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Yves Jollé de Plouguin

 

Infanterie Territoriale et Génie

Poète

Remerciements à Madeleine Mercel

Collection

Yvonne Monot

yves jollé jolle monot plouguin secretaire mairie poete guerre 14 18 1914 1918 patrick milan finistere
Parcours Militaire

Jollé Yves

Né le 25 Novembre 1872 à Plouguin

Classe 1892 Matricule 1815

Secrétaire de Mairie

Rappelé à l'activité le 20 Novembre 1914

87e Régiment d'Infanterie Territoriale

282e Régiment d'Infanterie Territoriale

le 23 Décembre 1915

5e Régiment du Génie

le 20 Mars 1917

Démobilisé le 15 Janvier 1919

se retire à Plouguin

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yves jollé jolle monot plouguin secretaire mairie poete guerre 14 18 1914 1918 patrick milan finistere

Collection

Yvonne Monot

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Yvonne Monot

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Collection

Yvonne Monot

La vie d'Yves Jollé

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La vie d'Yves Jollé

Conférence du 4 Novembre 2018 à Lampaul Ploudalmézeau

Photos : Anne Louise Fourn
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Conférence du 5 Novembre 2017 à Plouguin

Photos : Morgane Le Roy
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Emission FR3 19/20 Iroise - du 3 Novembre 2017

yves jollé jolle monot plouguin secretaire mairie poete guerre 14 18 1914 1918 patrick milan finistere

Revoir l'émission du 3 Novembre 2017,

cliquer sur l'image

Emission FR3 12/13 - AN TAOL LAGAD - du 3 Novembre 2017

yves jollé jolle monot plouguin secretaire mairie poete guerre 14 18 1914 1918 patrick milan finistere

Revoir l'émission du 3 Novembre 2017,

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La Gwerz d'Yves Jollé expliquée

« Autrefois, j’avais entendu dire,

Hélas, maintenant je l’ai vu,

Que ceux qui peuvent rester chez eux sont heureux,

Car le pauvre soldat endure bien des souffrances»

Contributrice Gaëlle Milan Trébaol

Durant ses quatre années de mobilisation,

Yves Jollé a écrit cette gwerz afin de raconter les affres de sa vie à l’armée.

A ce jour, nous pouvons dire que la découverte

de cette gwerz est un événement rare.

En effet, il n’y a pas pléthore de chants bretons

racontant les douleurs d’un soldat au front lors de la guerre de 14-18.

Une gwerz (en breton, au pluriel gwerzioù)

est un chant breton (kan a-boz) racontant une histoire,

depuis l'anecdote jusqu'à l'épopée historique ou mythologique.

Proches des ballades ou des complaintes,

les gwerzioù illustrent des histoires majoritairement tragiques ou tristes, avec un aspect fantastique.

Soure : Wikipedia

« Je n’ai pas beaucoup d’instruction

Et je vous prie d’avoir pitié

Du pauvre écrivain,

Car ce n’est pas un grand esprit. »

Dans ces vers, Yves Jollé se décrit avec beaucoup d’humilité.

Bien qu’il soit, comme il se qualifie lui-même, « un homme ordinaire de la campagne, qui n’a ni beaucoup de dons, ni instruction »,

Yves Jollé a toutefois su respecter la structure traditionnelle des gwerziou, ou gwerz en français.

En effet, comme le mentionne le docteur Eva Guillorel dans ses travaux de recherches sur les chansons de tradition orale bretonne

du 16ème au 18ème siècle, les gwerz présentent des spécificités qui leur sont propres.

( Guillorel, Eva, 2008, La complainte et la plainte : chansons de tradition orale et archives criminelles :

deux regards croisés sur la Bretagne d’Ancien Régime (16e-18e siècles), p 82-86).

Spécificités que l’on retrouve dans la gwerz d’Yves Jollé :

  • En premier lieu, les gwerz sont caractérisées pas des textes longs.
    Contrairement aux complaintes qui atteignent rarement les 20 couplets, les gwerz comptent souvent plus de 80 couplets.
    Celle d’Yves Jollé en a 84.

     

  • Même s’il existe de nombreuses irrégularités en la matière, les gwerz sont généralement écrites sous forme de quatrains
    ou de tercets contenant des rimes, Yves Jollé a quant à lui écrit des couplets de quatre vers rimant deux par deux.

     

  • L’absence de refrain, caractéristique propre des gwerz, est aussi respecté dans l’écriture d’Yves Jollé.
     

  • Enfin, Yves Jollé a bien souvent eu recours à des répétitions tout au long de son texte.
    Répétitions qui sont classiquement utilisées pour intensifier le côté dramatique du récit.

Malgré son inexpérience en la matière et des conditions de vie au front particulièrement difficiles, Yves Jollé s’est donc approprié

au mieux les codes d’écriture propres aux gwerz afin de mettre en exergue le drame humain vécu par les combattants de la guerre de 14-18.

Le témoignage qu’Yves Jollé délivre dans cette gwerz se compose de 3 thèmes :

  • Yves Jollé explique tout d’abord les raisons pour lesquelles il a écrit cette gwerz.
     

  • Il relate ensuite, les souffrances auxquelles Il a dû faire face durant ces 4 années.
     

  • Pour finir, Yves Jollé livre les pensées que lui inspirent l’horreur de la guerre.

