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Fenêtres sur le passé

1899

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Le Champ de Bataille à Brest

Source : La Dépêche de Brest avril 1899

 

Brest, le Champ-de-Bataille.

 

La question du champ-de-bataille, ouverte pour les Brestois ne fréquentant pas les séances municipales,

depuis la publication, par la Dépêche, de la lettre de M. le ministre des finances et du rapport qui l'accompagne,

a été traitée à bâtons rompus, au jour le jour, au fur et à mesure de la découverte des documents officiels.

 

Il résulte néanmoins, de ce qui a été publié, que jusqu'en 1773 ou 1774, la marine a utilisé le champ de-bataille, qu'elle avait créé en 1694 pour l'usage des gardes de la marine et de ses troupes ;

que celles de la guerre y eurent également accès ; qu'en 1769, à Parc-ar-Meazou,

on établit un champ-de-bataille pour les troupes de la guerre ;

qu'enfin M. de Béhague abandonna ce dernier terrain pour le champ-de-bataille de 1694 ;

que ce fut la place d'armes de 1768, et qu'elle devint la propriété du génie militaire on vertu de l'article 14 du titre V de l'ordonnance du 31 décembre 1776, sur le service du génie et des places, article prescrivant l'établissement, dans chaque place de guerre, d'un plan, nommé directeur.

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Une étude spéciale de la place, dite anciennement

Parc-ar-Measou, conduit aux résultats suivants :

 

En 1793, la marine renonçait à la continuation

des pourparlers entamés avec le propriétaire de ce terrain, parce que le prix qu'il en demandait pour la cession

— 80.000 francs — était trouvé excessif.

 

Conséquemment, me répondra-t-on, en 1769

il ne pouvait y avoir de champ-de-bataille établi

sur cette place, le propriétaire de l'époque

ayant dû faire valoir ses droits.

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En 1769, on s'établit sur la place de Parc-ar-Meazou comme on l'avait fait en 1694

pour le terrain des gardes de la marine.

 

Le propriétaire, en 1769, était le prieur de Brest.

 

En effet, en 1713, Michel La Louër, recteur des Sept-Saints,

avait sollicité et obtenu du pape le bénéfice appartenant originairement à l'abbaye de Saint-Mathieu.

 

Peu au courant de ses droits sur ce terrain, ce prieur qui, à un moment, fut le recteur de Saint-Sauveur

comme le fut celui de Saint-Louis, laissa les officiers du château offrir gracieusement à la ville

une partie du cours d'Ajot, qui n'appartenait nullement à ces officiers.

 

En 1783, le fisc perçut de la ville une redevance sur un terrain paraissant appartenir au roi,

et englobé dans l'hôpital civil.

 

Ce terrain faisait partie soit de Parc-ar-Meazou, soit de Parc-ar-Cornou, tous les deux contigus,

et le roi en confisqua la propriété à l'église des Sept-Saints, héritière depuis 1713 de l'abbaye de Saint-Mathieu,

selon la décision du pape.

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Ce système de confiscation adopté en 1694, suivi en 1769, faillit se continuer en 1783 et années suivantes.

 

Le département de la guerre convoitait le Parc-ar-Mèazou.

 

Des ouvertures avaient été faites à Siviniant,

greffier de la marine, propriétaire de nouvelle date.

 

Il demandait 80,000 fr.

 

Dans une lettre du commandant de la marine

du 19 novembre 1783, on trouve ce passage :

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« On m'a assuré que M. le comte de Langeron avait trouvé la demande de 80,000 fr. trop chère

et qu'il se proposait de faire rendre un arrest du Conseil pour s'en emparer par autorité. »

 

En 1785, le château de Brest avait été cédé à la marine et, en échange,

le département devait construire les établissements utiles à la guerre.

 

La marine, se proposait d'acheter Parc-ar-Mèazou.

 

À la conférence du 22 juin 1785, lorsque la question de ce terrain fut agitée, M. le comte de Langeron,

suivant les assertions du commandant de la marine, déclara que la terre (*)

cédait ce terrain comme acquis par elle, ce dont le propriétaire, ne convient cependant pas. 

