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Fenêtres sur le passé

1938

Le vieux Brest
Le canon

Le vieux Brest _ Le canon.jpg

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Source : La Dépêche de Brest 29 novembre 1938

 

Voici un souvenir assez récent puisqu'il ne date que d'une quinzaine d'années.

Notre ami M. Louis Delourmel le rappelait ainsi dans sa toute dernière conférence au Cercle Universitaire :

 

« C'est la pétoire, le fameux canon qui, depuis trois siècles, deux fois par jour, faisait vibrer l'atmosphère brestoise.

 

« L'ingénieur Clerville avait installé, en 1660, une chaîne qui, au coup de canon du soir, devait fermer l'arsenal,

sur l'emplacement actuel du pont Gueydon.

 

« Et vers 1800 nous trouvons, à ce propos, une vieille consigne du port : 

« Le capitaine de vaisseau chargé de la sûreté de l'arsenal pendant la nuit doit se rendre à bord du vaisseau-amiral,

ancré sur le quai de Recouvrance, un quart d'heure avant le coup de ca non "de retraite.

Au coup de canon il fait rentrer les couleurs.

La cloche de chaque navire sonne en branle pendant une minute.

Toutes les issues du port sont alors fermées et toute communication avec la terre est interdite.

 

« C'était du poste de l'Avant-Garde, à la Pointe — poste comprenant un quartier-maître et trois matelots —

que partait le coup de canon, à 6 heures du matin et à 7 heures du soir.

 

« Chaque soir, à 7 heures moins 10, la direction du port téléphonait au quartier-maître « Chargez la pièce ».

Et sans précipitation, ainsi que le prescrivait la consigne,

deux hommes de garde s'acheminaient vers le canon de 14, modèle 1831, qui reposait sur un tapis de verdure,

en face la ceinture grisâtre des courtines du Château.

Un marin portait le sac de poudre, l'autre l'étoupille.

Tous deux découvraient avec respect le châssis de bois qui protégeait la vieille pièce, des intempéries.

La charge saisie par la cocarde était introduite dans la bouche du canon et le canonnier était à son poste,

quand à 7 heures juste, on sonnait : « Envoyez ».

 

« Une lourde fumée était sillonnée d'un éclair rouge.

Un bruit formidable se répercutait par toute la ville et par vent de suroît, jusqu'à Saint-Renan, Ploudaniel et Lesneven.

 

« Le canon — ceci est une opinion toute personnelle — fut je crois l'origine du fameux : Tonnerre de Brest.

 

« Ah ! Oui, il faisait bien partie de la vie brestoise.

Il sonnait l'heure, permettait l'exactitude à bien des rendez-vous.

Il renseignait même sur la direction du vent et le temps à venir.

 

« Un jour, il y a une quinzaine d'années, un ministre de la Marine voulut faire des économies et supprima notre canon qui coûtait, paraît-il, 4.500 francs par an.

 

« Aujourd'hui — c'est le progrès — la sirène de la caserne Guépin nous annonce, chaque lundi, l'heure de midi.

 Espérons qu'elle ne fonctionnera jamais pour signaler l'arrivée d'instruments de mort qui voudraient attaquer Brest. »

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