Pourquoi Yves Jollé a-t-il ressenti le besoin d’écrire cette gwerz ?

Tout d’abord, il écrit pour raconter ….

« Je n’ai pas écrit ce récit

Pour me distinguer ou me glorifier,

Je suis toujours aussi pauvre et ordinaire,

Qu’autrefois à la maison.

Mais pour raconter à mes parents et enfants,

Comment est la vie à l’armée,

Et à ceux qui ne l’ont pas vue,

Si ça les intéresse de l’entendre. »

En tant que soldat, Yves Jollé assiste à beaucoup d’horreurs, de souffrances, il ressent la peur et l’angoisse de la mort.

Il craint de ne pas revenir.

Aussi, il souhaite raconter à ses enfants et à ses proches « la vie triste et cruelle dont on souffre à cause de la guerre ».

 

Et puis, Yves Jollé écrit pour rendre hommage à tous les combattants bretons

« Et on entendra alors dire en Basse-Bretagne,

Comme aux quatre points cardinaux,

Que les bretons sont toujours des gens de foi, des têtes dures.

Et qu’ils ont accompli leur devoir jusqu’au bout,

Ils l’ont montré sur le champ de bataille ;

Par leur courage, leur vaillance

Ils ont repoussé l’ennemi.

 

Honneur et gloire aux Bretons,

Pour leur courage et leur loyauté,

Et le repos éternel

A ceux d’entre eux qui sont morts à la guerre. »

Les souffrances du soldat

Les combats

L’horreur des champs de bataille, l’effroi, l’angoisse de la mort !

C’est là le quotidien des soldats au front.

Au travers des quelques vers suivants, Yves Jollé relate la terreur et l’effroi qu’il vit avec ses compagnons d’armes.

« Quand arrive un bombardement,

C’est comme un déluge, quasiment un enfer,

Pour ceux qui sont pris dessous.

 

Avec les boulets, les torpilles, la mitraille,

Inventés à la guerre pour détruire

De pauvres soldats défendant leur patrie,

Nombreux, hélas, trouvent la mort. »

 

Quelle boucherie, que de combats,

Tant d’hommes tombent, tant de sang coule !

 

Et pire encore, l’angoisse,

Quand il faut aller sur le champ de bataille,

Car on y court toujours le risque

De mourir face aux Boches. »

Les conditions de vie

Et puis, outre la violence des combats, il y a les dures conditions de vie à l’armée au quotidien.

Ce rythme infernal imposé aux troupes, alors que la guerre ne cesse de s’enliser dans la durée.

Au cours de ses quatre longues années de guerre, Yves Jollé ressent une usure physique, une usure psychologique.

Cette lassitude s’entend nettement lorsqu’il évoque ses différents métiers à l’armée.

«  J’ai marché dans trois départements,

J’ai été dans trois régiments,

J’ai fait toutes sortes de métiers,

Au bureau, aux cuisines.

 

J’ai été dans les tranchées face aux Boches,

Fait le métier de cheminot,

Remué la terre avec pelle et pioche,

Mais quand, mon Dieu, cela finira-t-il ?

 

J’ai traversé le pays,

A pied et en voiture,

Sous tous les temps,

Qu’il fasse mauvais ou chaud.

 

Je me suis rendu à l’ambulance, malade,

J’ai été dans la joie et la souffrance,

J’ai dormi dans toutes sortes de lieux,

Mais pas dans des lits.

 

Maintenant je travaille sans arrêt,

Le dimanche et pendant la semaine,

Nous partons tôt le matin,

Et revenons à la nuit.

 

Deux lieues de marche jusqu’au chantier,

Et autant pour rentrer,

Après une telle tournée,

On dort bien sur la paille. »

La séparation d’avec les proches

Dans sa gwerz, Yves Jollé fait de nombreuses allusions au désarroi des soldats éloignés de leur famille en raison de la guerre.

« De plus, vous avez déjà entendu dire

Et plusieurs fois vu,

Que s’il est dur de partir à la guerre,

Il est aussi triste de tout laisser derrière soi. »

Il pense notamment à ses propres enfants qu’il a été obligé de laisser seuls.

« Appelé par la patrie pour la défendre,

Obligé de laisser mes enfants sans soutien,

De les laisser sans père, ni mère,

Je dois partir, quel chagrin ! »

Les errances spirituelles

Devant tant de douleurs, devant tant de souffrances, Yves Jollé s’interroge sur l’origine de la Guerre.

Dans les couplets suivants, il s’en réfère à Dieu et se demande si la guerre est une punition divine

en raison des péchés commis par les hommes.

« Et pourtant, qui peut comprendre,

Et sonder la sagesse du Maître Souverain

Qui laisse s’abattre sur nous un fléau,

Qu’aucun esprit ne peut entendre.

 

Il faut souffrir avec résignation,

Comme paiement ou punition,

Car ces derniers temps,

Beaucoup, hélas, le méprisaient et s’en éloignaient. »

Dans sa gwerz, Yves Jollé évoque trois faits de société contraires à la religion.

 

La guerre serait-elle une punition pour manque de croyance religieuse ?

