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Chroniques d'un monde paysan à jamais disparu
Louis Conq de Tréouergat raconte ...
 

Source : "Les échos du vallon sourd" de Louis Conq - Brud Nevez

Remerciements à Lucien Conq

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Fagoter avec Laou Merser
 

Chaque fois que l’on apportait un peu de fumier sur nos terres, avec l’espoir d’obtenir un peu de trèfle

dans les pâtures, le genêt poussait de plus bel, plus dru que jamais !

On avait beau les raser, ils poussaient … et devenaient du bois de chauffage.

Du moins, ainsi y avait-il de quoi faire des centaines et des milliers de fagots

pour le boulanger de Portsall ou de Saint Pabu.

 

C’est d’ailleurs en ces années que Laou Merser vint chez nous pour « fagoter »  du bois, d’un bout à l’autre de l’année.

Quel extraordinaire faiseur de fagots !

À présent, me voilà et pour de bon à son école !

Car tout seul, tout Laou qu’il était, il ne pouvait pas arriver à bout de mettre en fagots toute la vieille lande

que lui étalait Père avec l’aide d’un journalier !

 

Laou entama ce travail en 1934 au Klik, un assez grand bois avec des taillis de châtaigner au terrain très pentu.

Parfois Père essayait de faire des rouleaux-avalanches des fagots encordés, pour les lâcher vers le bas,

au bord d’une voie charretière.

Mais le résultat ne fut jamais extraordinaire, ni probant !

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À présent, je prenais une part de plus en plus importante au travail de Laou :

Il m’avait appris, avec toutes ses finesses, mon nouveau métier de faiseur de fagots.

Dix-sept ou dix-huit cents fagots se trouvaient mis en tas au Grand-Terrier,

avec plus de dix cordes de bois de vieille lande.

Pour la première fois, la garenne fut vidée entièrement.

 

Jours après jours, je continuais mon principal travail, à la suite le Laou Merser, en abattant du bois

et en le conditionnant :

saule, châtaigner, noisetier, bouleau, hêtre, sureau, orme, chêne, aubépine, branchage de sapin, de l’ajonc rampant même, et surtout du genêt, avec toutes sortes de peupliers des bas des pentes…

 

Tout y passait, pour être mis en fagots, tout en rejetant les fougères, les ronces, épines et bruyères diverses.

Nos fagots étaient liés avec des rameaux tordus à la main, puis noués en « glissière »,

si ce n’était à la façon dite « sur calcul », tant pour les besoins de la ferme que pour la vente.

Les fagots en « glissière » étaient plus gros en général et destinés à la consommation domestique.

Les fagots « sur calcul », appelés ainsi sans doute, parce qu’exécutés par un journalier qui travaillait au rendement.

Ce fagot se présentait plus long, et plus plat, plus facile à mettre en meule.

Ils étaient destinés à la vente, et spécialement aux fours des boulangers.

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Les fagots réalisés, et mis en « kouch » :

En tas de cinq, sur place, avant d’être ensuite rassemblés, toujours sur place, en tas de cent.

Plus secs, ils seront alors, tous les ans, transportés aux abords de la ferme,

et mis en grande meules de plusieurs milliers, en particulier sur les retraits du chemin vers le bourg.

Des meules qui seront bien misent en valeur, avec le gros bois des fagots amené joliment sur les rebords,

surtout en bout de meule.

Tout un art !

 

Laou me montra comment m’y prendre pour tordre les liens aussi gros que des manches d’outils.

En effet, ne le fait pas aussi simplement celui qui veut.

 

Ah ! Ce bon vieux temps m’a plu énormément, malgré ses dures exigences.
On avait tous de l’ardeur pour essayer de lutter avec Laou, et chercher à réaliser le même rendement que lui.

Mais, il n’y avait rien à faire…

C’est l’évidence qu’avec le bois de genêt, on fagotait bien plus rapidement.

 

Au mois de juin, Laou atteignait allègrement dans sa journée ses trois cents fagots pour le boulanger,

et parfois plus.

Mais aussi, que d’autres choses, ce diable d’homme savait faire :

Des paniers, des ruches de paille, quand ce n’était pas des « chaussons » en paille !

 

Et par-dessus le marché, se moquer de moi, plus souvent qu’à son tour.

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