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Fenêtres sur le passé
1900
Nos palais scolaires - L'école de Lesconil
Source : La Dépêche de Brest 13 février 1900
Nos palais scolaires – L'école de Lesconil
La République a fait des sacrifices considérables pour l'enseignement primaire.
Même, certaines gens aux idées rétrogrades ne manquent point de lui reprocher les dépenses effectuées
dans le but de répandre partout l'instruction, de mettre la lumière partout où régnait l'ignorance.
Combien de fois n'avons-nous pas entendu ceux-là gémir de toute leur âme sur le prétendu gaspillage
des deniers publics, et conclure à peu près en ces termes :
Tout cela, hélas ! pour bâtir d'inutiles palais scolaires, d'un luxe inutile, superflu, scandaleux !
L'Ecole républicaine, étant le meilleur foyer d'émancipation pour la démocratie,
méritait bien ces malédictions et ces foudres.
Fort heureusement, les clameurs intéressées se sont perdues dans le vide.
L'œuvre commencée avec la loi de 1838, prescrivant que toute commune doit avoir une école, a été,
après des fortunes diverses, reprise et complétée par les hommes de la troisième République
et notamment par Jules Ferry, dont le nom est inséparable de notre législation scolaire intangible.
M. Bayet, directeur de l'enseignement primaire au ministère de l'instruction publique, le rappelait dans une conférence récente.
Il disait aux républicains leurs devoirs envers l'école, il leur conseillait à tous d'user
de leur influence sur ceux qui n'envoient pas leurs enfants à l'école.
Une bonne parole, un sage conseil, ajoutait-il,
peuvent faire beaucoup plus qu'un règlement.
Et, dans cette œuvre, il ne faut pas se décourager,
car c'est dans les écoles que se fait la France de demain.
Les progrès considérables de l'instruction primaire constatés par l'honorable directeur du ministère ne sauraient cependant nous permettre d'oublier
qu'il reste encore beaucoup à faire, si l'on veut surtout soutenir une lutte chaque jour plus critique contre les écoles congréganistes.
M. Bayet,
directeur de l'enseignement primaire au ministère de l'instruction publique
Car il se produit ce fait très curieux qu'après avoir si vivement reproché à la République le luxe de ses écoles,
les adversaires de l'enseignement par l'État se sont mis à élever, à leur tour,
de véritables palais scolaires qu'ils mettent maintenant à la disposition d'une clientèle nombreuse.
À tous points de vue, il serait donc périlleux de s'endormir dans la contemplation béate des résultats acquis.
Gardons-nous d'une sécurité trop complète qui, à la longue, pourrait porter un préjudice grave à l'œuvre républicaine.
S'il a beaucoup été fait, il reste encore beaucoup à faire, et il suffit d'avoir parcouru un peu nos contrées
pour reconnaître que beaucoup de nos petits écoliers de la campagne bretonne n'ont pas à leur disposition
ce fameux « palais scolaire ».
J'ai sous les yeux une pétition des habitants d'une localité du Finistère
où les écoliers sont loin de connaître tant de luxe.
Dans cette pétition, les pères de famille de Lesconil
exposent l'état lamentable de leur école primaire.
La seule et unique classe, disent-ils, mesure 11 m 30 de longueur, 4 m 60 de largeur, 2 m 40 de hauteur.
Elle est aérée et éclairée par trois petites fenêtres.
Il y a là-dedans cent huit élèves !
Le mobilier est à l'avenant de l'immeuble :
Le matériel est même insuffisant, déclarent les deux cents signataires de la pétition.
Mme Le Griguer, directrice, est obligée de fournir bancs et sièges,
qu'elle retire de son intérieur pour faire asseoir ses élèves;
elle en a même deux assis de chaque côté de son bureau, et ces enfants n'ont pas de table.
Mme la directrice, malgré tout son zèle et tout son dévouement, est réduite, aujourd'hui,
à refuser tout enfant qui se présentera à l'école.
Il y a bien, nous le savons, l'école du bourg ;
mais cette école est située à quatre kilomètres de Lesconil, et vous connaissez les désagréments
qui surgissent à chaque instant.
Les enfants, plus ou moins dociles, partent à l'école, les uns y arrivent, les autres maraudent,
alors que les parents les croient tranquillement à l'école.
L'inconvénient des intempéries dans ce pays, situé au bord de la mer, les enfants partent, par le beau temps ;
en route, survient une ondée et l'enfant est mouillé pour la journée.
L'ennui d'envoyer son enfant, avec le tracas du repas, dans ces pays pauvres, où la nourriture coûte peu à la maison, devient onéreuse pour les parents, lorsqu'il faut les nourrir dehors.
Il semble difficile d'imaginer une situation plus intéressante que celle de la population scolaire
de cette petite localité bretonne.
L'appel des pères de famille de Lesconil sera entendu ;
ils ne réclament pas un « palais » mais qu'on leur donne au moins pour leurs enfants un abri
où soient respectées les lois les plus élémentaires de l'hygiène.
Louis COUDURIER.