« Beaucoup méprisaient sa doctrine,

Et vilipendaient les prêtres,

D’autres faisaient main basse sur les biens des églises,

Autrefois offerts par nos ancêtres. »

Yves Jollé, homme de foi, fait ici référence aux événements traumatisants qu’il a vécu lors de l’instauration

de la Loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905.

En tant que Secrétaire de Mairie à Plouguin, son village natal, Il a mal vécu l’intervention de l’armée

pour aider les agents de l’Etat à effectuer « l’inventaire de l’église »

 

La Guerre serait-elle une punition pour les péchés de boisson ?

La boisson !

 

Problème malheureusement bien trop fréquent dans les campagnes bretonnes.

Yves Jollé en a bien conscience !

Et il le mentionne clairement dans le couplet suivant :

« Maintenant, surtout depuis un moment,

Nous sommes tous sevrés

Des boissons dans les cafés,

Et de la mauvaise habitude de se soûler. ​»

Il sait aussi que les familles sont, comme il le dit,

« trop souvent habituées à souffrir de disputes, de fâcheries, de tourments, provoqués par l’eau de vie », et voire même de misère.

 

La Guerre serait-elle une punition pour les péchés de richesse ?

« Je sais depuis longtemps

Qu’il y a beaucoup de gens dans le pays,

Qui accumulent les richesses, qui entassent exprès,

Beaucoup d’autres qui se ruinent en se damnant. ​»

Yves Jollé est d’autant plus révolté par ces inégalités de richesse, qu’il est lui-même dans le besoin,

« veuf, avec trois enfants, sans argent, ni biens, toujours dans la pauvreté. »

El il a bien conscience que la guerre accroît encore les inégalités de richesse :

« Car ce que je trouve encore de plus terrible,

Dans cette guerre si dure,

C’est que certains gagnent bien, et font bonne chère,

Tandis que d’autres sont dans la pauvreté, la misère. ​»

Comme dit Yves Jollé :

« Chacun voit bien sûr ses besoins,

Mais il ne pense pas toujours à son voisin,

Et ne sait pas que son prochain peut être,

Parfois à ses côtés, dans le plus grand besoin. ​»

Mais quand il parle des veuves et des orphelins, son indignation est d’autant plus forte.

« Et quand je pense qu’on laisse sans aide,

Les chères veuves et les pauvres orphelins !

Qui ont perdu

Qui un père, qui un époux,

Qui était leur seul soutien ici-bas.

Oh ! Quel chagrin extrême !  ​»

Voeu

Face à cette guerre qu’ Yves Jollé considère donc comme une punition divine, Il demande

« la grâce de vivre, désormais, dans la grâce de Dieu en vrai chrétien. »

 

Il émet aussi un vœu, Message fort de cette Gwerz :

« J’aimerais qu’après la guerre,

Les gens restent en Basse-Bretagne

Pour mener une vie digne,

Et non plus commettre d’excès. ​»

GWERZ  

 

« Un diverrañ eus kontadenn ar brezel »

Dont a ran amañ da skrivañ              

Un diverrañ evit kontañ

Ar vuhez trist ha kruel

A vevomp 'blamour ar brezel.

 

Gouzout a rit mat a bell zo

Pebezh trubuilh a ren er vro,

Ar re a zo ouzh e zifenn,

Evel  er gêr zo en anken.

 

Ne meus ket a zeskadurezh,

Hag ho pedan kaout truez

Ouzh ar paour kêz skrivagner

Hag a zo ur spered berr.

 

Met bez eus tud a spered,

A skiant prenet ha desket,

A raio goude  ar brezel-mañ

Skridoù kaer gwelloc'h hag hemañ.

 

Klevet em boa gwechall lavaret,

Siwazh bremañ meus gwelet,

Oa eüruz ar re 'chom er gêr

Ar c'hêz soudard 'c'houzañv mizer.

 

Ret eo dezhañ kaout bepred

Kalz kouraj ha pasianted,  

'Vit beajiñ kalz dre ar vro,

Kousket p'eman war ar c'holo.

 

Ha gwashoc'h c'hoazh an anken,

Pa ranker mont war an dachenn,

Rak eno emaer bepred

Tost d'ar maro gant ar bochet.

 

Hep kontañ ouzhpenn ar riv, 

'Vez er goañv ,en trancheoù,

E-pad an noz teñval ha yen,

Hag evit goudor bolz an neñv.

 

Pa deu ar mare da avañs

War-raok pe ober resistañs,

Eur an argad ,ar c'hrogad!

Ar soñj hepken ,a sklas va gwad.

 

Kredit ac'hanon ,glac'harek,

Pa zigouezh ur bombezadeg,

'Vel  dour-beuz, un ifern kazi,

War ar re paket dindani

 

Bolidi,tarzhioù ha mindrailh

Ijinet fall evit an drailh,

Soudardet o tifenn o vro,

Niveruz, a gav ar maro.

Dreist-holl  'pezh a dremen bremañ,

Wardro Verdun,er mare mañ,

Pebezh lazherezh hag argad,

Gwelet o ruilh kement a c'hwad!

 

D'an holl, ar vuhez 'zo kalet,

D'an dud seven , d'ar soudardet,

Pep lec'h ,d'ar re war an talbenn,

'Vel d'ar re  graet prizonerien.

 

Ne c'hellont ket ankounac'haat

Pegen truezuz eo o stad,

Holl a c'houzañv evit bro Frans,

Hag o c'hortoz o «delivrans».

