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Fenêtres sur le passé
1870 Décembre
Lettres de Conlie
Source : L’Électeur du Finistère décembre 1870
Mardi 13 décembre
On écrit de Conlie à l'Union Démocratique de Nantes :
Nous avons ici beaucoup de paysans qui ont braconné,
malgré la loi sur la chasse, et qui sont d'excellents tireurs.
La nourriture est bonne.
Il en est qui boivent du cidre et qui le soir avec leur vin font du vin chaud.
Nous ne souffrons pas du froid comme nous le redoutions.
De nombreux bataillons de mobiles et de mobilisés ont quitté le camp, et sont en avant du Mans, sur la route de Paris.
Ils sont bien équipés, bien armés et savent manœuvrer.
Vous en entendrez parler.
Mais ne croyez pas que le camp soit bien dégarni, nous sommes encore quarante mille hommes,
et demain ou après-demain, nous serons bien près de cinquante mille.
Nous attendons encore quatre bataillons de mobiles de la Loire-Inférieure ces jours-ci.
Ainsi se réorganise la nouvelle armée.
En effet, le bataillon de Châteaubriant a ordre de partir et deux autres viennent de se mettre en route,
l’un le 7, l’autre le 8.
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Mardi 20 décembre
Monsieur le maire de Quimper vient de transmettre à Monsieur le Rédacteur en chef de "la Vigie",
avec prière d'insérer, la lettre et les procès-verbaux suivants :
À Messieurs le Maire et Conseillers municipaux de la ville de Quimper.
Messieurs,
J'ai l'honneur de vous adresser sous ce pli deux procès-verbaux contenant les faits relatifs à la mission
que vous m'aviez confiée auprès de l'Armée de Bretagne.
Avant de quitter nos chers compatriotes j'ai visité avec mes collègues le bivouac d'Yvré-l'Évesque,
près le Mans et le camp de Conlie ;
une deuxième fois, nous avons acquis la certitude que le service des ambulances était établi
avec tous les soins désirables et que les militaires atteints de maladies graves étaient dès le début évacués
sur les hôpitaux de Rennes et autres villes ;
je n’ai pas besoin de vous dire MM. Les aumôniers prodiguent leurs soins et leurs consolations avec la sollicitude
qui leur est habituelle.
Les renseignements de ma lettre au sujet des ambulances de Conlie remontent au 23 et 25 novembre ;
à cette époque, l’ambulance du Finistère et de la marine était administrée par M. Coast, médecin,
professeur très distingué de la marine ;
de plus, je sais par M. Rochard, directeur du service de santé à Brest, que de nombreux approvisionnements
de toute nature avaient été envoyés au camp, de sorte que mon appréciation était, j’en suis persuadé,
conforme à la vérité et à la réalité des choses.
Il y avait très peu de malades et on les dirigeait sur *** dès que leur état semblait devenir grave.
Comme cela a eu lieu devant moi pour M. Bazin, de Landerneau.
Permettez-moi de vous exprimer, en terminant, Messieurs, les sentiments d'admiration et de reconnaissance
que je conserve pour ces hommes de tout âge et de toutes conditions, soumis au devoir et prêts à sacrifier leur vie avec empressement et un dévouement inspiré par leurs croyances religieuses et leur patriotisme ;
ils donnent un noble exemple à la France, car avant même que leur instruction militaire soit complète,
ils savent mourir sur le champ de bataille en dignes enfants de la vieille Armorique.
Veuille agréer, Monsieur le maire et Messieurs les conseillers municipaux,
l'assurance de ma considération respectueuse.
Monjaret de Kerjégu.
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Mardi 20 décembre
Ce jour, 27 novembre 1870, les soussignés :
1° M. Couannnier, Aristide, délégué d'Ille-et-Vilaine ;
2° M. Piedvache, délégué des Côtes-du-Nord ;
3° M. Morio, délégué du Morbihan ;
4° M. Moujaret de Kerjégu, délégué du Finistère,
Se sont réunis au bourg de Conlie.
MM. Couannier, Piedvache et Kerjégu ont exposé qu'ils se sont présentés au camp de Conlie, le 23 courant, conformément à la convocation qui leur avait été adressée par MM. les Préfets de leurs départements.
Le général de Kératry et M. Carré-Kerisouët ayant déclaré qu'en présence des faits de guerre qui se produisaient,
il semblait convenable d'ajourner la réunion, M. le commissaire général nous a invités à nous rendre à Laval.
Les trois délégués susnommés, ayant obtempéré à cette invitation,
ont rencontré dans cette dernière ville leur collègue, M. Marion.
Après avoir attendu plusieurs jours les communications de M. le commissaire général,
les délégués se sont rendus de nouveau ce jour, 27 novembre, au camp de Conlie,
et n'y ayant pas rencontré ce haut fonctionnaire,
ils se sont mis en rapport avec M. Charlon, commissaire général adjoint.
Après échange d'observations, ils sont restés d'accord de se réunir le soir même au bourg de Conlie.
M. le commissaire général adjoint, accompagné de M. Dubreuil, commissaire aux subsistances,
s'y est rendu à l'heure convenue ;
il a fait connaître sommairement les faits relatifs à l'organisation de l'intendance et il a indiqué divers marchés
en cours d'exécution, lesquels nous paraissent avoir une durée suffisante pour assurer le service
pendant un certain laps de temps.