Je l'ai observé à M. le comte de Langeron, qui assure la garantie de ce terrain. 

Vous trouverez ci-joint (au ministre) les raisons de défense qu'allègue ce même propriétaire

que j'ai cru devoir vous faire connaître, mais auxquelles je ne puis m'arrêter, vu la garantie de M. de Langeron.

(*) Armée de Terre

 

Si M. de Béhague abandonna, en 1773, le Parc-ar-Mèazou, ce n'est point parce qu'il éprouvait du doute

sur la validité des actes accomplis par M. de Roquefeuil à l'égard du champ-de-bataille de la guerre,

mais parce qu'il préférait utiliser une place mieux appropriée que celle de 1769.

 

Y eut-il, en 1773 ou 1774, un abandon en règle fait à la guerre par la marine du terrain de 1694 ?

 

Cela est possible, et alors la campagne entreprise tombe naturellement.

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L'hypothèse est presque improbable ;

dans ce cas, on revient à la thèse qui consiste à présenter

de Béhague comme ayant préparé l'accaparement

de la place par le génie, en application de l'article 14

du titre V de l'ordonnance du 31 décembre 1776.

 

De là découle cette conséquence logique.

 

Il n'y a jamais eu à Brest de place à laquelle

on puisse légalement appliquer la dénomination

de place d'armes, selon le vœu de l'ordonnance de 1768.

 

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L'application de cette ordonnance de 1768 était une des grandes préoccupations de M. de Béhague.

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Il prit le service le 8 mai 1773 et, chaque jour,

il lançait un ordre de rappel à l'exécution de l'une ou l'autre des prescriptions de cette ordonnance.

 

Le 30 septembre 1773, il écrivit à la communauté de ville pour l'informer de son désir

que le corps de garde de la place des Sept-Saints fût transféré au champ-de-bataille

et il l'invita à faire l'acquisition du terrain de M. de Coataudon ;

dès lors, de Béhague avait fait tous ses calculs ;

il connaissait approximativement le prix de vente, celui de la construction.

 

Le ministre de la guerre et l'intendant de la province entrèrent dans ses vues.

 

Bien que l'intendant de la province connût les intentions de la communauté sur ce terrain, d'une superficie

de 104 toises 2 pieds 8 pouces, destiné à recevoir un hôtel de ville, un tribunal, des prisons, l'intendant,

dis-je, à la date du 7 janvier 1775, informa la communauté qu'il était disposé à l'autoriser à contracter

un emprunt de 14,000 fr. pour la construction d'un corps de garde sur le champ-de-bataille.

 

La dénomination de place d'armes commençait à apparaître dans la correspondance.

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La communauté employa tous les moyens dilatoires possibles, il lui fallut s'exécuter devant un ordre du roi.

 

Le 17 août 1776, elle vota le fonds de 14,000 fr.

nécessaire pour le corps de garde.

 

Le 31 décembre 1776 fut promulguée l'ordonnance

sur le corps royal du génie et le service des places.

 

En conséquence, M. de Champeroux,

commissaire des guerres, fut chargé de terminer la question du corps de garde et il le fit d’une façon assez bizarre.

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Le 30 mai 1777, il versait entre les mains de M.et Mme de Coataudon du Froutven, 6266 fr. 3 s. 4. d.

pour paiement d'une superficie de 104 toises, 2 p. 8 p., et donnait à la ville 77 toises 5 p. 2 p.

 

La communauté versait ses 14.000-fr. devenait propriétaire du corps de garde,

dont l'entretien fut à la charge de la guerre.

 

Le 1er septembre 1778, M. de Champeroux vendait pour 850 fr. aux époux Binet le surplus du terrain.

 

Enfin, le 10 août 1784, le commissaire des guerres payait à la juridiction des régaires de St-Gouesnou,

1,131 fr. 7 s. 6 d. pour les droits de Loods et Ventes dus à l'évêque dont ce terrain relevait.

 

Voilà de quelle façon le champ de manœuvres des gardes de la marine de l'année 1694 est devenu

la propriété du service du génie.

 

Sur l'emplacement du corps de garde s'élève la maison n° 50, rue d'Aiguillon.

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