 

Mont davet o c'herent karet,

Keid-all  diouto dispartiet,

Da reiñ dezho  «konsolasion»,

Ha  levenez en o c'halon.

 

'Vit sec'hañ kement a zaeloù

Skuilhet e-barzh o familhoù,

Gant tad ,mamm hag ar vugale,

Breudeur, ha c'hoarezed  ive!

 

Met pa vo echu ar brezel

Nag a dud vanko d'an appel

Hag o zud a vo er glac'har

Keit ma chomint war an douar!

 

Ouzhpenn ho peus klevet kontañ

Ha gwelet meur a wech dija,

Mar deo kalet mont d'ar brezel,

Trist eo kuitaat  ha dilezel.

 

Tiez, arrebeuri,dilhad,ostilhoù,

Tiegezh,douar,koulz hag ilizoù

Kuitaat pep tra er gêr,aliez en noz

Mont pell goude da glask «repoz»!

 

Dre al lec'hioù meus beajet,

Meus bet alies tro da welet

Kalz lec'hioù dilezet gant o ferc'henn,

Ha war o dilerc'h e ren an anken!

 

Bez zeus bet e-leiz a familhoù

Rediet da dec'hout dirak an tennoù

Kanol,fuzuilh ha mindrailh,

Pere o deus lakaet o c'hêr e drailh.

Ne jom e kalz a andrejoù,

'Ken ar font eus ar mogerioù,

Ar rest zo bet kouezhet ,freuzet,

Bruzhunet e ludu, devet

 

'Vin ket va unan o kontañ,

Kalz o deus gwelet  kement-mañ,

O c'halon zo bet ankeniet

Koulz ha va hini o welet:

 

Nag a ilizoù, dismantret,

Ne jom a-veac'h merk ebet,

Nemet un nebeut mogerioù,

O testiñ eus ar boledoù,

 

Hag eus kounnar an enebour,

Na c'houzañv nag iliz na tour.

Ha Mestr Bras ar bed dister mañ,

Gwall freuzet e demploù dezhañ.

 

C'hoant bras am mije da soñjal

E-barzh ur seurt brezel ha drailh

Lec'h vefe tro d'an diaouloù,

D'ober kemend-all a drouzioù.

Ha koulskoude piv c'hell kompren

Furnez bras ar Mestr-Souveren

O kouezhañ warnomp ur walenn

Ha ne c'hell spered den kompren.

 

Ret eo gouzañv ha poaniañ,

'Vit paeamant pe pinijañ,

Er mareoù diwezhañ mañ,

Kalz siwazh a  dec'he dioutañ!

 

Lod a rae fae war e lezenn,

A zroukpede ar veleien,

Laerezh danvez an ilizoù

Roet gwechall gant hon tadoù.

 

Gwelet 'meus mat er rejimant

Kalz a ziforc'h ha santimant:

Lod tost d'ar feiz ,start el Lezenn

Lod all siwazh laosk,hep kredenn!

 

Reoù all gant respet an den,

Mezh o tiskouez e oant kristen,

Aon heuilh o relijion ervat,

'Teufe tud difeiz d'o goapaat.

Koulskoude n'eo ket skouerioù,

Kentelioù mat ha pedennoù,

A-berzh an aluzennerien

Deuet d'hon heul  war an dachenn.

 

Reiñ nerzh-kalon d'ar zoudardet,

Frealziñ er vuhez  kalet,

A oa evel gwir ebestel

E-kreiz gwalleurioù ar brezel.

 

Me ive e kalz okasion,

Eo bet bec'hiet va c'halon,

Hag on bet disammet souden,

Gant ur gomz vat , ur brezegenn.

 

Eüruzamant c'hoazh evidon,

'Vezen  gant tud a relijion,

Feal 'tao d'al lezenn kristen,

Devot, sentuz d'ar veleien.

 

Ar brezel man zo ur gentel,

'Zisoñjin ket betek mervel.

Esperañs 'meus e talvezo

Keit ha ma c'hellin chom beo.

E raio din bepred difenn

Ar wirionez, ar gwir lezenn, '

Mije,en amzer dremenet,

Siwazh, marteze disoñjet.

Setu e c'houlennan pardon,

Eus va mankoù e pep feson,

Bennozh, bevañ hiviziken,

Dre c'hras Doue,e gwir kristen.

 

Dreist-holl abaoe ur momed,

Ez omp holl a-grenn dizonet

Eus boeson an ostaleri,

Hag an tech fall d'en em vezviñ.

 

Ur remed eo eus ar gwellañ

D'ar yec'hed, prizius bremañ,

'Vit reiñ d'ar re chomet er gêr,

Un dra  da herzel ar vizer.

 

'Vit mirout ouzhpenn o enkrez,

D'an dud kustum re alies

Da gaout trubuilh,ha facheri,

Deuet diwar goust an odivi.

Lod marteze  a gavo abeg

Er pezh am eus amañ skrivet

Peogwir em boa un debit boeson,

Met me soñj din 'meus ar rezon.

 

Gouzout mat a ran a-bell-zo

Ez eus kalz a dud dre ar vro,

O tastum danvez, a-zevri,

Ha lod all oc'h en em zaoniñ!