Après avoir remercié M. le commissaire général de sa communication, nous lui avons dit que par-dessus tout
notre désir était de n'apporter aucune entrave aux différents genres de services ;
nous lui avons fait connaître ensuite le but et la portée de notre mission.
Selon nous, elle ne doit commencer que du moment où nous entrons en fonction et consister :
1° À donner un simple avis sur la teneur des principaux marchés avant qu'ils ne soient revêtus de l'approbation
du commandant en chef ;
2° À contrôler la comptabilité en temps et lieu.
Pour atteindre ce but, nous avons prié M. le commissaire général de nous remettre la liste des marchés
en cours d'exécution.
Nous avons exprimé de la manière la plus formelle que nous entendions que l’initiative et l’action appartenaient exclusivement à M. le commissaire général
Enfin nous lui avons fait part de notre satisfaction pour le talent et l’énergie qu’il avait déployés afin de satisfaire
aux exigences d’un service considérable établi dans un temps si court et au milieu de circonstances difficiles.
Nous sommes heureux d’ajouter que, pendant nos visites au camp,
nos compatriotes nous ont manifesté leur contentement sur l’abondance et la bonté de la nourriture.
M. le commissaire général nous a répondu que, dans son opinion, notre mission concernait le passé aussi bien
que les opérations à venir.
Après cet échange de communications, nous avons décidé qu’il était indispensable d’avoir une entrevue
avec M. Carré-Kerisouët afin d’établir d’une manière bien positive le but de la mission que nous avions à remplir
et pour laquelle nous avions été appelés.
Signé : Monjart de Kerjégu, Ch. Morio, A Couannier et Piedevache.
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Jeudi 29 décembre
De M. Marion, Chef de l'ambulance du Finistère.
… Extrait …
Nos malades étaient à cette époque, disséminés dans trois baraques en planches mal jointes,
qui laissaient passer la pluie et le vent : l'une d'elles était spécialement affectée à nos varioleux.
Chacune de ces baraques, qui n'avaient alors ni plancher, ni poêle,
renfermait 20 lits de camp toujours insuffisants pour les malades qui nous étaient envoyés.
Il en résultait que les derniers arrivés étaient couchés sur la paille reposant sur un sol humide et boueux,
dans l'intervalle de deux lits.
Nous avons eu ainsi 30 malades, sans compter les infirmiers, couchant à la fois dans une salle de 20 lits.
Notre matériel de literie était composé comme il suit :
50 paillasses (pour une moyenne de 60 malades)
14 paires de draps
20 taies d'oreiller,
1 pinte à tisane pour 6 hommes.
Pas une chemise, pas un gilet de flanelle, pas un matelas.
L'alimentation, je l'ai dit et je le répète, était la même que celle des biens portants,
c'est-à-dire consistait en 300 grammes de bœuf et 25 centilitres de vin.
Est-ce donc là tout ce que peut désirer un malade : je laisse à vos lecteurs le soin de répondre.
Quant à moi, je crus ne pas faire en leur nom une demande exorbitante en demandant
au Magasin Central de l'ambulance où étaient versés les envois de toute espèce faits à
l'armée de Bretagne sans désignation spéciale de département :
50 paires de drap.
10 gilets de flanelle.
10 bonnets de coton.
20 lits de fer pour la salle des officiers, des couvertures en assez grand nombre.
À cette époque, on plaça des planchers et des poêles dans toutes les baraques.
Le 8, je reçus un premier don de 25fr. puis le 9 de 40 fr., et je pus, à partir de cette date bien postérieure,
vous le voyez, à celle de la visite des délégués, varier un peu le régime de nos malades.
On a dit ensuite que tous les malades gravement atteints étaient évacués ;
telle n'a jamais été heureusement pour nos malades la ligne de conduite suivie dans notre ambulance.
À l'exception des varioleux, qu'au début nous évacuions par ordre, nous conservions tous ceux qui ne pouvaient être transportés sans danger, c'est-à-dire les gens atteints d'entorse, d'abcès, de phlegmons du bras, d'ulcères chroniques ou d'affections légères des voies respiratoires.
On m'a fait dire que les aumôniers ne remplissaient par leur ministère ;
je crois avoir au contraire avancé qu'ils étaient très-gênés pour l'exercer, à cause de leur ignorance du breton.
Je mentionnais même, s'il m'en souvient, les nombreuses visites de l'abbé Guiziou, aumônier d'un bataillon.
Voilà, Monsieur le Rédacteur, les faits tels que je les connais, tels que je les ai exposés.
Ayant passé trente-cinq jours dans les ambulances de Conlie, appelé par devoir de conscience et de profession
à voir de près les misères de nos malades et à y remédier dans la mesure de mes forces,
j'espère avoir réfuté les reproches d'exagération qui m'ont été adressés.
Si ces explications trop longues, mais nécessaires que j'ai cru devoir livrer à la publicité ne suffisaient pas pour établir la pureté de mes intentions, je me verrais forcé d'en appeler au témoignage de mes collègues,
des officiers qui ont été traités dans notre ambulance et enfin des malades évacués,
il y a dix jours de Conlie et qu'on me dit être actuellement à l'hôpital maritime de Brest.
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