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Fenêtres sur le passé

1899

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Ouvriers à bon marché à Ouessant

Ouvriers à bon marché Ouessant.jpg

 

Source : L’Ouvrier du Finistère 30 septembre 1899

 

La semaine dernière, le Comité général de l'Union Syndicale des Travailleurs de Brest apprenait

qu'à Ouessant, dans l'entreprise de M. Corre, les travaux étaient exécutés dans des conditions très anormales et que l'élément militaire y entrait dans la proportion de 75 %.

 

Ému à juste titre, le Comité expédiait un délégué à Ouessant et, après une enquête minutieuse de deux jours,

voici les faits que ledit délégué signalait dans son rapport. 

Nous relaterons ces faits succinctement, sans appréciation aucune, laissant l'opinion publique libre de juger.

 

Entreprise

 

L'entreprise comprend deux bâtiments faisant face à l'Ouest ;

ces bâtiments ont 11 fenêtres de façade et trois de côté ;

le 2e bâtiment est abandonné actuellement faute d'ouvriers ;

quant au 1er, sa construction est poussée très activement par 20 ouvriers maçons

dont 11 militaires de l'infanterie de marine.

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Le chantier où se fabrique le mortier,

est distant du bâtiment d’environ 50 mètres.

 

Sont seuls occupés à ce travail, six soldats ;

un autre soldat est chargé de remplir les boîtes de mortier

que des manœuvres portent aux ouvriers maçons.

 

Les pierres qui servent à la construction des bâtiments

sont extraites d'une carrière où sont employés comme mineurs* trois civils et cinq soldats.

 

Voilà pour l'entreprise elle-même.

 

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Casernes Ouessant

Embauchage

 

Tout ouvrier civil qui se présente au chantier doit, pour être embauché, fournir un outillage double

de façon à pouvoir occuper avec lui des soldats qui n'ont pas d'outils.

 

L'ouvrier qui quitte le chantier de lui-même, ne peut réclamer son du, il faut qu'il attende la paye du mois suivant. 

Le chef de chantier lui délivre un bon de passage qui lui donne le droit d’embarquer sur la Louise,

vapeur faisant le service du Conquet à Ouessant et vice-versa.

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M. Corre, l’entrepreneur, ne s’occupe pas,

si cet ouvrier a de l’argent pour regagner Brest, du Conquet.

 

Quant aux soldats, le travail est obligatoire pour eux. 

Le capitaine Miller, commandant le dépôt, le leur impose et cela

sans préjudice de la garde qu'ils doivent prendre chacun leur tour.

 

II y a un mois environ, un caporal ayant refusé de collaborer

à la main-d’œuvre civile comme maçon s’est vu frapper

d’une peine disciplinaire pour refus d'obéissance.

 

Salaires

 

Les ouvriers originaires de l'île sont payés 3 fr. 50 ;

ceux du dehors 4 francs.

 

Les soldats ouvriers gagne net 0 fr. 10 par heure,

soit 1 franc par journée de 10 heures,

mais ils ne touchent que 1 fr. 50 à 2 francs le dimanche seulement.

 

La différence est à l’ordinaire de la Compagnie de Dépôt.

 

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Voilà les faits brutalement exposés dans leur ensemble; nous laissons de côté les détails qui disparaîtront

d’eux-mêmes quand on aura mis fin à cette exploitation de l’homme esclave d'une discipline costumée.

 

Citons également le chantier de M. Gardet, autre entrepreneur, qui construit une poudrière au même endroit. 

M. Gardet, lui, emploie les soldats comme charpentiers et menuisiers en attendant qu'il les emploie

comme peintres ou serruriers.

 

Maintenant nous demandons humblement à quoi sert l’Armée ? 

Les uns prétendent que c'est pour défendre le sol sacré de la Pairie contre l’invasion d'un étranger. 

D'autres vous diront que l'Armée ne peut être considérée que comme une grande gendarmerie. 

Nous, nous ne dirons rien, quoi que les arguments ne nous manquent pas, mais nous avons promis de ne pas apprécier.

 

Ajoutons toutefois que pour cacher ces scandales,

les chantiers de M. Gardel et surtout ceux de M. Corre sont gardés militairement.

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Ainsi notre délégué ayant enfreint la consigne s'est vu mettre brutalement la main au collet par un adjudant et conduit au poste où il a été contraint d'exhiber des pièces prouvant

qu'il n'était pas un espion au service de l'étranger.

 

L'Union Syndicale ne fera aucune démarche ni réclamation

pour faire cesser cet état de choses.

 

Nous nous bornons simplement à dénoncer les faits,

persuadés que l'opinion publique ne manquera pas de flétrir comme il convient, l'administration coupable.

 

LE COMITÉ GÉNÉRAL

de l’Union Syndicale des Travailleurs de Brest.

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