 

Me 'garfe goude ar brezel

Chomfe an dud e Breizh Izel,

Da vevañ holl ur vuhez vat,

Ne rafent ket  re a gorfad.

 

Ehanañ 'ran gant ar gomz mañ,

N'emañ ket em spered bremañ

Da zont da zroukprezeg nikun,

'Vit e enor pe e fortun.

 

Rak o tisplegañ ar brezel

On tec'het diwar va gentel

Kontañ ur gudenn gouzañvet

'Baoe pell gant ar Vretoned.

 

Distreiñ a ran war ar sujed

Am eus me da gentañ boulc'het,

Hag oc'h hirvoudiñ d'ar brezel

A zo ken hir!ha  ken kruel!

 

Kredit ez on melkoniet,

Soñjal  en emgann echuet,

E teufemp da ankounac'haat

Ar priz eus kement all a wad,

 

Zo bet skuilhet war douar Frañs,

Difenn ha kaout he delivrañs,

Diwallomp da chom hep sikour 'n

Intañvez keiz!minored paour!

 

Ar re-mañ o deus holl kollet

Un tad,pe neuze ur pried

A oa o  souten er bed mañ,

Oh! brasañ glac'har eo houmañ!

 

Met dont a rafe da gompren

Etrezo an holl gristenien,

Ez eo ret soñjal da gentañ

Er re ezhommek , ha paourañ,

 

O zud chomet war an dachenn

Ha n'o doa netra da zifenn,

Met o deus roet o vuhez

Evit  ar re o doa danvez.

 

Ouzhpenn, ' pezh a gavan gwashañ

E-pad ar brezel ken tenn mañ,

Kalz a dud 'vez oc'h ober cher,

Pa zeus kemend-all er vizer.

                       

Pep hini a oar  e ezhomm

Met ne soñj ket  en e vignon,

Penaos 'c'hell bezañ e nesañ

A vez en dienez vrasañ.

 

Va unan on eus ar re-se,

Intañv gant tri a vugale,

'Meus arc'hant ebet na danvez

Ha bepred 'maon er baourentez.

 

Galvet gant ar vro d'e zifenn,

Ha va bugale dizouten,

Holl o unan  hep mamm na tad,

Ret kuitaat,pebezh kalonad.

 

Klaskit 'ta tudoù da gompren

Pegen bras eo ar cheñchamant,

Bevañ araok ar brezel mañ

Hag ar geraouez zo bremañ.

 

Kement tra vez ret da brenañ,

Re ger ar priz en amzer mañ,

Ar bevañs koulz hag ar c'hig sall,

A zo aet d'o c'hemend-all.

Betek ar c'heuneud 'vit poazhañ,

A-vec'h ma kavan da brenañ,

Kalz disteroc'h ar pañsion

Pa vez nebeut a bourvizion.

Me a wel tud zo tro dro din

O deus dibenn-pred,a bren gwin,

Ha me ,da vat tre pe da fall

Gant  'pez a vez ,a rank  paseal.

 

Rak va zud, er gêr,en ezhomm,

N'emaint ket e kondision

'Vel just d'en em zioueriñ,

Kas arc'hant din d'o foraniñ.

 

Kalz a chom din da lavaret,

Re verr siwazh eo va spered

Evit klask dont da zisplegañ

Kement tra a dremen bremañ.

 

Ansav a ran  e Breizh Izel,

N'eus ken ar skeud eus ar brezel,

Zoken ma zeus kalz o c'houzañv,

O klemm war hent an delivrañs.

 

M'ho peus c'hoant da c'houzout bremañ

Piv en deus skrivet kement-mañ,

Un den dister diwar ar mêz

Paour a spered hag a zanvez.

Deus tost da Vrest pe a Blougin,

N'oa ket sur ur paotr gwall fin,

Tremenet div renkad gantañ

Ha nebeut a spered dezhañ.

Me 'meus ket savet  kement-mañ

En va zi sioul o tommañ,

Met 'penn all d'ar Frañs,va unan,

Ha tostig da linenn an tan.

 

'Meus ket skrivet an istor-mañ

'Vit va enor, na va brudañ,

Atav on ken paour, ken dister

Evel gwechall pa oan er gêr.

 

Met 'vit kontañ d'am bugale

Ar vuhez 'meus bet en arme,

D'ar re n'o deus ket he welet

Ma zint kontant bras d'he glevet.

 

C'hoarvezet  ganin en arme

Evel gwechall en va c'hontre,

Ober a bep seurt micherioù,

'Pad ar brezel,en armeoù.

 

Bet on bet e tri rejimant,

Baleet  e tri departamant

Graet am eus a bep seurt micher,

Bet sekretour, ha keginer.

 Er fezier dirak ar bochet,

Graet micher ar cheminoed,

Turiet an douar gant ar  pioch,

Doue, peur  vo echu pelloc'h?

 

Me meus baleet dre ar vro,

War droad ha gant an oto,

Dindan  a bep seurt amzer,

Pa vefe fall, koulz a tommder.

 

Bet on bet 'barzh an ambulañs,

El levenez hag er boan,

Kousket 'meus e pep seurt lec'hioù,

Ha n'oant  ket evel gweleoù.

 

Bremañ 'labouran hep paouez,

A-hed ar sizhun ha bemdez ,

Abred er mintin e loc'han,

Ha tost d'an noz e tistroan.

