la place des villes florissantes dont César croyait s'emparer, il ne se trouva que des ruines.

 

Bretons !

 

Paris vous est souvent représenté comme une cité mille fois plus corrompue que l'antique Babylone ;

mais vous savez ce que ces déclamations ont d’intéressé et vous accourez à la défense de la ville

qui entretient le feu sacré de la Liberté.

 

Faites le désert autour de Guillaume de Prusse et de ses hordes, faites que pris entre vous et les murailles parisiennes, ils meurent sans secours possible.

 

Alors, nous tous Bretons, qui avons quitté nos landes, nos grèves, nos forêts de chênes, mais sans les oublier jamais, nous y acclamerons doublement nos libérateurs, et moi voix obscure, je dirai avec vous :

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«  Bretons ! notre vieille devise : « Plutôt mourir que se salir. » n'a pas encore reçu d'atteinte

et c'est en la répétant que nous avons payé notre dette à la Liberté,

et que nous avons su empêcher le monde moderne de retomber sous le joug de la barbarie ! »

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Mercredi 21 septembre

 

La Bretagne à Paris

 

Le Gaulois nous donne de nos vaillants compatriotes les nouvelles suivantes :

 

Ce matin sont arrivés à Paris 22.000 Bretons, binious,

musettes et violons en tête.

 

En arrivant sur la place du Château d'Eau, ils ont joué l'air favori de :

La Nigousse, ma douce.

 

Cet air rappelle à peu de chose près celui de la Closerie des genêts.

 

Ils ont eu un succès énorme.

 

Nous sommes certain que la bravoure des Bretons leur méritera bientôt autant et plus d'applaudissements que leur symphonie improvisée

sur le boulevard Saint Martin.

 

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D’ailleurs, leur chant sera bien plus de circonstance après la victoire qu'avant le combat.

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VILLE DE BREST

 

Organisation de Corps francs de Volontaires ou Tirailleurs de la Garde nationale sédentaire.

 

Le Conseiller municipal délégué, remplissant les fonctions de Maire, informe ses concitoyens

que le comité de défense de l’arrondissement de Brest, vient de décider la création immédiate de Corps francs

formés de volontaires et destinés à opérer dans un rayon plus étendu que celui du canton.

 

Ils porteront le nom de Tirailleurs de la Garde nationale.

 

Les hommes composants ces Corps francs seront armés de fusils perfectionnés.

 

Ils recevront une paie de 1 fr. 50 par jour toute s les fois qu'ils seront déplacés en dehors de leur canton ;

sur cette somme, 50 centimes seront attribués à la famille.

 

Le chiffre ci-dessus sera même augmenté au moyen des ressources d'une caisse formée de souscriptions particulières et de la solde des Tirailleurs qui tiendront à servir gratuitement.

 

Les Tirailleurs porteront les signes distinctifs nécessaires pour leur assurer le traitement de prisonniers de guerre, dans le cas où ils tomberaient aux mains de l’ennemi.

 

Ils seront divisés en compagnies de 40 à 50 hommes.

 

Tout Tirailleur qui serait tué à l'ennemi ouvrirait à sa veuve un droit à une pension.

 

Ces corps de volontaires devront se recruter particulièrement parmi les chasseurs, anciens militaires

et autres hommes familiers avec le maniement des armes.

 

Il est bien entendu que le service dans les corps dont il s'agit ne dispense de l'appel ni pour l’armée active,

ni pour la garde mobile.

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Depuis aujourd'hui, l'exercice est dit-on, obligatoire pour les gardes nationaux sédentaires.

 

En effet, nous voyions ce matin les compagnies se dirigeant vers la place de la Liberté ;

mais elles ne nous semblaient  pas être complètes.

 

Un avis officiel de l’administration municipale serait nécessaire ;

il serait aussi urgent, si cela n'est pas encore établi, d’organiser un conseil de discipline

qui stimulerait les citoyens trop paresseux au réveil.

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