 

Div lev evit vont d'ar chanter,

Kement-all pa zeuer d'ar gêr.

Goude ma vez graet ur seurt tro,

E kousker mat war ar c'holo.

 

Bremañ, ar re n'int ket kountant,

Kavout 'raint moarvat kalz gwelloc'h,

Marteze e paeïnt  keroc'h.

Roet em eus va santimant.

 

Arabat  d'ar memes hini,

Kaout enor pe fachiri.

Laouen 'vezin o tont d'ar gêr,

Ma kont ive  pep soudard ker.

 

Kaout ar blijadur dispar,

Ur wech en emgavet er gêr,

Pep brezeler deus e gostez,

'kontañ e drubuilhioù ivez.

 

Ha klevet vo e Breizh Izel,

Koulz ha dre ar pevar avel,

Ez eo bepred ar Vretoned

Tud a feiz, ha pennoù kalet.

 

Gouest da ziskouez a wir galon

Int tost d'o feiz, d'o relijion,

Oc'h heuilh ingal an ofisoù,

Ha diouzh an noz, ar pedennoù.

 

Graet o wir dever penn da benn,

Poaniet o deus war an dachenn,

Dre o c'halon ,o vaillantiz,

Kaset an enebour war  giz.

 

Enor ha gloar d'ar Vretoned,

'Vit o c'halon ha lealded,

Dezho un diskuizh peurbadel

An holl re  maro er brezel.

Pedomp 'vit echuiñ bremañ,

Sant Joseph, an Itron Varia,

Da reiñ deomp an trec'h er brezel

Evit distreiñ da Vreizh Izel.

                               

'Vit kaout goude ken bras emgann,

En hon familh un tamm disamm,

An eurvad da gaout, goude-se,

An digoll roet gant Doue

 

19 a viz meurzh 1916

«An den a vil vicher»

Sekretour ti-kêr Plougin

GWERZ  

 

« Un diverrañ eus kontadenn ar brezel »

Je viens ici écrire

Un résumé pour raconter

La vie triste et cruelle

Dont on souffre à cause de la guerre.

Vous savez depuis longtemps

Quels troubles règnent dans le pays.

Ceux qui le défendent,

Comme ceux qui sont restés à la maison, sont dans l’angoisse.

Je n’ai pas d’instruction

Et je vous prie d’avoir pitié

Du pauvre écrivain,

Car ce n’est pas un grand esprit.

Mais il y a des gens intelligents,

Qui ont expérience et instruction,

Qui écriront après cette guerre

De beaux textes, bien supérieurs à celui-ci.

Autrefois j’avais entendu dire,

Hélas, maintenant je l’ai vu,

Que ceux qui peuvent rester chez eux sont heureux,

Car le pauvre soldat endure bien des souffrances.

Il doit toujours avoir

Beaucoup de courage et de patience,

Beaucoup voyager à travers le pays,

Dormir tous les soirs sur la paille.

Et pire encore, l’angoisse,

Quand il faut aller sur le champ [de bataille]

Car on y court toujours le risque

De mourir face aux Boches.

Sans compter le froid,

Dont il souffre en hiver, dans les tranchées,

Dans la nuit sombre et froide,

Avec la voûte des Cieux comme seule protection.

Et quand vient le moment d’avancer,

De sortir ou de résister,

L’heure de l’attaque, du combat,

Rien que d’y penser, mon sang se glace.

Pour s’exprimer autrement,

Quand arrive un  bombardement,

C’est comme un déluge, quasiment un enfer,

Pour ceux qui sont pris dessous.

Avec les boulets, les torpilles, la mitraille,

Inventés à la guerre pour détruire,

De pauvres soldats défendant leur patrie,

Nombreux, hélas, trouvent la mort.

Surtout ce qui se passe maintenant,

Du côté de Verdun, ces semaines-ci,

Quelle boucherie, que de combats,

Tant d’hommes tombent, tant de sang coule !

La vie est dure pour tous,

Pour les civils comme pour les soldats,

Partout, pour ceux qui sont au front,

Comme pour ceux qui sont faits prisonniers.

Ceux-ci ne peuvent pas oublier

Combien leur situation est pitoyable,

Tous souffrent pour la France,

Et attendent avec impatience leur libération.

Pour rendre visite à leurs parents bien-aimés,

Dont ils sont séparés depuis si longtemps,

Pour les consoler tous,

Et emplir leur cœur de joie.

Pour sécher tellement de larmes

Versées dans leurs familles,

Par père, mère et enfants,

Frères, sœurs et époux aussi.

Mais hélas, quand la guerre sera finie,

Que de personnes manqueront à l’appel,

Et le chagrin de leurs parents durera

Tant qu’ils seront sur la terre !

De plus, vous avez déjà entendu dire

Et plusieurs fois vu,

Que s’il est dur de partir à la guerre,

Il est aussi triste de tout laisser derrière soi.

Maisons, meubles, vêtements, outils,

Familles, terres aussi bien qu’églises,

Tout quitter dans son village, souvent la nuit,

Aller ensuite loin chercher le repos.

Dans les lieux où j’ai voyagé,

Je n’ai eu que trop l’occasion de voir

Des propriétés abandonnées,

Et alors, c’est l’Angoisse qui règne.

De nombreuses familles ont été obligées

De fuir devant les tirs

De canon, de fusil, devant la mitraille,

Qui ont mis leur village à feu et à sang.

En beaucoup d’endroits, il ne reste

Que les fondations des murs,

Le reste a été abattu, démoli,

Ou réduit en cendres par l’incendie.

Je ne serai pas le seul à le raconter,

Beaucoup d’autres l’ont vu,

Et leur cœur a été angoissé

Tout comme le mien, en voyant :

Un grand nombre d’églises démolies,

C’est à peine s’il en reste une trace,

Mis à part quelques murs,

Qui porteront témoignage

De la colère de l’adversaire,

Qui ne respecte ni église, ni tour.

Et il ne respecte pas

Les temples du Grand Maître de ce monde.

J’aimerais imaginer

Un genre de guerre et de conflit

Où les diables seraient déchaînés

Pour faire un tel vacarme.

Et pourtant, qui peut comprendre

Et sonder la sagesse du Maître Souverain

Qui laisse s’abattre sur nous un fléau

Qu’aucun esprit ne peut comprendre.

Il faut souffrir avec résignation,

Comme paiement ou punition,

Car ces derniers temps,

Beaucoup, hélas, le méprisaient et s’en éloignaient.

Beaucoup méprisaient sa doctrine,

Et vilipendaient les prêtres,

D’autres faisaient main basse sur les biens des églises,

Autrefois offerts par nos ancêtres.

J’ai vu aussi au régiment

Bien des différences :

Certains, fermes  dans leur foi,

D’autres, tièdes, d’autres encore, sans foi.

D’autres, par respect humain,

Avaient honte de montrer qu’ils étaient chrétiens,

Ils craignaient les moqueries des athées,

S’ils pratiquaient leur religion.

Pourtant ce ne sont pas les exemples,

Les leçons, les exhortations,

Qui leur ont manqué, car les aumôniers

Nous suivent jusque sur le champ de bataille.

Pour donner du courage aux soldats,

Les consoler dans une vie si dure,

Ce sont de vrais apôtres,

Au milieu des malheurs de la guerre.

Moi-même, à plusieurs reprises,

J’ai souffert de mélancolie,

Et j’en ai été soudain soulagé,

Par une parole apaisante ou une homélie.

Heureusement pour moi,

J’ai toujours été en compagnie de gens religieux,

Toujours fidèles à la doctrine chrétienne,

Réguliers aux offices, obéissants aux prêtres.

Cette guerre constitue pour moi une leçon,

Que je n’oublierai pas tant que je vivrai ;

J’espère qu’elle vaudra

Pour le reste de ma vie.

Et qu’elle me fera toujours défendre

La vérité, la vraie doctrine,

Que j’ai pu, dans le passé,

Hélas, peut-être, oublier.

C’est pourquoi je demande pardon,

De tous mes manques, en tous domaines,

Et la grâce de vivre, désormais,

Dans la grâce de Dieu en vrai chrétien.

Maintenant, surtout depuis un moment,

Nous sommes tous sevrés

Des boissons dans les cafés,

Et de la mauvaise habitude de se soûler.

C’est un des meilleurs remèdes

Pour la santé, si précieuse maintenant,

Et pour donner à ceux qui sont restés à la maison,

Quelque chose pour prévenir la misère.

Pour éviter plus que l’angoisse,

Aux familles trop souvent habituées,

A souffrir de disputes, de fâcheries,

De tourments, provoqués par l’eau de vie.

Certains trouveraient peut-être à redire

Dans ce que je viens d’écrire,

Sous prétexte que je tenais un débit de boissons,

Mais je ne crois pas aller contre la raison.

Je sais depuis longtemps

Qu’il y a beaucoup de gens dans le pays,

Qui accumulent les richesses, qui entassent exprès,

Beaucoup d’autres qui se ruinent en se damnant.

J’aimerais qu’après la guerre

Les gens restent en Basse-Bretagne,

Pour mener une vie digne,

Et non plus commettre d’excès.

Je cesse de parler de cela,

Je n’ai pas maintenant l’intention

De dire du mal de quiconque,

Pour son honneur ou sa fortune.

Car j’étais en train de parler de la guerre,

Et j’ai délaissé mon sujet,

Pour traiter d’un problème

Dont les Bretons souffrent depuis si longtemps.

Je reviens à mon sujet,

Celui par lequel j’ai commencé,

Je déplore la guerre

Si longue, si cruelle.

Et je suis mélancolique

Quand je pense que, quand elle sera finie,

On oubliera trop vite

Le prix de tout ce sang.

Versé sur la terre de France

Pour la défendre et la délivrer,

Et [quand je pense] qu’on laisse sans aide,

Les chères veuves et les pauvres orphelins !

Qui ont perdu

Qui un père, qui un époux,

Qui était leur seul soutien ici-bas,

Oh ! Quel chagrin extrême !

Sauf si tous les chrétiens

Venaient à comprendre

Qu’il faut d’abord penser

A ceux qui sont dans le besoin, aux plus pauvres.

Ceux dont les leurs sont restés au Champ d’Honneur,

Et qui n’avaient rien à défendre,

Ils ont donné leur vie pour la patrie,

Et pour ceux qui ont du bien.

Car ce que je trouve encore de plus terrible,

Dans cette guerre si dure,

C’est que certains gagnent bien, et font bonne chère,

Tandis que d’autres sont dans la pauvreté, la misère.

Chacun voit bien sûr ses besoins,

Mais il ne pense pas toujours à son voisin,

Et ne sait pas que son prochain peut être

Parfois à ses côtés, dans le plus grand besoin.

Je suis moi-même de ceux-là,

Veuf, avec trois enfants,

Sans argent, ni biens,

Toujours dans la pauvreté.

Appelé par la patrie pour la défendre,

Obligé de laisser mes enfants sans soutien.

De les laisser sans père, ni mère,

Je dois partir, quel chagrin !

Vous n’avez qu’à comprendre

Quel changement,

Entre la vie avant cette guerre

Et la cherté qui règne actuellement.

Tout ce qu’il faut acheter

Est hors de prix ces temps-ci,

La nourriture, le lard,

Ont dépassé les bornes.

Jusqu’au bois pour les faire cuire,

A peine en trouve-t-on à acheter,

Et l’on doit réduire la pension,

Quand les moyens se font rares.

J’en vois beaucoup autour de moi

Qui mangent du dessert, qui achètent du vin,

Et moi je suis bien obligé

De me contenter de ce que j’ai.

Car mes parents, à la maison, dans le besoin,

N’ont pas la possibilité,

De se priver davantage,

Pour m’envoyer de l’argent à gaspiller.

Il m’en reste beaucoup à dire,

Car je ne suis pas très doué

Pour essayer d’expliquer

Tout ce qui se passe maintenant.

Je reconnais pourtant qu’en Basse-Bretagne,

On ne voit que l’ombre de la guerre,

Même si beaucoup souffrent

Et aspirent à la libération.

 

Si maintenant vous voulez savoir

Qui a écrit ceci,

C’est un homme ordinaire, de la campagne,

Qui n’a ni beaucoup de dons, ni beaucoup d’argent.

Du côté de Brest et de Plouguin,

Il n’était pas sûr [ ??

Il avait passé deux rangées

Et n’avait plus d’esprit.

Je n’ai pas écrit ceci

A la maison, près du feu,

Mais à l’autre bout de la France, seul,

Tout près du front.

Je n’ai pas écrit ce récit

Pour me distinguer ou me glorifier,

Je suis toujours aussi pauvre et ordinaire,

Qu’autrefois, à la maison.

Mais pour raconter à mes parents et enfants,

Comment est la vie à l’armée,

Et à ceux qui ne l’ont pas vue,

Si ça les intéresse de l’entendre.

Car il m’est arrivé à l’armée,

Comme autrefois chez moi,

D’essayer toutes sortes de métiers,

Pendant la guerre, aux armées.

J’ai marché dans trois départements,

J’ai été dans trois régiments,

J’ai fait toutes sortes de métiers,

Au bureau, aux cuisines.

J’ai été dans les tranchées face aux Boches,

Fait le métier de cheminot,

Remué la terre avec pelle et pioche,

Mais quand, mon Dieu, cela finira-t-il ?

J’ai traversé le pays,

A pied et en voiture,

Sous tous les temps,

Qu’il fasse mauvais ou chaud.

Je me suis rendu à l’ambulance, malade,

J’ai été dans la joie et la souffrance,

J’ai dormi dans toutes sortes de lieux,

Mais pas dans des lits.

Maintenant je travaille sans arrêt,

Le dimanche et pendant la semaine,

Nous partons tôt le matin,

Et revenons à la nuit.

Deux lieues de marche jusqu’au chantier,

Et autant pour rentrer,

Après une telle tournée,

On dort bien sur la paille.

Maintenant, ceux qui ne sont pas satisfaits,

Trouveront beaucoup mieux,

Ils paieront aussi plus cher.

Il ne faut pas que tout soit pour les mêmes,

Sinon, il faut craindre disputes et fâcheries.

Je serai content en rentrant chez moi,

Si tous les autres guerriers font de même.

 

Et nous aurions l’immense plaisir,

Une fois rentrés à la maison,

De raconter, chacun de son côté,

Nos exploits, nos ennuis aussi.

Et on entendra alors dire en Basse-Bretagne,

Comme aux quatre points cardinaux,

Que les Bretons sont toujours

Des gens de foi, des têtes dures.

Qu’ils ont montré sincèrement

Leur attachement à leur foi, à leur religion,

En suivant régulièrement les offices,

Et les prières du soir, quand ils le pouvaient.

Et qu’ils ont accompli leur devoir jusqu’au bout,

Ils l’ont montré sur le champ de bataille,

Par leur courage, leur vaillance,

Ils ont repoussé l’ennemi.

Honneur et gloire aux Bretons,

Pour leur courage et leur loyauté,

Et le repos éternel

A ceux d’entre eux qui sont morts à la guerre.

Maintenant, en finissant, prions

Saint Joseph et Notre Dame,

De nous donner la victoire à la guerre,

Et la grâce de rentrer en Basse-Bretagne.

Pour recevoir, après de tels tourments,

Dans notre famille, un peu de soulagement,

Et le bonheur de bénéficier, ensuite,

De la récompense accordée par Dieu.

 

19 mars 1916

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